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Application des concepts de l'écologie du paysage à un massif forestier tempéré géré

3. Apport de l'écologie spatiale pour évaluer l'impact de la gestion forestière sur la biodiversité

3.1 Application des concepts de l'écologie du paysage à un massif forestier tempéré géré

(hétérogénéité) du paysage et les processus écologiques (Turner 1989) qui peuvent in fine affecter

les patrons spatiaux de biodiversité (Fahrig 1995). Au préalable, il est important de vérifier dans quelles mesures ces concepts peuvent être appliqués à un paysage intra-forestier soumis à une gestion intensive.

3.1.1 Qu’est-ce qu’un paysage pour l’écologue ?

Les écologues Forman and Godron (1981), définissent le paysage comme « une zone terrestre de

quelques kilomètres carrés composée d'un ensemble d'écosystèmes en interaction ». Le paysage

peut donc être caractérisé comme un objet spatial dont l'organisation (composante spatiale) et la dynamique (composante temporelle) sont en partie gouvernées par les activités humaines, en particulier au travers de la modification de l'usage des sols (Burel and Baudry 1999). Ce concept de paysage s'apparente à celui « d'écocomplexe », proposé par les écologues français Blandin et Lamotte (1985) comme un espace porteur d'un ensemble plus ou moins anthropisé d'écosystèmes interactifs. Néanmoins, certains auteurs soutiennent l'idée que le paysage ne devrait pas être exclusivement fondé sur une perception humaine, mais devrait être étendu à n'importe quelle échelle pertinente vis-à-vis du processus étudié (Wiens 1989; Fahrig 1995). Ainsi, davantage que la notion de paysage, c'est la notion d'échelle spatiale qui paraît primordiale et qui peut parcourir

une gamme variable de quelques mètres carrés à plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres carrés (Wiens et al. 1993).

Par ailleurs, l'écosystème ne correspond pas à une unité spatiale mais plutôt à une unité fonctionnelle. En effet, il se définit comme un complexe d'organismes et de facteurs abiotiques en interaction, chacun influençant les propriétés de l’autre (Odum 1959). La notion d'écosystème peut donc être appliquée à une multitude d'échelles spatiales, limitant ainsi son utilisation en tant qu’unité élémentaire du paysage. Dans la pratique, au concept d'écosystème s’est substituée la

notion de taches (patch) correspondant à des entités spatiales qui diffèrent des surfaces adjacentes

de par leur origine ou leur apparence (Mortelliti et al. 2010).

Le paysage peut alors être défini comme un objet spatial contenant une mosaïque d’unités élémentaires (taches) dont la nature et l'arrangement dans l’espace va être à l'origine d'un certain degré d'hétérogénéité qui est alors considérée comme une propriété émergente du paysage (Turner 1989; Wiens et al. 1993).

En écologie du paysage, les éléments boisés sont

souvent considérés comme des taches

homogènes à l'échelle du territoire. Pourtant, comme évoqué dans la section précédente, les opérations sylvicoles réalisées au sein des unités de gestion (la plus élémentaire correspondant au peuplement) ainsi que la planification spatio-temporelle à l'échelle du massif vont être à l’origine d’une certaine hétérogénéité perceptible par l'homme (Figure 2). Par exemple, il est reconnu depuis longtemps que les coupes à blanc entraînent une altération du paysage forestier, susceptible d'impacter la biodiversité (Franklin

and Forman 1987; Kouki et al. 2001). Ainsi,

comme le soulignent Boutin and Hebert (2002) les gestionnaires forestiers ont depuis longtemps adopté une vision paysagère dans la planification des opérations sylvicoles et il semble donc pertinent d'appliquer les concepts de l'écologie du paysage à l’intérieur d’un massif forestier géré (voir par ex. Hansson 1992 en contexte boréal).

3.1.2 Comment caractériser l’hétérogénéité d’un paysage intra-forestier ?

La caractérisation de l'hétérogénéité spatiale de la mosaïque paysagère est fondée sur la description de taches qui sont fréquemment identifiées en se basant sur des unités de végétation

ou sur des modes d'occupation du sol (land use) regroupés et classés sous la forme de typologies

– par ex. Corine Land Cover. Ce type de données peut être obtenu par photo-interprétation ou par des outils de télédétection, dont le développement rapide a permis d'obtenir des cartographies à grandes échelles spatiales. On peut néanmoins se questionner quant à la pertinence de cette définition « anthropique » des éléments paysagers d'un point de vue fonctionnel pour la

biodiversité (Wiens 1989) ainsi que sur l’application de cette typologie d’habitat en contexte

forestier.

