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Matériau et surface

1.2 L’acier AISI H11 : une structure martensitique

1.2.2 Traitements thermiques

1.2.2.2 Application à une nuance « SMV3 » à 47 HRC

Le présent travail s’intéresse à la nuance « SMV3 » à 47 HRC. Un barreau cylindrique de diamètre 80 mm et de hauteur 250 mm a fait l’objet d’un traitement thermique approprié en vue de l’obtention de propriétés d’usage optimisées (cf. §1.1). Les opérations de traitement thermiques sont résumées dans le Tableau 1.3. Celles-ci ont été réalisées dans un milieu inerte chez la société Bodycote afin d’éviter surtout les risques liés à l’oxydation. À noter également que l’environnement inerte permet de réduire les déformations internes lors des transformations de phase.

Tableau 1.3 – Traitement thermique effectué pour l’acier AISI H11 47 HRC Austénisation Trempe 1er revenu 2nd revenu

1000˚C/1h gaz/1h 550˚C/2h 605˚C/2h

1.2.3 Microstructure

À l’issue du traitement thermique, l’acier AISI H11 présente une structure martensitique homogénéisée avec une architecture relativement complexe. Dans ce qui suit, l’intérêt est porté, dans un premier temps, aux aspects théoriques de cette microstructure avec un état de l’art qui traite les principales caractéristiques des structures martensitiques. La caractérisation expérimentale menée dans ce travail est présentée dans un second temps. 1.2.3.1 Microstructure martensitique : aspects théoriques

Transformation displacive non diffusionnelle. La transformation martensitique se distingue des transformations diffusionnelles qui s’établissent par des mécanismes de germi-nation et nucléation d’une phase donnée [40–42]. Lors de l’opération de trempe, les vitesses d’échanges thermiques assez élevées provoquent un abaissement de la température qui cor-respond au début de la transformation martensitique Ms (Figure 1.1). Cette diminution de Msinduit une forte atténuation du caractère diffusionnel des atomes de carbone ainsi qu’une augmentation du potentiel chimique de la transformation associée à la différence entre les énergies libres des structures austénitique et martensitique. Le processus de transformation s’effectue en effet suivant un mouvement coopératif de l’ensemble des atomes constitutif. Ces derniers vont occuper de nouvelles positions grâce aux déplacements préalables des atomes voisins sur des distances inférieures à leur distance interatomique.

Le processus displacif de la transformation martensitique dans les aciers de type AISI H11 permet, à partir d’une phase austénitique ayant une structure de type cubique à faces centrées (CFC), la formation d’une structure quadratique centrée d’une manière analogue aux déformations plastiques6. Contrairement aux transformations diffusionnelles, ce phéno-mène ne requiert aucune activation thermique. Il se produit le plus souvent d’une manière instantanée, avec des vitesses de l’ordre de celle du son dans le fer, dans des zones dites de

6. Cette transformation est essentiellement caractéristique des aciers de type FeC. À noter que la nature de la structure cristalline de la martensite dépend du type d’alliage traité.

« transformation » situées au niveau des joints de grains austénitiques (Figure 1.3) [4,40,41]. Les liaisons atomiques dans ces zones sont ainsi modifiées et réformées7 ce qui engendre l’allongement des réseaux cristallins selon certaines directions [41].

Par ailleurs, le rapport des paramètres de maille de la structure quadratique centrée de la phase martensitique sont associés au taux de carbone dans l’acier. Lorsque la teneur en celui-ci est assez faible, telle que dans l’acier AISI H11, la structure de la martensite peut être considérée comme étant cubique centrée (CC) [43].

Figure 1.3 – Processus de transformation martensitique de par les joints de grains austéni-tiques [4]

Aspects morphologiques. Les mécanismes assez complexes de la transformation dis-placive font que la martensite α de structure CC, ou éventuellement quadratique centrée, ait différentes morphologies. Des études antérieures montrent que selon la teneur en carbone et la température Ms, l’acier présente le plus souvent les morphologies qui suivent [5, 6] :

– un aspect sous forme lenticulaire marquée (Figure 1.4a) qui apparaît pour les aciers fortement alliés ayant une teneur en carbone relativement importante et une tempé-rature de début de formation de la martensite Ms élevée,

– une morphologie de plaquette (Figure 1.4b) caractéristique des aciers ayant également une importante teneur en carbone, une température Msun peu plus élevée que l’aspect lenticulaire mais de faible proportion en éléments d’alliages,

– un aspect morphologique sous forme de lattes empilées en paquets (Figure 1.4c) pour les aciers alliés et ayant une faible teneur en carbone, soit inférieure à 0,4%.

