2.3 Vari´ et´ es analytiques
2.3.3 Application d’Abel-Jacobi
a n1Zg/Zg. D´efinissons alors
˜
en(x, y) = exp −2iπn(tad−tbc) .
Le groupe Γ(n) correspond `a l’ensemble des isomorphismes qui fixent les points de n-torsion. De plus, le couplage ˜en de n’importe quelle paire d’´el´ements den-torsion reste inchang´e.
Dans la suite, il sera alors utile de consid´erer les sous-groupes suivants.
D´efinition 2.3.9. Pour n≥1, posons Γ˜n=
A B
C D
∈Sp(2g, z), B ≡C≡0 modn, A≡D≡ ±Idgmodn
, Γ˜n,2n=
A B
C D
∈Γ˜n, diag tAC
≡diag tDB
≡0 mod 2n
.
La diff´erence par rapport aux groupes Γn et Γn,2nest que nous autorisons les matrices `a ˆetre congrues
`
a±Id modulon.
2.3.3 Application d’Abel-Jacobi
D´efinition
Une vari´et´e ab´elienne de dimensiong sur C est un groupe de Lie complexe et compact. D’apr`es les propri´et´es des groupes de Lie, elle est isomorphe analytiquement `a un toreCg/Λ o`u Λ est un r´eseau. Dans le cas d’une vari´et´e principalement polaris´ee, nous avons vu que ce tore est isomorphe au tore Cg/ΛΩ
avec ΛΩ=Zg+ ΩZg pour une certaine matrice Ω deHg.
En fait, nous pouvons construire explicitement cet isomorphisme pour les courbes hyperelliptiques.
Le corps C ´etant alg´ebriquement clos et de caract´eristique 0, nous pouvons supposer qu’une courbe hyperelliptiqueCest de la forme
y2=
2g+1
Y
i=1
(x−ai)
o`u lesai sont des nombres complexes distincts. Posonsa2g+2 =∞ ∈P1(C). Nous consid´erons la courbeC comme une surface de Riemann compacte.
Choisissons g+ 1 chemins γn de P1(C) d’origine a2n−1 et d’extr´emit´ea2n tels qu’aucun chemin ne se croise. Soit U l’ouvert de P1(C) compl´ementaire de ces chemins. Les fonctions ±p
f(x) sont holo-morphes surU (apr`es un choix initial de racine en un point). En coupant deux copies deP1(C) suivant les chemins γn et en les recollant, nous pouvons reconstruire C : l’une des copies correspond `a la fonc-tiony=p
f(x) et l’autre `ay=−p f(x).
Consid´erons les cheminsAi etBi du dessin2.3. Dans le dessin2.4, nous donnons leur projection sur la droitex∈P1(C). Les cheminsAi etAj ne se coupent pas sii6=j, de mˆeme pourBi etBj. Le chemin Ai ne coupe Bj que sii=j (dans ce cas, ils se coupent en un unique point). Ces chemins forment une base du premier groupe d’homologie H1(C,Z) de la surface de Riemann compacteC.
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. . . . . .
A1 A2 Ag
Bg B2
B1
Figure2.3 – Lacets sur la courbe Cvue comme surface de Riemann
a2g+1
∞
a4
a3
A2
a2g
a2g−1
Ag
a2
a1
A1
. . .
B1
B2
Bg
γg+1
γg
γ2
γ1
Figure2.4 – Projection des lacets surP1(C)
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Propri´et´e 2.3.10. L’espace vectoriel des formes diff´erentielles de premi`ere esp`eceΩ1(C)est explicitement donn´e par
Ω1(C) =
ω=P(x) dx
y P ∈C[X], deg(P)≤g−1
D´efinition 2.3.11. La matrice des p´eriodes Ωassoci´ee `a une courbe hyperelliptique C est d´efinie de la fa¸con suivante : il existe une base normalis´ee (ωi)1≤i≤g deΩ1(C) telle que
Z
Ai
ωj =δi,j. Le coefficient(i, j)deΩ∈Matg,g(C)est alors donn´ee par
Ωij = Z
Bi
ωj.
La matrice Ω ainsi obtenue n’est pas quelconque, Mumford [Mum83, cor. 2.2] montre qu’elle appartient au demi-espace de SiegelHg. Nous notonsω le vecteur (ωi)1≤i≤g.
D´efinition 2.3.12. L’application d’Abel-Jacobiuest d´efinie par u:
( C −→ Cg/ΛΩ
P 7−→ RP
P∞ω mod ΛΩ
(2.1) o`u n’importe quel chemin deP∞ `aP sur C peut ˆetre choisi.
D´emonstration. Pour montrer que l’application d’Abel-Jacobi est bien d´efinie, il suffit de v´erifier que pour tous cheminsγ etγ0 deP∞ `aP nous avons
Z
γ
ω− Z
γ0
ω= Z
γ−γ0
ω ∈ΩZg+Zg
Le lacetγ−γ0 appartient `a H1(C,Z). Or par d´efinition de la base normalis´ee (ωi)1≤i≤g, le r´eseau ΛΩest exactement l’image de H1(C,Z) par l’application envoyant un lacetσsurR
σω.
