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Chapitre 2. Le relevé numérique

3.3. Hybridation réel / virtuel

3.3.5. Applications au patrimoine

Dans le domaine du patrimoine culturel, les applications de réalité augmentée concernent principalement la médiation et la diffusion. Plus spécifiquement, la majorité cible le tourisme ou des cadres muséaux. Elles nécessitent un traitement préalable des données 3D, prennent lieu dans des environnements connus ou contrôlés, et sont scénarisées en amont afin de définir à l’avance les contenus associés aux données, et chaque modalité d’interaction (Bekele et al., 2018).

Ridel et al. (2014)proposent par exemple « The revealing flashlight », un système de réalité augmentée spatiale permettant aux utilisateurs de visualiser un objet patrimonial en rendu expressif. La direction de l’index de l’utilisateur guide l’orientation d’une lampe torche virtuelle, qui, au lieu d’éclairer l’objet, le texture à l’aide de techniques de rendu expressif basées sur les concavités et convexités calculées à partir d’une numérisation 3D (Figure 71). Ce travail montre l’intérêt de la réalité mixte pour l’aide à la visualisation des reliefs, mais implique une importante préparation des données en amont et un contrôle total de l’environnement. En outre, les dimensions des objets observés doivent être contenues.

L’application proposée par Pierdicca, et al. (2015) a pour but de permettre la visualisation en réalité augmentée mobile de sites archéologiques disparus. Leur proposition repose sur la définition de métadonnées décrivant chaque site, comprenant notamment des informations concernant sa géolocalisation. Le recalage des modèles 3D des sites archéologiques sur la réalité est alors basé sur leur géoréférencement et sur les coordonnées GPS du mobile de l’utilisateur (Figure 72). La visualisation peut être accompagnée d’une description sommaire fournie par le reste des métadonnées. Ce travail montre qu’il est possible de proposer une approche plus générique permettant la visualisation AR de sites sans connaissance préalable ni maîtrise de l’environnement dans lequel évoluera l’utilisateur. Cependant, elle n’offre aucune forme d’interaction avec les données à l’exception de leur visualisation. Par ailleurs, comme nous l’avons vu en (section 2.4), la description sous forme de texte libre est insuffisante pour profiter de l’apport des informations sémantiques.

Relevé numérique d’art pariétal : définition d’une approche innovante combinant propriétés géométriques, visuelles et sémantiques au sein d’un environnement de réalité mixte

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Figure 71 : Application de réalité augmentée spatiale

The revealing flashlight. Illustration : (Ridel et al., 2014).

Figure 72 : Visualisation AR du modèle 3D du site archéologique de Chan Chan (Pérou). Illustration : (Pierdicca et al., 2015).

Dans le cas de l’art pariétal, peu de travaux s’intéressent à la réalité augmentée. Parmi eux, MARCH (Choudary et al., 2009) est une application mobile de réalité augmentée qui permet l’augmentation des images du flux vidéo par les dessins de relevé des experts (Figure 73). Les auteurs partent du constat que les traces anthropiques dans les grottes sont très souvent difficiles, voire impossibles, à discerner à l’œil nu. Leur application permet de les mettre en évidence à partir de tracés fiables établis par les experts. Le suivi est basé sur l’utilisation d’images de références. Cette application, qui date déjà d’une décennie, constitue un premier pas intéressant vers un système dédié au relevé. Bien sûr, en l’état il ne s’agit pas tant d’une application dédiée au relevé que d’un outil de visualisation contextualisée de travaux déjà effectués. En outre, elle ne permet pas de profiter des attributs géométriques de l’objet observé ni des descriptions établies par les experts et associées au relevé.

Blanco-Pons et al. (2019) partent d’un constat similaire, et proposent une application de réalité augmentée mobile destinée à améliorer l’expérience des utilisateurs lors de visites guidées du site Cova

dels Cavalls à Tirig (Espagne). Il s’agit donc principalement de médiation : les utilisateurs pointent leur

mobile vers les parois, et des informations supplémentaires sont affichées en superposition. L’application permet en particulier de faciliter l’identification des éléments peints en accentuant les peintures (Figure 74)par la superposition de tracés colorés préparés en amont.

Citons également la technique du relevé par vidéoprojection, déjà expérimentée pour l’étude des parois de la Chaire-à-Calvin en 2005 (Pinçon et al., 2018), qui s’apparente fortement à de la réalité augmentée

Figure 73 : Principe de l’application MARCH.

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spatiale. Elle consiste à mettre en place un espace de travail collaboratif pour le relevé des panneaux, exploitant une charte graphique partagée, tout en préservant l’intégrité des parois étudiées. Pour cela, les releveurs utilisent une tablette graphique et un logiciel de dessin vectoriel, utilisant une vue orthographique du panneau pour réaliser les observations. Cet espace de travail est projeté sur la paroi à l’aide d’un vidéoprojecteur, ce qui permet de visualiser dans l’environnement réel et en temps réel les tracés réalisés par les observateurs (Figure 75). Cette expérience est très convaincante, mais elle ne permet pas de profiter véritablement de l’apport de la 3D dans la mesure où seule une projection orthographique est utilisée comme support d’annotation. En outre, elle impose un point de vue fixe.

Figure 75 : Relevé par vidéoprojection. Illustration : (Pinçon et al., 2018).

Enfin, comme évoqué précédemment, le travail de Barbier et al. (2017) se concentre sur l’art mégalithique du Néolithique, et s’intéresse aux potentiels de la réalité augmentée pour l’annotation sémantique de modèles 3D. L’application proposée, nommée MAAP, cible la monture Hololens (Figure 76). Elle permet de charger un modèle 3D de l’objet d’étude, et de l’annoter au moyen de différents outils d’accentuation et de sélection (voir section 2.4.2). La description des annotations est réalisée sous forme de texte libre à l’aide de reconnaissance vocale. Cependant, contrairement aux travaux précédents, la réalité augmentée n’est pas exploitée ici à des fins de contextualisation. En effet, l’objet 3D n’est pas visualisé dans son environnement réel mais uniquement ex situ.

Figure 76 : Vue de l'application MAAP pour Hololens. Illustration : (Barbier et al., 2017).

Finalement, nous pouvons constater, comme le soulignent Bekele et al. (2018) que les applications de réalité augmentée dans le domaine du patrimoine concernent principalement la médiation et l’éducation, la catégorie exploration étant largement minoritaire29. Parmi les travaux de cette catégorie, une partie

29 Pour établir une classification des applications AR et VR pour le patrimoine, les auteurs proposent cinq catégories :

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s’intéresse à l’aide à la visualisation en profitant des attributs géométriques des données numériques, mais sans explorer l’apport des descriptions sémantiques ou, plus globalement, des systèmes d’information. Inversement, les travaux s’intéressant à la définition d’approches génériques font généralement l’impasse sur l’apport des attributs géométriques et offrent peu d’outils d’interaction et d’enrichissement. En outre, elles reposent principalement sur des méthodes de suivi basées sur le géoréférencement des données et l’utilisation de capteurs GPS, ce qui est incompatible avec des environnements intérieurs. Enfin, nous devons également souligner que la grande majorité des applications étudiées implique un traitement préalable des données 3D ainsi qu’une connaissance a

priori de l’environnement. Or, dans notre cas, les projets réalisés sur Aïoli doivent être disponibles en

réalité augmentée indifféremment de leur contenu et de leur nature, ce qui signifie que l’environnement de l’objet représenté ne peut être considéré comme connu.