À noter également que d’autres aspect morphologiques peuvent apparaître à l’issue de la transformation martensitique. Quand la température Ms prend des valeurs extrêmement faibles, la martensite prend occasionnellement la forme de micro-plaquettes avec une forte densité de macles. Des morphologies ayant de formes de « papillons », correspondant à des

7. Ce phénomène est équivalent aux conséquences des mouvements des dislocations en déformations plastiques.

(a) Morphologie en lentilles (b) Morphologie en plaquettes (c) Morphologie en lattes

Figure 1.4 – Principaux aspects morphologiques des aciers martensitiques [5]

plaquettes maclées formant des « zigzags », peuvent également se révéler dans des aciers ayant des teneurs assez importantes en carbone et des températures Ms modérées.

Outre la température Ms, il est évident que la teneur en carbone s’illustre comme étant un paramètre essentiel dans l’aspect morphologique de la martensite. Par ailleurs, des études de métallurgistes ont été menées sur ce sujet sur des alliages de types Fe-Cr-C et Fe-Ni-C [8,44,45]. En modifiant les paramètres de l’opération de trempe, i.e de la phase d’austénisation du traitement thermique, il est assez aisé d’obtenir une variabilité de la teneur en carbone dans l’acier. Les examens micrographiques révèlent que la distinction des paquets dans lesquels les lattes sont empilées est de plus en plus délicate avec l’augmentation de la teneur en carbone. Les dimensions des lattes deviennent également de plus en plus faibles avec une tendance d’une métamorphose en une morphologie lenticulaire pour des teneurs massiques en carbone de l’ordre de 0,8% (Figure 1.5).

Figure 1.5 – Évolution de l’aspect morphologique de la structure martensitique en fonction de la teneur (massique) en carbone d’après [6]

Aspects structuraux. Comme évoqué précédemment, le processus de transformation martensitique s’établit suivant des mécanismes displacifs similaires aux déformations plas-tiques, mais plus typiquement aux déformations par cisaillement. Ces mécanismes obligent alors une certaine cohérence entre les réseaux des structures austénitique et martensitique. Les aspects structuraux de la martensite induits, à savoir les caractéristiques des défauts engendrées, les plans d’habitat et les relations d’orientations, sont à l’image des aspects mor-phologiques. Ils dépendent en effet de la composition chimique de l’acier et des paramètres des opérations du traitement thermique.

Caractéristiques des défauts structuraux. La martensite en plaquettes se dif-férencie, en outre de son aspect morphologique, de la martensite ayant une morpholo-gie en lattes par le type de défaut structural interne dans les réseaux. Des études anté-rieures montrent que le maclage est une caractéristique structurale de la martensite en plaquettes [5]. Néanmoins, ce type de défaut n’est guère mis en évidence dans la martensite en lattes. Cette dernière est en effet caractérisée par un enchevêtrement concentré de dis-locations. La densité de celles-ci est associée à la dureté du matériau issu de l’opération de revenu, tel qu’exposé dans les travaux de Mebarki et al. [46] concernant l’acier AISI H11.

Si l’approche menée par Mebarki et al. reste qualitative en raison de la complexité de la structure interne de l’acier en question, d’autres auteurs ont pu établir une dialec-tique quantitative des dislocations sur des aciers assez similaires. Sandvik et Wayman [47] montrent que les dislocations qui concernent les martensites en lattes sont le plus souvent les dislocations vis avec quatre vecteurs de Burgers possibles, de type a

2h1 1 1iα. Leur étude quantitative révèle une prépondérance de la densité des dislocations ayant des vecteurs de Burgers selon a

2[1 1 − 1]α. Par ailleurs, les examens menés sur les interfaces entre les struc-tures martensitiques et austénitiques ont permis de mettre en évidence des groupements de dislocations parallèles ayant des vecteurs de Burgers a

2[1 − 1 1]α || a2[0 − 1 1]γ.

