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Chapitre IV. Les modules photovoltaïques organiques

IV.2. Ablation laser de couches de l’empilement photovoltaïque

IV.2.4. Résultats des tests d’ablation laser

IV.2.4.2. Ablation d’un empilement de couches

D’après les premiers résultats obtenus, il n’apparaît pas trivial de retirer proprement les deux couches déposées par-dessus les Ag NWs sans endommager ces derniers, c’est pourquoi l’influence des paramètres sensibles du montage laser va être explorée dans un premier temps. Une analyse plus quantitative sera ensuite menée dans le but d’estimer l’impact réel du rayonnement laser sur cet empilement.

IV.2.4.2.1. Influence des paramètres du laser sur la gravure

Les paramètres influents du laser sur lesquels il est possible d’agir sont la puissance incidente et la vitesse de déplacement, en plus des deux longueurs d’onde. Sur la Figure IV.25 se trouve un exemple d’échantillon où près de 80 conditions différentes (voir Tableau IV.3, longueur d’onde utilisée : λ = 515 nm) sont rassemblées sur un substrat en verre de 15 x 15 mm² comprenant l’empilement Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM. Pour chaque énergie, un balayage d’une dizaine de vitesses est effectué afin de déterminer la vitesse maximale permettant d’obtenir le recouvrement des trous mais aussi le meilleur compromis de pénétration dans les couches à enlever, l’ablation devant rester sélective. Seul le ZnO sera présenté en tant que couche interfaciale dans un empilement Ag NWs/couche interfaciale/P3HT:PCBM car c’était le matériau utilisé dans les dispositifs au moment de cette série d’essais. Le ZnO étant plus difficile à ablater avec le laser UV qu’avec le visible, cet échantillon a été analysé plus en détails afin de justement comprendre les phénomènes pouvant se produire au sein d’un tel empilement.

Figure IV.25. Photographie d’un échantillon de Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM exposé à la longueur d’onde λ = 515 nm avec différentes conditions d’ablation laser (voir Tableau IV.3, taille du substrat : 15 x 15 mm²)

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Energie des impulsions (µJ) Vitesse de déplacement (mm/s)

3,9 500 2,7 600 2 700 1,5 800 0,75 900 0,5 1000 0,16 1100 1200 1300 1400 1500

Tableau IV.3. Paramètres du laser (λ = 515 nm) appliqués à l’échantillon de Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM montré sur la Figure IV.25 (la combinaison de chaque énergie et vitesse a été effectuée, correspondant à 77 conditions différentes)

Les premières caractérisations consistent à observer les tranchées au microscope optique puis évaluer leur profondeur au profilomètre mécanique. Des clichés pris au microscope en fond noir sont répertoriés dans les Tableau IV.4 (laser à 343 nm) et Tableau IV.5 (laser à 515 nm) où l’on peut clairement voir l’influence de la vitesse de déplacement sur l’état de la surface.

171 Vitesse (mm/s) Energie (µJ) 500 1000 1500 2 0,75 0,5

Tableau IV.4. Images de lignes d’ablation laser à 343 nm prises au microscope optique sur un empilement Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM

Si la vitesse de déplacement du laser reste faible (500 mm/s), les impacts se recoupent d’une impulsion à l’autre et laisse apparaître une ligne droite d’ablation continue de la totalité de l’empilement, Ag NW inclus. Nous avons alors diminué l’énergie appliquée afin de conserver les Ag NWs en gardant la vitesse constante. Les images en microscopie optique semblent indiquer qu'il reste de la matière qu'il conviendra de quantifier. En effet ces observations restent qualitatives car basées sur une simple image microscope. Par ailleurs le diamètre du faisceau diminue avec l’énergie, ce qui pourrait être corrigé avec l’ajout d’une lentille afin de le refocaliser. Il est important que le diamètre de ce faisceau ne soit pas trop faible afin d’obtenir des lignes d’ablation qui ne sont pas trop difficiles à mesurer au profilomètre optique. D’après ce tableau seules les conditions correspondant aux énergies de 0,75 et 0,5 µJ pour des vitesses de 1000 et 1500 mm/s semblent garder une partie des Ag NWs intacts avec un minimum de continuité, nécessaire pour maintenir la conductivité électrique. Cependant nous n'avons pas pu vérifier que le film sous-jacent était conducteur en raison des lignes d’ablation trop étroites, dues au diamètre du faisceau.

172 Vitesse (mm/s) Energie (µJ) 50 500 1000 9,9 6 1,8

Tableau IV.5. Images de lignes d’ablation laser à 515 nm prises au microscope optique sur un empilement Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM

Comparé au laser UV, l’augmentation de la longueur d’onde vers le visible nécessite de modifier les énergies incidentes mais aussi les vitesses de déplacement pour un résultat final comparable. Après analyse des images du Tableau IV.5, il semble que seules les conditions correspondant une énergie de 1,8 µJ pour une vitesse de 1000 mm/s permettent de conserver la couche de Ag NWs. Des énergies plus faibles ont aussi été testées, cependant le profilomètre indiquait que très peu de matière avait été enlevée voire pas du tout (aucune marche détectée au niveau de la ligne d’ablation).

Tous les résultats des mesures d'épaisseurs ablatées en fonction de la vitesse de déplacement ainsi que de l'énergie du laser sont rassemblés sur les graphiques de la Figure IV.26. L'épaisseur de la totalité de l'empilement ZnO/P3HT:PCBM est d’environ 275 nm. Les valeurs moyennes sur 4 mesures par ligne sont affichées, leur écart-type n’a pas été ajouté car cela nuirait à la clarté du graphique.