Nous prolongons par lin´earit´e l’application d’Abel-Jacobi aux diviseurs : u:
( Div(C) −→ Cg/ΛΩ
P
P∈CnpP 7−→
P
P∈Cnp
RP P∞ω
mod ΛΩ
Th´eor`eme 2.3.13(Abel-Jacobi). L’applicationud’Abel-Jacobi est un isomorphisme entre la jacobienne alg´ebrique Jac(C)et la jacobienne analytiqueCg/ΛΩ.
Image de la2-torsion
Les images des points de ramification par l’application d’Abel-Jacobi peuvent ˆetre d´etermin´ees en manipulant les int´egrales2.1.
D´efinition 2.3.14. Soitidans{1, . . . ,2g+ 1} ∪ {∞}, d´efinissons le vecteur ηi=
ηi0 ηi00
∈ 1 2Z2g par
i g
pouri= 2n−1 tη02n−1 = (0, . . . ,0, 12 ,0, . . . , 0) avec 1≤n≤g+ 1, tη002n−1 = (12, . . . ,12, 0 ,0, . . . , 0) pouri= 2n tη2n0 = (0, . . . ,0, 12 ,0, . . . , 0) avec 1≤n≤g, tη2n00 = (12, . . . ,12, 12 ,0, . . . , 0) pouri=∞, tη∞0 = (0, . . . ,0, 0 ,0, . . . , 0)
tη∞00 = (0, . . . ,0, 0 ,0, . . . , 0)
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Etendons cette d´´ efinition `a tout sous-ensemble S de{1, . . . ,2g+ 1} ∪ {∞}par ηS0 =X
i∈S
ηi0, η00S =X
i∈S
η00i, ηS=X
i∈S
ηi.
Propri´et´e 2.3.15. Pour tout sous-ensemble S de{1, . . . ,2g+ 1} ∪ {∞},
u X
i∈S
(ai,0)−(#S)P∞
!
= ΩηS0 +ηS00
Consid´erons l’op´eration de diff´erence sym´etrique ◦ sur les sous-ensembles de {1, . . . ,2g+ 1} et sur ceux de{1, . . . ,2g+ 1} ∪ {∞}. Elle est d´efinie par
A◦B= (A∪B)\(A∩B).
Cette op´eration correspond `a l’addition dans le groupe de la 2-torsion A[2]. Remarquons qu’elle est commutative, involutive et que 1A◦B ≡1A+1B mod 2. La propri´et´e2.3.15 donne la valeur exacte de u(D) en tant que vecteur deCg et non en tant qu’´el´ement du toreCg/ΛΩ. De la mˆeme fa¸con que
X
l∈S
(al,0)−#SP∞' X
l∈Sc
(al,0)−#ScP∞,
nous avons la relationηS ≡ηSc mod 1. De fa¸con plus pr´ecise,
ηSc=ηS+ (η{1,...,2g+1}∪{∞}−2ηS).
Pour ´eviter les probl`emes de notations dans le chapitre5, posonsζg=η{1,...,2g+1}∪{∞}. Nous avons
tζg0 = (1,1, . . . ,1), tζg00= (g, g−1, . . . ,1). Pour tout ´el´ement de 2-torsion D = P
l∈S(al,0)−(#S)P∞ avec S ⊂ {1, . . . ,2g+ 1}, il existe quatre sous-ensembles de{1, . . . ,2g+ 1} ∪ {∞}correspondant :
S, S∪ {∞}, {1, . . . ,2g+ 1} ∪ {∞} \S, {1, . . . ,2g+ 1} \S.
Mumford [Mum84] et Van Wamelen [vW98] ont choisi de repr´esenter les points de 2-torsion par le syst`eme de repr´esentants
S⊂ {1, . . . ,2g+ 1}, #S≡0 mod 2 .
Dans cette th`ese, nous en pr´ef´erons un autre, plus naturel dans le cadre des morphismes (chapitre5).
D´efinition 2.3.16. Posons U ={1,3, . . . ,2g+ 1} les indices impairs. L’image dans Cg du point de 2-torsion correspondant par l’application d’Abel-Jacobi s’appelle constante de Riemann et est not´eeK :
K= ΩηU0 +ηU00 =u X
l∈U
(al,0)−(g+ 1)P∞
!
tηU0 = 1
2,1 2, . . . ,1
2
, tη00U= g
2,g−1 2 , . . . ,1
2
Nous utilisons le syst`eme de repr´esentants{U ◦S, S ⊂ {1, . . . ,2g+ 1}, #S ≤g} pour les points de 2-torsion.
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Deux lemmes techniques
Mumford [Mum84, proposition IIIa.6.3] a prouv´e la proposition Lemme 2.3.17. L’applicatione2 d´efinie par
e2:
La deuxi`eme partie de cette proposition est la formule de Mumford. La premi`ere s’en d´eduit en consid´erantT ouT ∪ {∞}suivant le cardinal deT.