Plans d’habitat. D’un point de vue macroscopique, le plan d’habitat, également connu sous l’appellation de plan d’accolement, correspond à l’interface des structures mar-tensitiques et austénitiques. Il s’agit d’un plan invariant par le processus de transformation martensitique (Figure 1.6). Lors de la déformation par cisaillement, l’orientation du plan d’habitat est conservée et les positions relatives des atomes constitutifs sont inchangées [42]. Certes, les caractéristiques du plan d’habitat dépendent des mécanismes du processus de transformation, mais plus typiquement de la capacité des structures austénitiques et mar-tensitiques à accommoder des déformations par cisaillement. Ceci se traduit également par la dépendance de la nature du plan d’habitat de l’ampleur de l’énergie élastique à l’interface des deux structures.

Figure 1.6 – Schématisation de la transformation displacive d’une structure austénitique via une déformation d constituée d’un cisaillement et d’une translation (liée à l’allongement de la structure martensitique) d’après [7]

D’une manière analogue aux aspects morphologiques de la martensite, la composition chimique et les paramètres des opérations de traitement thermique présentent des impacts sur la nature et l’orientation du plan d’habitat. Ces impacts peuvent être mis en évidence par

le biais de méthodes assez pointues qui utilisent la microscopie électronique en transmission (MET), notamment la méthode d’inclinaison des lames minces ou la méthode d’analyse de traces (Figure 1.7). Les études menées sur ce sujet présentent une multitude de possibilités d’identification de l’orientation du plan d’accolement selon la morphologie de la structure martensitique [8, 42, 44, 45] :

– Pour les martensites ayant une morphologie lenticulaire, l’orientation du plan est généralement selon {2 5 9}γ.

– Dans le cas des martensites en plaquettes, l’orientation du plan d’habitat est le plus souvent proche de {2 2 5}γ, {2 5 9}γ, ou encore {3 10 15}γ pour les aciers ayant une faible température Ms.

– En ce qui concerne les martensites ayant une morphologie en lattes, une importante dispersion des orientations des plans d’habitat est constaté dans la littérature. Les plans d’accolement mis en évidence sont bien souvent orientés selon {1 1 1}γ, {1 1 2}γ, {3 3 5}γ, {2 2 3}γ, ou encore {5 5 7}γ (Figure 1.7).

Figure 1.7 – Identification des orientations des plans d’habitat et des variants martensitiques par la méthode d’analyses de traces au MET [8]

Relations d’orientations. Le caractère displacif du processus de transformation im-plique également des relations d’orientations bien définies entre les structures austénitiques et martensitiques, et ce, quel que soit l’aspect morphologique de ces dernières [5, 42]. La cohérence d’orientations entre les deux structures a été initialement associée au mécanisme de Bain [9]. Ce dernier a en effet proposé un modèle de mécanisme de transformation en se fondant sur les paramètres des mailles des structures austénitiques et martensitiques. Celui-ci consiste en une contraction selon la direction [0 0 1]γ d’une maille quadratique cen-trée commune à deux mailles adjacentes de la structure austénitique suivi d’une dilatation homogène suivant [0 1 0]γ et [1 0 0]γ. Le modèle de transformation de Bain se traduit ainsi par un tenseur de déformation sphérique.

Cependant, comme évoqué ci-dessus, les plans d’habitats sont toujours présents et mis en évidence par des reliefs de surface lors des transformations martensitiques. Or, le modèle de mécanisme de Bain n’illustre pas de plan invariant. Pour satisfaire une telle condition, le tenseur de déformation associé doit comporter une composante principale nulle tout en

ayant les autres de signe contraire [48]. Ceci n’est guère aisé en raison de la cohérence à respecter des relations interfaciales issues du processus de transformation. La considération de déformations supplémentaires, notamment le glissement, s’avère ainsi nécessaire pour retrouver un plan d’accolement.

Figure 1.8 – Schématisation du mécanisme de transformation de Bain d’après [9] La cohérence interfaciale entre les structures martensitiques et austénitiques fait qu’une configuration fréquente des orientations cristallographiques se joint aux plans les plus denses et des directions compactes parallèles. Sur ce principe, des relations d’orientations ont été par la suite proposées, à savoir Kurdjumov-Sachs (KS) [49], Nishiyama-Wassermann (NW) [50] et Greninger-Troiano (GT) [51]. Celles-ci ont été toutes instaurées sur la base du parallélisme entre les plans {1 1 1}γ et {1 1 0}α. Les directions compactes associées s’attachent à ces plans et sont désorientées à quelques degrés près (Tableau 1.4).