Limite des typologies d’habitat fondées sur une perception anthropique

La représentation « catégorielle » du paysage basée sur l’utilisation d'une typologie d’habitat nécessite implicitement de considérer qu'il existe une forte variation des conditions

environnementales entre les différentes catégories de taches. Dans le cas de paysages très

hétérogènes, cette approche peut paraître intuitivement appropriée, à condition que la(les) espèce(s) étudiée(s) puissent clairement être associée(s) à une de ces catégories contrastées. Par exemple, des transitions entre prairies, boisements et zones urbaines sont clairement abruptes et la valeur potentielle des prairies par rapport aux boisements est distincte pour les espèces forestières. Cependant, les limites entre taches peuvent être moins brutales et visibles, comme c'est le cas au sein d’un massif forestier (Lindenmayer and Franklin 2002).

Inversement, la variation à l'intérieur des taches ou entre taches d'une même catégorie est considérée comme négligeable et donc ignorée (Ovaskainen 2004; Dunn and Majer 2007). Cet aspect peut également être questionné dans la mesure où la délimitation « anthropique » des taches peut ne pas être cohérente avec la perception multi-sensorielle et les exigences écologiques des espèces étudiées (Lindenmayer and Fischer 2013). En effet, une espèce peut être spécialiste d'un certain type de ressource avec une précision thématique plus fine que le système de classification (typologie) utilisé. Ainsi une tache peut paraître relativement homogène d'un point de vue anthropique, alors qu'elle ne le sera pas du point de vue de l'espèce. En reprenant le cas d'une espèce forestière, considérons une espèce strictement inféodée aux cavités des arbres. Dans ce cas, les boisements ne contenant aucune cavité seront considérés, à tort, comme des taches d'habitat pour cette espèce, pouvant conduire à des conclusions erronées quant aux effets de fragmentation. La caractérisation des taches d'habitat pour cette espèce nécessite donc d'affiner la typologie afin de distinguer les boisements avec et sans cavités. Cet exemple souligne d'une part l'importance de disposer de connaissances autoécologiques précises de l'espèce cible et d'autre

part d'identifier la résolution thématique de la typologie la plus adaptée à ses exigences écologiques, notamment en termes de ressource.

Intérêt d’une caractérisation fonctionnelle : vers une partition hiérarchique de l’habitat

Dennis et al. (2003, 2004) remettent en cause la définition d'habitat basée sur les unités de végétation pour les lépidoptères qui requièrent la présence de plantes hôtes spécifiques pour le développement des chenilles. Ces auteurs proposent une nouvelle conception fonctionnelle de l'habitat basée sur les ressources nécessaires pour assurer l'ensemble du cycle de vie des espèces

(resource-based concept). Ce changement de paradigme met en lumière l'importance de

caractériser l'habitat à travers une partition hiérarchique qui s'accompagne généralement d'un changement d'échelle spatiale de description (Wiens 1976). Les taches peuvent à leur tour être subdivisées en niveaux d'organisation inférieurs qui peuvent alors correspondre à des unités fonctionnelles d'habitat plus pertinentes pour les espèces cibles que les unités hiérarchiques supérieures définies d'un point de vue anthropique. L'importance de la partition hiérarchique des taches d'habitat a déjà été soulignée dans la littérature (par ex. Kotliar and Wiens 1990; Wu et al. 2002, Dunn and Majer 2007). Plus récemment, Kolasa et al. (2012) proposent d'intégrer le concept de hiérarchisation de l'habitat dans des modèles prédictifs de la distribution spatiale des espèces dans les paysages. Ils conçoivent ainsi que des unités/catégories plus grandes et plus diversifiées (i.e. macro-habitat) contiennent des éléments de plus petites tailles et plus homogènes (i.e. micro-habitats). Les espèces ne percevant et ne réagissant qu'à des niveaux particuliers de la hiérarchie en fonction de leurs caractéristiques biologiques telles que la sténoécie − les espèces spécialistes utilisant les unités d'habitats les plus petites et les espèces généralistes les unités d'habitats les plus grandes.

