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Application : chute de capacité et comparaison avec le modèle ARZ

De nombreuses observations empiriques [16, 19, 41] ont montré que lorsque le trafic est en limite de saturation, une légère augmentation de la demande peut entraîner une diminution importante du débit, qui peut atteindre une dizaine de pourcents. Ce phénomène appelé chute de capacité est impossible à reproduire avec le modèle LWR : si en un point donné, le trafic est fluide en aval et congestionné en amont ("active bottleneck" en anglais), alors le modèle LWR prédit que le débit à l’interface est égal à la capacité, c’est-à-dire le maximum de la fonction débit d’équilibre Qe(ρ).

De nombreuses études ont expliqué et simulé ce phénomène par différentes méthodes. Selon Laval [23], il est dû à la faiblesse de l’accélération d’un véhicule qui s’insère, en laissant un es- pace devant lui ; cependant, on observe également des chutes de capacité lorsque deux routes se rejoignent, même si elles ont la même taille et la même vitesse maximale. La différence de vitesse n’est donc pas le seul facteur explicatif.

Dans cette partie, nous allons étudier des chutes de capacité au niveau d’un goulot d’étran- glement, en l’absence d’entrée ou de sortie. Nous verrons qu’une très légère augmentation de l’écart-type de densité, couplé à la réduction du nombre de voies, permet de créer une chute de capacité avec le modèle LWR moyenné. Cela signifierait que le phénomène est dû à de petites perturbations, des variations locales de la densité, qui "s’accumulent" naturellement au niveau du goulot d’étranglement, et créent un embouteillage.

3.5.1 Description des simulations

space time flow −1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.45 0.455 0.46 0.465 0.47 0.475 0.48 0.485 0.49 0.495 space time speed −1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.35 0.4 0.45 0.5 0.55 0.6 0.65 0.7 0.75 0.8 space time mean density −1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 space time

density standard deviation

−1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3

Figure 3.6 – De haut en bas et de gauche à droite : débit, vitesse, densité moyenne (ρ) et écart-type de la densité (η) d’une simulation de chute de capacité avec le modèle LWR moyenné. Modèles utilisés

On considère une portion d’autoroute avec une réduction de 3 voies (pour x < 0) à 2 voies (pour x > 0). On choisit un diagramme fondamental parabolique, puisque l’on sait que dans ce cas le modèle moyenné est équivalent à deux équations indépendantes (3.41), et les conditions de couplage au niveau de la réduction du nombre de voies se déduisent des conditions de couplage du modèle LWR.

Pour cette simulation, on comparera le modèle LWR moyenné avec le modèle ARZ, sans terme de relaxation :

!

∂tρ + ∂x(ρv) = 0

où I = v − Ve(ρ)et un attribut du conducteur (Vm+ I est sa vitesse maximale). Suivant [28], le modèle est résolu par offre-demande, y compris pour les conditions de couplage.

space time flow −1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.38 0.4 0.42 0.44 0.46 0.48 space time speed −1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 0.5 0.55 0.6 0.65 0.7 0.75 space time density −1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4 0.45 0.5 0.55 0.6 0.65 0.7 space time driver attribute −1 −0.5 0 0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 −0.05 −0.045 −0.04 −0.035 −0.03 −0.025 −0.02 −0.015 −0.01 −0.005 0

Figure 3.7 – De haut en bas et de gauche à droite : débit, vitesse, densité moyenne (ρ) et attribut du conducteur (I) pour une simulation de chute de capacité utilisant le modèle ARZ. Conditions initiales et conditions aux limites

Les conditions initiales, pour chaque simulation, sont les suivantes :

• A t = 0, le débit est constant sur tout le tronçon, égal à 99% de la capacité aval.

• Le trafic aval (x > −0.7) est sur le diagramme fondamental, ce qui correspond à η = 0 pour le modèle moyenné et I = 0 pour ARZ.

• Le trafic amont (x < −0.7) a le même débit mais une vitesse légèrement inférieure, calculée pour créer une chute de capacité de 10%. Cela correspond à une vitesse 2.5% plus faible pour le modèle moyenné et 9.1% plus faible pour ARZ. L’écart-type η passe de 0 à 0.055 (pour une densité maximale normalisée à 1) ; l’attribut I passe de 0 à −0.051 (pour une vitesse maximale normalisée à 1).

Pour les conditions aux limites, on prend :

• en amont, une demande qui correspond à l’état du trafic amont (x < −0.7), • en aval, la sortie est libre, i.e. l’offre est infinie.

Condition de couplage en x = 0

En x = 0, le nombre de voies est réduit, passant de 3 à 2. Cette réduction est modélisée par offre-demande pour les deux modèles.

Pour le modèle ARZ, la demande amont et l’offre aval sont calculées en utilisant Ig, l’attri- but de l’état amont (ou état gauche). Cette procédure standard (décrite dans [28] par exemple) utilise un diagramme fondamental modifié Qe(ρ) + ρIg lors du calcul des offres et des demandes, et permet entre autre de modéliser un changement du nombre de voies.