Tableau 1.4 – Correspondance de quelques relations d’orientations

Kurdjumov-Sachs (KS) Nishiyama-Wassermann (NW) Greninger-Troiano (GT)

{1 1 1}γ || {1 1 0}α {1 1 1}γ || {1 1 0}α {1 1 1}γ || {1 1 0}α

h1 − 1 0iγ || h1 1 − 1iα h1 − 1 0iγ à 5,26˚h1 1 − 1iα h1 − 1 0iγ à 2,5˚h1 1 − 1iα

h1 − 2 1iγ à 5,26˚h1 0 − 1iα h1 − 2 1iγ || h1 0 − 1iα h1 − 2 1iγ à 2,5˚h1 0 − 1iα D’une manière plus concrète, la relation KS est définie par le parallélisme possible entre les trois directions compactes de la structure austénitique h1 1 0iγ et les deux directions de

la structure martensitique h1 1 1iα. En tenant compte des quatre plans denses équivalents, cette définition lui attribue la possibilité de 24 relations d’orientations. Dans la relation NW, seule la direction de la structure martensitique h1 1 2iα peut être parallèle à la direction h1 1 0iγ. La relation NW est donc caractérisé par uniquement 12 relations d’orientations. Dans le cas de la relation GT, on retrouve également 24 relations d’orientations issues des six possibilités de parallélisme entre les directions h123iγ et h133iα. Le Tableau 1.5 présente les principales données caractéristiques de quelques relations d’orientation usuelles.

Tableau 1.5 – Données caractéristiques des relations d’orientations usuelles Relation d’orientation Parallélisme Nombre devariants Désorientationminimale

Bain [9] {1 0 0}γ || {1 0 0}α h1 0 0iγ || h1 1 0iα 3 45˚/h1 1 0i Kurdjumov-Sachs [49] {1 1 1}γ || {1 1 0}α h1 1 0iγ || h1 1 1iα 24 42, 85˚/h0, 968 0, 178 0, 178i Nishiyama-Wassermann [50] {1 1 1}γ || {1 1 0}α h1 1 2iγ || h1 1 0iα 12 45, 98˚/h0, 976 0, 083 0, 201i Greninger-Troiano [51] {1 1 1}γ || {1 1 0}α h1 2 3iγ || h1 3 3iα 24 44, 23˚/h0, 973 0, 189 0, 133i Pitsch [52] {1 0 0}γ || {1 1 0}α h1 1 0iγ || h1 1 1iα 12 45, 98˚/h0, 08 0, 20 0, 98i

À l’image des aspects traités précédemment, la composition chimique, les paramètres des opérations du traitement thermique mais également la texture cristallographique initiale de la structure austénitique, conditionnent généralement le type de relation d’orientation dans la martensite. La détermination du type de relations reste une opération relativement délicate. Elle s’effectue par le biais de techniques similaires à celles de l’identification des plans d’habitat, à savoir la méthode d’analyse de traces au MET (Figure 1.7) ou encore le dépouillement des cartographies d’EBSD [53–55].

Bien que certains auteurs approuvent la prépondérance de la relation d’orientation KS dans les structures martensitiques ayant une morphologie en lattes [8, 44], d’autres dé-montrent que les relations de type NW ou GT sont celles qui prédominent dans les aciers à faibles teneurs en carbone [56]. Par ailleurs, selon certaines études antérieures, l’unicité des relations d’orientations n’est pas assurée au sein du même matériau [53, 55]. On parle alors de modes mixtes. Ces derniers sont essentiellement liés à l’état et aux évolutions du système microstructural au cours du processus de transformation martensitique. Plus ty-piquement, la multitude des relations d’orientation s’attache aux dilatations différentielles qui se produisent lors du traitement thermique, mais également aux contraintes résiduelles locales.

Il est évident qu’une importante dispersion des relations d’orientation est constatée dans les structures martensitiques. Cependant, certains auteurs, notamment Réglé et al. [57], persistent sur l’unicité des relations suivies lors des processus de transformation. Dans leur

étude, les diverses relations d’orientations, mises en évidence par analyse EBSD, sont asso-ciées aux désorientations initiales au sein d’un même grain austénitique. Cette constatation consolide l’idée de la complexité d’identification du type de relation préférentielle et de l’orientation de la structure austénitique. Toutefois, les relations d’orientation usuelles de type KS, NW ou GT sont relativement proches. Les modes mixtes sont le plus souvent situés dans un espace borné respectivement par les relations KS et NW.