Le micro-habitat : un niveau hiérarchique pertinent pour les espèces lignicoles

Une typologie définie à l’échelle du massif forestier ou du peuplement – deux échelles qui

souffrent par ailleurs d'un manque de définition claire5 pouvant conduire à de mauvaises

interprétations (Alexander 2008)−ne peuvent constituer un niveau de résolution suffisant pour

décrire la répartition spatiale de l’habitat des espèces lignicoles (Brustel 2004). En effet, les espèces lignicoles ont besoin, pendant au moins une partie de leur cycle de vie, de la présence de d’éléments structurels de petites tailles (i.e. micro-habitats) représentés par des pièces de bois (vivant ou mort) ou des dendro-microhabitats pour assurer leur développement (voir la section précédente 2.2). Par opposition, le peuplement peut alors être qualifié de « macro-habitat » dans la mesure où il regroupe un certain nombre de micro-habitats (Encadré 3, Figure 3). A la

5 Par exemple, le peuplement peut être défini comme une unité écologique, mais il est également souvent interprété comme une unité de gestion forestière.

différence du micro-habitat, le macro-habitat peut être défini par l'intersection et l'union de ressources nécessaires pour assurer l'ensemble des besoins tout au long du cycle de vie des espèces − les liens étant faits par les vols d'adultes (Dennis et al. 2003). Ainsi, en choisissant d’étudier les micro-habitats (pièce de bois et DMH), nous acceptons de ne représenter qu’une partie du macro-habitat des espèces (Figure 3). Néanmoins, nous pouvons considérer la présence de micro-macro-habitats comme un élément limitant et déterminant pour la survie des coléoptères saproxyliques (i.e. en leur absence, l'espèce ne pourra être présente ou se maintenir).

Encadré 3. Définition du micro- et macro-habitat

Le micro-habitat correspond à un niveau d'organisation inférieur dans la partition hiérarchique de l'habitat (Kolasa et al. 2012). Il se définit comme une entité structurelle de petite taille, identifiable par l'homme au travers de ces caractéristiques morphologiques. Il constitue un élément clé permettant d'assurer un rôle fonctionnel essentiel au moins pendant une partie du cycle de vie des espèces qui lui sont associées (Hanski 2005). Cette unité hiérarchique de l'habitat apparaît pertinente pour les espèces présentant des exigences écologiques fines − i.e. espèces spécialistes (Kolasa et al. 2012). Outre, cette position hiérarchique, Hanski (2005) identifie plusieurs caractéristiques communes aux micro-habitats*: (i) ce sont des entités très dynamiques avec un taux de renouvellement souvent élevé ; (ii) les espèces associées participent souvent activement à leur dégradation, même si certains peuvent être très stables dans le temps et enfin (iii) ce sont des entités qui assurent un rôle fonctionnel essentiel à la survie des espèces mais qui peut être partiel ou temporaire. Pour les organismes lignicoles, le micro-habitat peut correspondre à une pièce de bois incluant les éléments structurels de l'arbre (houppier, tronc) ou encore à des micro-habitats portés par les arbres vivants ou morts (DMH).

Par opposition, le macro-habitat correspond un niveau d'organisation supérieur au micro-habitat dans la partition hiérarchique (Kolasa et al. 2012). Il se définit comme une entité spatiale de plus grande taille dont la délimitation est plus ambiguë (Kotliar and Wiens 1990). Il se caractérise en outre par une plus grande hétérogénéité dans la mesure où il regroupe une diversité de micro-habitats. Ainsi, il peut être le siège des processus de complémentation ou de supplémentation entre différents types de micro-habitat (Dunning et al. 1992) permettant l'achèvement du cycle de vie des espèces (Baguette and Mennechez 2004). Cette unité hiérarchique de l'habitat apparaît pertinente pour les espèces présentant des exigences écologiques peu marqué− i.e. espèces généralistes. Pour les organismes lignicoles, le micro-habitat peut correspondre aux peuplements.

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* Les micro-habitats peuvent être de nature très variables et ne sont évidemment pas restreints aux micro-habitats forestiers – par ex. excréments pour les insectes coprophages, cadavres d'animaux pour les insectes nécrophages.

Figure 3. Représentation des différents niveaux hiérarchiques de l’habitat des organismes

lignicoles: du macro- aux micro-habitats

3.1.3 Comment évaluer l’effet de la fragmentation intra-forestière sur la biodiversité lignicole? Avec le développement de l'écologie du paysage, la fragmentation anthropique des habitats (i.e. qui résulte des activités humaines) est devenue un sujet de recherche majeur en écologie et en biologie de la conservation, représentant 20% des études conduites dans ces disciplines depuis une vingtaine d'années (Fardila et al. 2017). Evaluer l’effet de la fragmentation sur la biodiversité est généralement réalisé en utilisant un modèle paysager simplifié par rapport à la réalité qui est

fondé sur une dichotomie entre « taches d’habitat » vs « matrice de non-habitat ». Cependant, au

vu de la dépendance des espèces lignicoles aux « micro-habitats », on peut questionner la pertinence de ce type de modèle lorsqu’on souhaite évaluer l’effet de la fragmentation sur l’ensemble d’un massif forestier.

