• Aucun résultat trouvé

Application `a la phase vortex

Dans le document Habilitation à Diriger des Recherches (Page 63-66)

On retrouve par cons´equent un hamiltonien tr`es similaire `a celui du mod`ele pSO(5), ce qui confirme ainsi l’approche ph´enom´enologique, bien que notre d´emarche soit relativement distincte. En particulier, une lacune du mod`ele pSO(5) est de faire l’hypoth`ese que les paires de trous et les triplets magn´etiques ont des ´energies cin´etiques (termes de saut) similaires. En comparant ces param`etres (Jset Jc) sur la table I.1

(page 45), nous voyons que cette hypoth`ese est v´erifi´ee pour des valeurs r´ealistes des couplages J/t. Nous avons montr´e dans le chapitre I que ce mod`ele effectif d´ecrit parfaitement la phase antiferro- magn´etique bien que nous ne conservions qu’un seul ´etat singulet et triplet par plaquette (voir la partie 3.5 du chapitre I); en outre, il d´ecrit ´egalement tr`es bien la physique des ´echelles dop´ees. Cependant, bien qu’´etant bosonique, ce mod`ele ne peut pas ˆetre simul´e facilement car ses ´el´ements de matrice ne sont pas tous n´egatifs, ce qui cause un probl`eme de signe dans une approche par Monte-Carlo quantique.

Ainsi, afin de pouvoir ´etudier plus avant notre mod`ele, nous proposons de n´egliger les termes les moins importants. L’argument est que d’une part, nous n´egligeons d´ej`a les termes `a plus longue port´ee, et d’autre part, nous attendons des r´esultats qualitatifs sur la pr´esence ou non de certaines phases dans le diagramme de phase. En effet, il ne s’agit pas d’une ´etude fine des transitions de phase mais d’une pr´ediction semi-quantitative des phases possibles. Pour la mˆeme raison, nous consid´erons ´egalement le terme coulombien entre les plaquettes diagonales comme un param`etre variable afin de pouvoir d´ecrire diff´erentes phases.

L’hamiltonien effectif ainsi obtenu ressemble fortement au mod`ele pSO(5) auquel s’ajoutent des interactions coulombiennes effectives entre plaquettes proches et secondes voisines :

H = Δs  x t†αtα(x) + Δc  x t†hth(x) Js 2  xx (t†α+ tα)(x)(t†α+ tα)(x) − Jc  xx t†h(x)th(x) + h.c. + V1  xx ρ(x)ρ(x) + V2  xx ρ(x)ρ(x), (II.1)

avec ρ(x) = thth(x) la densit´e locale de paires de trous. Les termes de cet hamiltonien ont une signifi-

cation simple :Δs correspond au gap de spin `a fournir pour cr´eer un triplet sur une plaquette,Δc est le

potentiel chimique effectif pour les paires de trous, Jset Jc d´ecrivent les couplages Josephson et V1et V2

sont les interactions coulombiennes entre plaquettes proches voisines et secondes proches voisines. Notre ´etude suppose que les paires de trous sont form´ees `a une ´energie sup´erieure et que ce sont les degr´es de libert´e pertinents `a basse ´energie. C’est une des interpr´etations du pseudogap qui trouve sa justification dans des ´etudes num´eriques montrant la tendance `a l’appariemment86–88, ainsi que les mesures exp´erimentales montrant une tr`es faible longueur de coh´erence ξ pour les paires.

II.3

Application `a la phase vortex

La premi`ere application de notre mod`ele effectif bosonique concerne l’´etude de la phase de vortex o`u a ´et´e d´etect´ee l’existence de modulations de la densit´e locale. Cette partie reprend la publication [15] effectu´ee en collaboration avec le groupe de S.C. Zhang (Stanford) et E. Arrigoni (Graz).