Pour le modèle LWR moyenné, on utilise l’équivalence du système (3.35) avec le système dé- couplé (3.41) pour un diagramme parabolique. En posant u = ρ − η et v = ρ + η, on obtient le système :

!

∂tu + ∂xQe(u) = 0,

∂tv + ∂xQe(v) = 0, (3.84)

équivalent à (3.35) si Qe est un polynôme d’ordre 2 et tant que u et v sont positifs, ce qui est le cas dans toutes nos simulations. On calcule alors les flux aux interfaces pour u et v par offre-demande, comme pour le modèle LWR :

φu = min(Ω(ud), ∆(ug)),

φv = min(Ω(vd), ∆(vg)), (3.85)

avec bien sûr ug = ρg− ηg, ud= ρd− ηd, vg = ρg+ ηg, vd= ρd+ ηd, et en considérant Ω et ∆ les fonctions bien connues d’offre et de demande, qui dépendent du diagramme fondamental Qe, de la densité critique ρc et du nombre de voies n(x) au point x :

Ω(ρ, x) = n(x)Qe(max(ρ, ρc)),

∆(ρ, x) = n(x)Qe(min(ρ, ρc)). (3.86)

Les flux de la densité ρ et de l’écart-type η sont alors calculés à partir des flux de u et v : φρ = (φu+ φv)/2,

φη = (φv− φu)/2. (3.87)

Cette méthode permet de modéliser un changement de nombre de voies puisque les fonctions offre et demande dépendent du nombre de voies. En revanche, elle ne s’applique qu’à un dia- gramme fondamental Qe parabolique.

Les figures 3.6 et 3.7 montrent le résultat de la simulation pour le modèle LWR moyenné (figure 3.6) et pour le modèle ARZ (figure 3.7).

3.5.2 Comparaison des deux modèles

Dans les deux simulations, un embouteillage se crée à l’interface (x = 0) et le débit final du goulot est égal à 90% de la capacité du tronçon aval : on a bien simulé une chute de capacité de 10%.

Cependant, il y a des différences majeures entre les deux modèles :

• La différence la plus flagrante est visible sur la figure 3.8. Avec le modèle LWR moyenné, le débit à l’interface chute simplement de 99% à 90% de la capacité maximale du tronçon aval. Pour le modèle ARZ, en revanche, ce débit commence par chuter à 74% de cette capacité, avant de remonter à 90%. Cet aspect n’est pas observé dans les données [19] et semble très irréaliste.

0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.36 0.38 0.4 0.42 0.44 0.46 0.48 0.5 time flow ARZ model averaged LWR model

Figure3.8 – Débit à l’interface (x = 0) en fonction du temps, pour le modèle moyenné (en vert) et pour le modèle ARZ (en bleu).

• L’embouteillage créé en amont du goulot est assez différent selon le modèle utilisé. Avec le modèle ARZ, la densité de l’embouteillage est environ 75% de la densité maximale, et sa vitesse est 40% de la vitesse critique : il s’agit d’un embouteillage classique, avec des véhi- cules très proches les uns des autres et roulant à vitesse très faible. Avec le modèle moyenné, en revanche, la densité moyenne ¯ρ de l’embouteillage est inférieure à la densité critique (≃ 0.47 pour une densité critique de 0.5), mais l’écart-type de densité est très important (η > 0.3, contre 0.055 à t = 0), ce qui fait que la vitesse vaut environ 63% de la vitesse cri- tique. C’est donc une zone qui n’est pas extrêmement dense, mais où les variations locales sont très importantes, et le résultat de ce "chaos" est une diminution de la vitesse moyenne et donc du débit moyen. Cette description semble bien correspondre à une zone d’insertion. • La condition initiale nécessaire pour créer une chute de capacité de 10% est nettement plus éloignée du diagramme fondamentale pour le modèle ARZ que pour le modèle moyenné. Le modèle ARZ nécessite un attribut de I = −5.1%, qui correspond à une réduction de 5.1% de la vitesse maximale du conducteur, et crée dans la simulation une réduction de 9.1% de la vitesse amont à t = 0. Par comparaison, il suffit pour le modèle LWR moyenné d’un écart-type η = 0.055 à t = 0, qui crée une réduction de la vitesse de 2.5%. On peut comprendre qu’une petite diminution de la vitesse ne soit pas détectée par les boucles ma- gnétiques (ce qui explique pourquoi il est si difficile de prédire les chutes de capacité), ce qui tend à montrer que le modèle moyenné est plus réaliste.

Pour ces raisons, le modèle ARZ sans terme de relaxation ne peut pas reproduire de chute de capacité de façon réaliste. Le modèle LWR, plus simple, en est également incapable, puisque le débit d’un goulot d’étranglement sera constant. D’autres modèles du second ordre peuvent reproduire ce phénomène, mais ils utilisent en général des fonctions ad hoc (pour un terme de pression ou de relaxation) qui rendent ces modèles difficiles à paramétrer.

Par comparaison, le modèle LWR moyenné est très simple (son seul paramètre est le diagramme fondamental), mais il permet de reproduire de façon réaliste ce phénomène complexe. Voyons maintenant si on peut obtenir un modèle qui combine les avantages du modèle ARZ et du modèle moyenné.

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