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La catalyse biphasique qui s’est développée autour de la réaction d’hydroformylation a été appliquée à des systèmes aqueux grâce à des ligands phosphines fonctionnalisées, ioniques comme la TPPTS (triphénylphosphinetrisulfonée), donnant lieu à des applications industrielles comme c’est le cas pour les catalyseurs à base de rhodium.

Dès 1979, Jenck,67 pour la compagnie Rhône-Poulenc, décrit l’emploi du ligand TPPTS dans un procédé d’hydroformylation biphasique aqueux. La fonctionnalisation du ligand PPh3 par des groupements anioniques sulfonates SO3-, a permis de rendre le catalyseur soluble dans l’eau. Grâce à ce ligand, le cobalt peut également être immobilisé dans la phase aqueuse, la catalyse s’effectuant à l’interface avec la phase organique constituée par les réactifs, et la solution de catalyseur peut être séparée des produits par simple décantation. L’application de ces complexes du cobalt s’est faite dans l’hydroformylation de différents alcènes en C6 et C8 (isomères de l’hexène et de l’octène), pour laquelle la phase organique est constituée par l’alcène lui-même. Les meilleurs résultats ont été obtenus sur l’hex-1-ène, à 140°C et 130 bar d’un mélange H2/CO = 2 (mol/mol), pour un rapport molaire phosphore/cobalt = 4. Dans ces conditions, l’alcène est consommé à 98% en 3 heures, avec une sélectivité en aldéhydes de 89%, les produits d’hydrogénation représentant moins de 10% de la conversion avec 8% d’heptanol et 1% d’hexane. La fuite de cobalt en phase organique est d’environ 1% du cobalt introduit. Le catalyseur a pu être recyclé 4 fois grâce à la phase aqueuse sans perte d’activité et la décantation s’effectue facilement.

Dans des travaux plus récents, Rosi et al.68 décrivent la préparation, la caractérisation et l’emploi en hydroformylation de quatre complexes dimères du cobalt, substitués par des phosphines fonctionnalisées : [P(C2H4CN)3], [P(C2H4COOMe)3] [P(C3H6OMe)3] et [P(C3H6OEt)3]. Les auteurs estiment que la formation des dimères [Co2(CO)6(L)2] passe par le cluster [Co4(CO)12], qu’ils ont détecté en infrarouge. Il apparaît que les fréquences des vibrations d’extension des groupements nitriles (CN) et carboxyliques (COOMe) ne montrent aucun changement entre le ligand libre et coordonné. Ils sont donc liés uniquement par le phosphore, même s’ils portent des fonctions susceptibles de se coordonner. Les groupements présents sur le squelette de ces ligands apportent un caractère hydrophile par leur polarité et

les complexes formés ont été appliqués à l'hydroformylation de l’hex-1-ène dans différents solvants, y compris en présence d’eau. Lorsque les auteurs effectuent leurs tests dans un mélange eau/dioxane, les résultats restent peu probants avec seulement 5% de rendement en produits hydroformylés contre 88% dans le dioxane seul. Toutefois, en étudiant l'influence de la température dans ces conditions, les auteurs voient une augmentation de la conversion de 36% à 100°C jusqu'à 87% à 150°C. La proportion en produit linéaire chute dans le même temps de 78% à 100°C à 57% à 150°C.

En 1999, le groupe de Beller69 a étudié l’hydroformylation des isomères du pent-2-ène avec un système cobalt/TPPTS en milieu biphasique aqueux. Sur ces alcènes internes, à 190°C et 100 bar de H2/CO (1/1), ce système permet d’atteindre une sélectivité de 75% en aldéhydes et un rapport n/iso de 3. En comparaison, l’hydroformylation de l’hex-2-ène dans le benzène avec [HCo(CO)3(PBu3)] s’opère à 170°C et 250 bar. Dans les conditions de Beller, les alcools représentent au maximum 5% des produits formés. Le rapport n/iso apparaît défavorisé par les basses pressions de gaz de synthèse et chute à 1 sous 20 bar de pression totale. Ce travail montre essentiellement que l’activité du cobalt pour l’hydroformylation des alcènes internes en aldéhydes linéaires, qui est largement supérieure à celle du rhodium, peut être transposée à un milieu biphasique aqueux.

Récemment, Haumann et al.70 ont effectué l’hydroformylation du tétradéc-7-ène dans des microémulsions qui résultent de la présence d’un tensioactif et d’une phase aqueuse. Le système catalytique, basé sur [Co2(CO)6(TPPTS)2], ne dégage une activité satisfaisante qu’à partir de 160°C et 80 bar, avec une conversion de 86% en 10 heures pour 200 ppm de catalyseur. Le rapport n/iso est légèrement supérieur à 1 et la sélectivité en alcools est de 25%. Les auteurs voient apparaître, à 160°C et 120 bar, une diminution de la linéarité des produits et l’attribuent à la formation de l’hydrure [HCo(CO)4], beaucoup plus actif que son homologue substitué mais moins sélectif. Toutefois, l’analyse de la phase organique en fin de réaction, par absorption atomique, n’a pas révélé la présence de cobalt. Il est à noter que, du fait de la présence du tensioactif dans le milieu, la décantation des deux phases ne se fait pas complètement et les auteurs ont recours à l’ultrafiltration pour récupérer les agrégats micellaires contenant la phase aqueuse porteuse du catalyseur.

Dernièrement, Parmar et al.56 ont décrit l’emploi d’un système [CoCl2(TPPTS)2] dans l’hydroformylation de l’hex-1-ène en milieu biphasique aqueux. Le taux de conversion de

l’alcène atteint 87%, en 7 heures sous 90 bar de H2/CO (1/1), à 100 et 120°C. L’activité hydrogénante est importante, avec un minimum de 7% d’hexane formé, et les isomères de l’alcène comptent toujours pour au moins 10% des produits obtenus. Toutefois, la sélectivité en aldéhydes reste voisine de 70% et le rapport n/iso autour de 3. Lorsque l’eau est remplacée, dans ce système, par de l’acétonitrile, la sélectivité en aldéhydes monte à 95%, mais la conversion chute à 30%.

Ainsi, l’application du cobalt dans l’hydroformylation en milieu biphasique apparaît limitée. Elle s’est faite en milieu aqueux par l’emploi de ligands hydrosolubles, avec plus ou moins de réussite, mais les exemples demeurent peu nombreux contrairement au rhodium.

Les recherches dans le domaine de la catalyse biphasique ont également conduit à développer de nouvelles classes de solvants, comme les solvants perfluorés, les fluides supercritiques ou encore les liquides ioniques. Ces derniers présentent des propriétés physico- chimiques intéressantes et apportent plusieurs avantages en tant que solvant de réaction en catalyse. Toutefois, l’extension de l’hydroformylation biphasique dans ces nouveaux milieux semble encore peu explorée dans le cas du cobalt.