3.1 Propri ´et ´es du cœur

La premi`ere remarque concerne la phase dans le cœur de vortex. Il s’agit de la phase normale, au sens o`u la supraconductivit´e est totalement absente et on attendrait donc un ´etat m´etallique. Cependant, un premier succ`es de la th´eorie SO(5) de S.C. Zhang84,85a ´et´e la confirmation exp´erimentale de la pr´esence d’antiferromagn´etisme dans le cœur des vortex. Cet effet pr´edit th´eoriquement84,89a ´et´e v´erifi´e par toutes sortes de techniques exp´erimentales90–93,77,94.

Notre approche est en accord avec cette image puisque, au cœur du vortex, les paires sont interdites, et il ne reste que les triplets magn´etiques qui peuvent, en condensant, donner un ordre antiferromagn´etique (`a courte port´ee).

Nous proposons donc de tester `a partir de notre mod`ele l’influence d’un vortex sur la phase supra- conductrice. Nous choisissons des param`etres tels que, en l’absence de champ magn´etique, nous trouvons une phase supraconductrice (superfluide pour les bosons charg´es) homog`ene. L’introduction d’un vortex va avoir deux effets :

– L’effet orbital va moduler les termes de saut Jc via une phase mais nous avons v´erifi´e qu’il n’´etait

pas crucial;

– l’effet dominant est le caract`ere antiferromagn´etique du cœur que nous mod´elisons en empˆechant les paires d’occuper ce site effectif.

Il s’agit alors de voir si, dans ces conditions, cette phase poss`ede de l’ordre de charge comme cela est observ´e exp´erimentalement.

3.2 Existence d’un cristal de Wigner

La pr´esence d’un ordre de charge est bien sˆur reli´ee `a l’id´ee de cristal de Wigner. Dans un syst`eme o`u domine l’´energie potentielle, Wigner a propos´e l’existence d’une phase ´electronique cristalline. En l’absence de d´efauts qui peuvent accrocher ce cristal, une telle phase isolante n’est possible que pour des remplissages commensurables. Dans l’exp´erience effectu´ee proche du dopage optimal, le dopage est δ = 1/8, soit un trou tous les 8 sites. Dans ce cas, le cristal de Wigner aurait une maille √8a ×√8a (en l’absence d’anisotropie) o`u a correspond `a la taille d’une maille ´el´ementaire. Cet ´etat ne brise pas la sym´etrie de rotation, en accord avec les r´esultats exp´erimentaux. Par contre, la cellule ´el´ementaire diff`ere de la modulation4a × 4a observ´ee par STM.

Dans notre approche, il est plus naturel de consid´erer les paires de trous vivant sur les plaquettes comme les particules charg´ees ´el´ementaires. Or, le dopage de δ = 1/8 correspond `a un dopage en paires de nh = 1/4, c’est-`a-dire une paire pour 4 plaquettes. Ainsi, la p´eriode observ´ee 4a × 4a se comprend

tr`es naturellement comme ´etant due `a un cristal de Wigner de paires, baptis´e PDW (Pair Density Wave) et sch´ematis´e sur la Fig. II.7.

Chacune des paires poss`ede une sym´etrie d et est situ´ee au centre d’une plaquette sur quatre du r´eseau initial. Cet ´etat poss`ede ainsi une sym´etrie 4a × 4a comme observ´ee exp´erimentalement. L’´etat cristallin isolant correspond `a un dopage de δ= 1/8 qui est relativement proche du dopage exp´erimental. Ainsi, en formant un cristal de Wigner de paires de trous et non des trous eux-mˆemes, la p´eriodicit´e obtenue pour la cellule ´el´ementaire est compatible avec le dopage exp´erimental. L’id´ee sous-jacente `a cette ´etude est que le champ magn´etique d´etruit la coh´erence de phase des paires en les localisant, sans toutefois briser les paires.

II.3 Application `a la phase vortex

FIG. II.7 – : Illustration sch´ematique du cristal de paires (PDW) pour un dopage δ = 1/8. Les paires

de sym´etrie d forment un r´eseau de cellule unit´e 4a × 4a. Cette phase est favoris´ee autour d’un cœur de vortex, sch´ematis´e ici par une croix. Figure extraite de la publication [15].