La fragmentation anthropique: un concept ambigu et polysémique

Actuellement, la fragmentation anthropique des habitats est reconnue comme l'une des principales menaces qui pèsent sur la biodiversité (Haddad et al. 2015). Cependant, malgré l'avancement des connaissances concernant les effets écologiques de la fragmentation, sa définition reste vague et ambigüe (Fahrig 2003; Ewers and Didham 2006; Fischer and Lindenmayer 2007; Didham et al.

2012). A ce titre, certains auteurs qualifient le terme de fragmentation de « pancherston » : une

explication proposée pour résoudre un problème complexe, en essayant de tenir compte de toutes les éventualités possibles, mais qui s'avère habituellement trop générale pour être informative et

réellement opérationnelle (Lindenmayer and Fischer 2013). La grande complexité du phénomène

prédictions théoriques (Haddad et al. 2017), a limité notre compréhension des mécanismes de réponse de la biodiversité à l'altération des paysages. En effet, le terme de « fragmentation » englobe plusieurs processus abiotiques modifiant la structure des paysages (Collinge and Forman

1998) qui va à son tour affecter des processus biotiques à plusieurs échelles spatiales et à

différents niveaux d'organisation biologique (gènes, individus, espèces, communautés) modifiant les patrons de biodiversité (Tableau 1).

Tableau 1. Patrons et processus associés au concept de fragmentation et conséquences sur les

composantes biotiques et abiotiques

Concernant les composantes abiotiques, un certain nombre d'auteurs insistent sur la nécessité d'étudier indépendamment les processus sous-jacents à la fragmentation, en particulier de distinguer l'effet relatif de la perte d'habitat et de la subdivision de l'habitat résiduel en de plus petites taches qui sont alors isolées les unes des autres (Fahrig 2003; Fischer and Lindenmayer

2007). Au vu de la difficulté à étudier directement les processus abiotiques, un grand nombre

d'études préfèrent s’appuyer sur la structure du paysage qui découle de ces processus et peut s’observer directement. Elles opèrent de ce fait une substitution du « temps » par « l'espace », en remplaçant l’étude diachronique d’un paysage se fragmentant par une comparaison synchronique des paysages montrant divers niveaux de « fragmentation » − i.e. les notions dynamiques de perte et d'isolement sont remplacées par celles, statiques, de quantité et de configuration (fragmentation

per se ; sensu Fahrig 2003) des habitats dans le paysage (Tableau 1). Cependant, la mise en évidence des effets relatifs de la quantité et de la configuration de l’habitat est entravée par le fait que ces deux propriétés de la structure du paysage apparaissent naturellement positivement

corrélées (Didham et al. 2012). Il existe actuellement une controverse dans la littérature sur l'effet

de la configuration de l’habitat sur la biodiversité (Fahrig 2017; Fletcher et al. 2018). Certains auteurs ont suggéré que les effets de la configuration devenaient plus importants à certains seuils

de quantité d’habitat (Villard and Metzger 2014; Hanski 2015).

Dans le cadre de cette thèse, afin d'éviter toute ambiguïté relative à l'acception synchronique (état) ou diachronique (processus dynamique) de la notion « fragmentation », nous préférons le

terme de « structure du paysage » qui situe clairement notre approche dans une perspective synchronique.

Concernant les composantes biotiques, la dispersion des organismes à travers le paysage a fait l'objet d'une grande attention. En effet, il s'agit d'un mécanisme clé puisqu'il va permettre aux individus d’émigrer depuis des habitats pour en coloniser de nouveaux ou recoloniser des habitats anciennement occupés, assurant ainsi la persistance des espèces à l'échelle du paysage (Hanski and Giplin 1991). La connectivité est généralement définie comme « le degré avec lequel le paysage facilite ou entrave les mouvements entre les taches d’habitat » (Taylor et al. 1993). En d’autres termes, la connectivité est le fruit de l’interaction entre la dispersion des organismes et la structure du paysage (Goodwin 2003). Les indices de connectivité mesurés à l’échelle du paysage permettent donc d’établir un lien entre les patrons de diversité observés (généralement exprimés en termes d'abondance et de richesse spécifique) et le processus de dispersion sous-jacent (Tischendorf and Fahrig 2000). Néanmoins, la connectivité peut également correspondre à une mesure patch-centré, tel que c'est le cas lorsqu'elle est appliquée dans un cadre métapopulationnel (voir section 3.2.2). La métrique est alors directement liée au taux de migration/flux de gènes entre les populations et à la colonisation de nouvelles taches d’habitat (Wiens 1997; Moilanen and Hanski 2001).