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Figure IV.26. Profondeur des lignes d’ablation laser sur un empilement Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM selon l’énergie appliquée et la vitesse de déplacement (laser 343 nm en mauve, 515 nm en vert)

Les tendances concernant l’influence de la vitesse et de l’énergie sur la profondeur des lignes sont relativement faciles à identifier, et ces courbes illustrent bien ce qui est observé sur les images microscope précédentes. En augmentant la vitesse à énergie constante il y aura moins de matière ablatée et il en va de même si l’énergie est diminuée à vitesse constante. Seules des très faibles vitesses (<250 mm/s) permettent d'altérer l'empilement de 275 nm. Afin de déterminer la nature du matériau encore présent sur le substrat une analyse quantitative a été menée.

IV.4.2.2.2. Analyse quantitative

Une ligne d’ablation en particulier a donc été analysée plus en détails afin de rendre compte de la matière présente après exposition à un faisceau laser hautement énergétique. Cette ligne, visible dans le Tableau IV.4 correspond aux conditions suivantes : λ = 343 nm, E = 0,75 µJ, v = 500 mm/s. Il semble que tout l’empilement ait été ablaté d’après la couleur et la profondeur de la ligne qui est estimée à plus de 250 nm. Afin de caractériser plus en détail cette ligne, une analyse de la surface par la technique AFM a été effectuée (Figure IV.27).

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Figure IV.27. Images AFM du fond d’une ligne d’ablation sur un empilement Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM (conditions laser : λ = 343 nm, E = 0,75 µJ, v = 500 mm/s)

La texture observée montre des agrégats de particules distribués de façon inégale, sans que cela nous donne d'information particulière sur la nature de ces agrégats. Pour une idée plus précise la nature chimique de la surface, une analyse au microscope électronique à balayage (MEB, modèle JSM 6100 de chez JEOL) couplée à la technique de spectroscopie par dispersion d’énergie aux rayons X (EDX, système d’analyse INCA Energy, x-stream, mics et détecteurs (SDD), fenêtre ATW2) a été menée [31]. Cette technique a permis d’observer la surface avec plus de détails et un meilleur contraste qu’avec l’AFM et surtout d’obtenir une analyse semi-quantitative des espèces chimiques présentes dans le sillon. Les images MEB sont visibles en Figure IV.28. Les Ag NWs sont très facilement repérables sur les bords de la partie ablatée. Tous les points visibles sur les bords de la ligne sont des Ag NWs ayant subi une élévation de température sous l'effet du laser les contraignant à se rétracter sous forme sphérique [32]. En effet, contrairement à l’argent massif, les nanofils métalliques ont une résistance bien moindre à la chaleur qui les rend vulnérables lors d’une telle exposition [33]. La nature chimique de la surface au centre de la ligne d’ablation, inaccessible par AFM, est déterminée par spectroscopie EDX.

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Figure IV.28. Image MEB d’une ligne d’ablation sur un empilement Ag NWs/ZnO/P3HT:PCBM (conditions laser : λ = 343 nm, E = 0,75 µJ, v = 500 mm/s)

Grâce à cette méthode, une analyse élémentaire des différentes espèces chimiques présentes dans le sillon va pouvoir être réalisée comme cela est montré sur la Figure IV.29. En dehors des atomes constituant le substrat de verre on retrouve le zinc du ZnO ainsi que l’argent des Ag NWs. Après comparaison avec le spectre de référence du ZnO [34] il s’avère que ce composé est toujours présent dans la zone analysée. Par ailleurs le spectre 3, pris sur un point brillant ressemblant aux résidus de Ag NWs observés sur les bords, confirme bien cette supposition avec le pic de l’argent montré en encart. Ceci est encore confirmé avec les images de la Figure IV.30 représentant une analyse 1D des atomes d’argent et de zinc le long d’une ligne : tandis que le zinc est plus ou moins distribué sur l’ensemble de la tranchée, l’argent est éparpillé à certains endroits.

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Figure IV.29. Analyse EDX de la ligne d’ablation (positions montrées sur l’image MEB à gauche, Spectre 2 tracé sur le graphique et agrandissement sur le pic de l’argent pour le Spectre 3 en encart)

Figure IV.30. Analyse EDX des atomes d’argent et de zinc le long d’une ligne (représentée par le trait bleu sur l’image MEB à gauche)

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Toutes ces mesures permettent d’affirmer que le rayonnement laser a ablaté la couche active ainsi qu’une grande partie des Ag NWs, tandis que le ZnO qui se trouvait entre les deux est toujours détectable. Cela résulte en une surface principalement constituée de particules de ZnO isolantes donc sans intérêt pour l’application attendue. Ce résultat était à craindre compte tenu de la valeur du seuil d’ablation du ZnO nettement supérieure à celle des Ag NWs. De ce fait, il est difficilement envisageable de pouvoir obtenir la structuration de l’empilement désirée pour la réalisation de modules OPV par ablation laser sans protection préalable des Ag NWs. C’est pourquoi un empilement sans cette couche interfaciale a été testé par la suite. Plusieurs essais avec des paramètres laser similaires ont été effectués sur l'empilement Ag NWs/P3HT:PCBM, toutefois aucun de ces essais n’a mené à des résultats satisfaisants.

La prochaine étape a alors consisté à réaliser le même type d’essais sur un substrat plastique, puisqu’il fait partie des objectifs finaux du projet ISOCEL.