Couplage de Weil
Soit A une vari´et´e ab´elienne principalement polaris´ee associ´ee `a une matrice des p´eriodes Ω ∈ Hg. La forme de RiemannH, et plus exactement sa partie imaginaireE==(H), d´efinit naturellement une application
Cg×Cg −→ C∗ x, y 7−→ e−2iπE(x,y) .
Rappellons que si nous ´ecrivons x= Ωa+b et y = Ωc+dalorsE(x, y) est ´egal `a tad− tbc. L’applica-tione−2iπE(x,y)ainsi d´efinie co¨ıncide en un certain sens avec le couplage de Weil. Soitxetydeux points dem-torsion deCg/ΛΩ(c’est `a dire quea, b, c, d appartiennent `a m1Zg/Zg), posons
˜
em(x, y) = exp −2iπE(x, my)
= exp −2iπm(tad−tbc) . Un cas particulier de cette formule est
˜
En effet, il suffit de composer l’isomorphismeA→Cg/ΛΩpar un changement de base symplectique. Dans le cas particulier o`uAest la jacobienne d’une courbe hyperelliptique, l’application d’Abel-Jacobiuest un isomorphisme explicite entreAetCg/ΛΩ. L’application ˜emcorrespond exactement au couplage de Weil : Propri´et´e 2.3.19. SoientP etQdeux ´el´ements de Jac(C)[m] alors le couplage de Weil est donn´e par
em(P, Q) = ˜em u(P),u(Q) .
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Une preuve dans le cas elliptique est sugg´er´ee dans l’exercice 1.15 de [Sil94] (Notons l’inversion du signe dans l’exponentielle). Dans le cas d’une vari´et´e g´en´erale, cette formule est encore valide, sa d´ emons-tration est faite par exemple dans [Rob10, p. 114] en ´etudiant les fibr´es.
Soit (P1, . . . , P2g) une base symplectique de lam-torsion. C’est `a dire que la matrice du couplage de Weil dans la basePi est
ζmIdg
−ζmIdg
o`uζmest une racine primitivem-i`eme de l’unit´e fix´ee. Sauf dans le cas o`uζm=exp 2iπm
, il n’existe pas de matrice γ de Sp(2g,Z) telle que la base (P1, . . . , P2g) corresponde `a la base canonique de Cg/Λγ.Ω. Si nous travaillons sur un corps plong´e dans C, il faudra alors faire attention `a la racine de l’unit´eζm
utilis´ee. Pour d’autres corps, nous pouvons choisir n’importe quelle racine primitive m-i`eme de l’unit´e.
En effet, pour les preuves, nous pouvons utiliser le principe de Lefschetz pour plonger le corps dans C mais nous avons le choix de quelle racine primitivem-i`eme de l’unit´e s’envoie surexp 2iπm
.
Nous ne reviendrons pas sur ce point par la suite : si le corps est naturellement plong´e dans C, quand nous parlerons de base symplectique de la m-torsion, nous supposerons queζm =em(P1, Pg+1) est ´egal
`
aexp 2iπm .
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Chapitre 3
Fonctions thˆ eta
Les fonctions thˆeta sont le principal outil utilis´e, dans cette th`ese, pour l’´etude des vari´et´es ab´eliennes.
Historiquement introduites pour l’´etude des surfaces de Riemann, elles ont trouv´e de nombreuses appli-cations dans divers domaines des math´ematiques. En cryptographie, elles fournissent des syst`emes de coordonn´ees«canoniques»pour les vari´et´es ab´eliennes.
Des versions alg´ebriques des fonctions thˆeta ont ´et´e introduites par Weil [Wei64] pour ´etudier les va-ri´et´es ab´eliennes g´en´erales. Ces derni`eres ont ´et´e ´etudi´ees en particulier par Mumford. Contrairement `a la th´eorie analytique des fonctions thˆeta, les versions alg´ebriques pr´esentent l’avantage d’ˆetre des fonctions d´efinies sur d’autres corps que le corps des complexes et les preuves de certains th´eor`emes ´enonc´es dans ce chapitre font appel de mani`ere fondamentale `a la th´eorie alg´ebrique des fonctions thˆeta.
Cependant, pour de nombreuses applications, le principe de Lefschetz et la th´eorie de la r´eduction per-mettent de transporter les propri´et´es obtenues sur C `a d’autres corps. En particulier, il est possible d’utiliser cette m´ethode pour les vari´et´es ordinaires sur les corps finis (avec certaines limitations sur la caract´eristique du corps li´ees au niveau des fonction thˆeta).
Pour simplifier l’exposition, nous ne travaillerons que sur Cet nous ne pr´esenterons que la th´eorie classique. Pour celle-ci on peut se r´ef´erer aux livres [Mum83, Mum84]. Pour aller plus loin en restant dans le cadre analytique on consultera [BL04,Mum91]. Pour l’´etude alg´ebrique, citons [Mum66,Mum67a, Mum67b], et [Rob10] qui g´en´eralise certains r´esultats de cette th`ese.
Apr`es avoir d´efini les fonctions thˆeta et donn´e leurs liens avec les vari´et´es ab´eliennes en 3.1, nous d´ecrirons en d´etail comment les utiliser pour avoir une arithm´etique efficace en3.2.