Modéliser le paysage intra-forestier : représentation « binaire » ou « continue »

L’évaluation des effets de la structure du paysage sur la biodiversité nécessite au préalable de modéliser le paysage de façon simplifié et schématique. Historiquement, la majorité des études utilisait une représentation du paysage fondée sur une dichotomie entre « taches d'habitat » – éléments surfaciques discrets – insérées dans une « matrice de non-habitat » – élément surfacique dominant (Wiens et al. 1993, Haila 2002). Cette conceptualisation du paysage terrestre − directement issue de la théorie de la biogéographie des îles proposée en 1967 par MacArthur and Wilson (voir section suivante) − apparaît appropriée dans certains paysages très contrastés, tels des boisements inscrits dans une matrice agricole. Bien que la pertinence de cette représentation binaire ait été questionnée (Wiens 1995; Prugh et al. 2008; Franklin and Lindenmayer 2009; Driscoll et al. 2013) – notamment dans des écosystèmes où le contraste entre les éléments paysagers est beaucoup moins prononcé – elle reste fréquemment utilisée dans les études visant à évaluer les effets de la structure du paysage intra-forestier sur la biodiversité lignicole. Dans le cas des paysages intra-forestiers, certains peuplements sont identifiés comme des taches d’habitats en fonction de l’essence dominante (par ex. Charbonnier et al. 2016), le stade de

maturité – i.e. old-growth forest stand (par ex. Gibb et al. 2008; Olsson et al. 2012), le statut de

conservation – i.e. réserve (par ex. Bouget and Parmain 2016) ou encore selon le niveau de sévérité du feu dans les écosystèmes forestiers soumis à des incendies récurrents (Janssen et al.

2009; Saint-Germain et al. 2012) ; le reste de la matrice forestière étant considéré comme du non-habitat. Cette représentation dichotomique repose (i) sur une relation implicite entre caractéristiques structurelles des macro-habitats (peuplement) et quantité de micro-habitats qu'ils abritent potentiellement et (ii) nécessite de définir un seuil relativement arbitraire pour définir des

peuplements « habitat » vs peuplement « non-habitat ». En d'autres termes, dans cette

modélisation du paysage forestier, la distribution spatiale de certains types de peuplement est utilisée comme un indicateur de la distribution des micro-habitats des espèces cible. Cependant, dans un massif forestier, l’ensemble des peuplements est susceptible de générer des micro-habitats – en quantité variable selon ses caractéristiques – qui comme nous l’avons vu précédemment, sont essentiels au développement des espèces lignicoles. Ainsi, il est probable

qu’une représentation « binaire » du massif forestier (peuplement habitat vs non-habitat) ne soit

pas forcément en accord avec la perception de ces espèces. En ce sens, une récente étude a mis en évidence que l'occurrence d'un coléoptère saproxylique dans un paysage peu fragmenté était mieux prédite lorsque l'habitat était défini à l'échelle de l'arbre plutôt qu'à l'échelle du peuplement (Vergara et al. 2017).

L'utilisation de représentation continue basée sur des gradients environnementaux (Fischer et al. 2004, 2006; McGarigal and Cushman 2005) et une quantification plus fine de l’habitat disponible est actuellement en forte augmentation (Fardila et al. 2017). A ce sujet, Manning et al. (2004) indiquent que l'un des principaux défis de la recherche sur les paysages consiste à déterminer comment les organismes perçoivent et répondent à un continuum paysager plutôt qu'à des unités

discrètes, définies par l'homme. En outre, la complémentarité des approches « binaires » et

« continues » associée à une résolution plus fine de description des habitats a depuis longtemps été soulignée, notamment en contexte forestier (Gustafson 1998). Cependant, la mise en œuvre d’une représentation « autécologique » du paysage (i.e. basée sur la cartographie des micro-habitats lignicoles) soulève des problèmes d’ordre méthodologique, étant donné que les relevés sur le terrain sont couteux et chronophages. En effet, les efforts pour cartographier les taches d'habitat (i.e. distribution spatiale) se multiplient à mesure que l'étendue spatiale augmente

(Davies and Asner 2014; Simonson et al. 2014), et cela représente un véritable défi lorsqu'on

souhaite caractériser la distribution de micro-habitats au lieu de taches d'habitat surfacique – i.e. peuplement sur de vastes étendues spatiales (par ex. massif forestier de plusieurs dizaines de milliers d’hectares).

L’utilisation du micro-habitat –considéré comme un niveau hiérarchique pertinent d’un point de