3.3 R ´esultats num ´eriques

Dans cette ´etude, nous avons consid´er´e une fonction d’onde variationnelle, |Ψ =

x

(cos θ + sin θ(cos α t†α+ sin α eiφt†h))(x)|Ω

et nous avons minimis´e l’´energie E = Ψ|H|Ψ en fonction des param`etres variationnels θ(x),α(x) et φ(x). Au quart-remplissage pour les paires de trous (c’est-`a-dire un dopage r´eel de δ = 1/8), le champ moyen pr´edit une transition de phase quantique `a V1 + V2 = Vc ≡ 6J pour Jc = 2Js ≡ 2J. Lorsque

V1+ V2 < Vc, le syst`eme est dans une phase superfluide uniforme. Au-del`a, les paires de trous forment un

ordre de charge en damier (voir Fig. II.7). Aussi, nous avons choisi des param`etres dans la phase uniforme mais proches de la transition.

Rappelons que le champ magn´etique varie suivant la longueur de p´en´etration de London qui est tr`es grande (λ ∼ 30a), et nous le supposons donc uniforme. Les conditions aux limites correspondent `a retrouver la phase supraconductrice uniforme `a densit´e fix´ee sur les bords de l’´echantillon. Enfin, le centre du r´eseau correspond au cœur du vortex suppos´e compl`etement antiferromagn´etique.

Le r´esultat principal est la figure donnant la distribution de charge (Fig. II.8) et montrant un si- gnal tr`es clair de modulation en damier. L’amplitude de cette modulation d´ecroˆıt tr`es rapidement sur une distance typique de10a, ce qui est en accord qualitatif avec les donn´ees exp´erimentales.

3.4 Cons ´equences exp ´erimentales

Discutons `a pr´esent quelques pr´edictions de ce mod`ele qui pourraient ˆetre valid´ees ou non par des exp´eriences futures.

Tout d’abord, si le champ magn´etique d´epasse le champ magn´etique critique sup´erieur Hc2 pour

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9

FIG. II.8 – : Distribution de charge autours du cœur de vortex (situ´e au centre de la figure). Les param`etres

du mod`ele sont : V1/J = 3, V2/J = 2.2, ΔS/J = 1.2 et Δc/J = −0.12. La taille de la grille est en

unit´es 2a.

dans tout l’´echantillon. Ceci est attendu pour les compos´es YBCO et BSCO qui sont moins anisotropes. Les champs accessibles exp´erimentalement ne permettent malheureusement pas encore d’atteindre Hc2

pour les compos´es optimalement dop´es.

Une autre caract´eristique de cette phase a trait `a ses propri´et´es magn´etiques. Si l’on imagine que les paires de trous sont compl`etement localis´ees, alors il subsiste un mod`ele magn´etique sur un r´eseau bipartite et nous attendons donc un ordre antiferromagn´etique au vecteur d’onde(π,π). Ceci diff`ere des th´eories de stripes o`u la pr´esence de lignes de trous g´en`ere une paroi dite d’antiphase, ce qui conduit `a des corr´elations incommensurables.

Ainsi, nous pensons qu’il est probable que diff´erentes familles de compos´es se comportent diff´e- remment. Alors que les compos´es `a base de Lanthane (LSCO) semblent v´erifier l’image des stripes, les compos´es `a base de Bismuth (BSCO) ou d’Yttrium (YBCO) poss`ederaient un ordre antiferromagn´etique commensurable. Cette conclusion est compatible avec les mesures de relaxation de spin du muon (μsR) et de RMN dans la phase de vortex92,94. Cette possible diff´erence entre les diverses familles de supracon- ducteurs fait l’objet de la partie suivante.

Enfin, notre ´etude concerne l’effet d’un vortex sur la phase supraconductrice mais il est possible que certaines conclusions restent les mˆemes dans le cas d’une impuret´e. La seule condition est que l’impuret´e ne brise pas la structure des paires.

Pour conclure, nous mentionnons que d’autres auteurs ont propos´e depuis des explications ana- logues `a cette modulation de charge95,96.

Dans le document Habilitation à Diriger des Recherches (Page 63-66)