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Application aux groupes valués

Dans le document Chaînes et dépendance (Page 107-112)

Dans cette section nous allons appliquer le théorème 5.8.3 à la théorie des groupes valués étudiée dans [30], que nous notons TS(p,q).

Considérons la théorie Tgvde groupes abéliens valués : c’est une théorie à deux sortes, G et Γ, dans le langage Lgv = {+, ≤, v, 0, ∞}, avec les propriétés données dans la section 2.2. Considérons aussi le schéma d’axiomes A , qui affirme pour chaque nombre premier

p :

(I) ∀x∀y (v(px) < v(py) → v(x) < v(y)) ;

(II) ∀x∀y [v(x) < v(y) → (v(px) < v(py) ∨ px = 0)] (III) ∀x∀y (v(x) < v(py) ∨ ∃z pz = x).

Lemme 5.9.1. Le schéma A est vrai si on remplace p par n ∈ N.

Démonstration. Nous le montrons pour n = p · q, avec p et q des nombres premiers ; pour

un n général il suffira de faire une récurrence. Soient donc x, y ∈ G. (i) Par (I), si v(pqx) < v(pqy) alors v(qx) < v(qy) et puis v(x) < v(y).

(ii) Par (II), si v(x) < v(y) alors v(qx) < v(qy) ou qx = 0 (et donc pqx = 0). Si

v(qx) < v(qy) alors v(pqx) < v(pqy) ou pqx = 0.

(iii) Si v(pqy) ≤ v(x), alors x ∈ pG par (III) ; disons x = px0. Il y a donc deux cas à considérer :

– si v(qy) ≤ v(x0), alors x0 ∈ qG par (III), et donc x ∈ pqG ;

– si v(x0) < v(qy), par (II) et v(pqy) ≤ v(px0) nous avons px0 = 0, donc x ∈ pqG.

Rappelons que v est surjective. Ainsi, pour chaque n ∈ N, on peut définir une fonction

fn: Γ → Γ par fn(v(x)) = v(nx). Elle est bien définie d’après le lemme 5.9.1.

Soit aussi, pour chaque n ∈ N, le prédicat unaire Rn dans Γ défini par : Rn(γ) ssi | ¯Bγ/Bγ |> n.

Nous considérons ensuite le langage LS = Lgv∪ {(fn)n∈N} ∪ {(Rn)n∈N}.

Fixons deux nombres premiers p, q. La LS-théorie TS(p,q) est la réunion de A avec les définitions des fn et Rn, affirmant en plus que G est non p-divisible et qu’il a de la

q-torsion. Nous considérons aussi p = 0 si G est divisible et q = 0 s’il n’a pas de torsion.

Notons Lv le sous-langage {≤, (Rn)n∈N, (fn)n∈N, ∞} de LS.

Définition 5.9.2. Tord désigne l’ensemble des Lv-énoncés satisfaits par la sorte Γ dans tout modèle de TS(p,q).

Remarque 5.9.4. D’après le lemme 5.9.1, pour tous x, y ∈ G et n ∈ N, si nx 6= 0 alors : v(x) < v(y) ssi v(nx) < v(ny). En particulier, si nx 6= 0 (équiv. ny 6= 0), alors :

v(x) = v(y) ssi v(nx) = v(ny).

Lemme 5.9.5. Pour tous x, y ∈ G et p, q des nombres premiers différents, si v(px) =

v(qy) 6= ∞, alors il existent z, z0 ∈ G tels que v(qz) = v(x), v(pz0) = v(y) et v(z) = v(z0).

Démonstration. Si v(px) = v(qy), d’après (III), d’une part px ∈ qG et d’autre part qy ∈ pG. En utilisant l’identité de Bézout, nous déduisons que x ∈ qG et y ∈ pG ; disons x = qz et y = pz0.

Puisque v(pqz) = v(pqz0) 6= ∞, nous avons pqz 6= 0 et pqz0 6= 0. D’après la re-marque 5.9.4, v(z) = v(z0).

Lemme 5.9.6. Pour tous x, y ∈ G et p, q des nombres premiers différents, si v(x) = v(y),

v(px) 6= ∞ et v(qy) 6= ∞, alors v(pqx) = v(pqy) 6= ∞.

Démonstration. Par la remarque 5.9.4 nous avons v(pqx) = v(pqy). Il suffit donc de voir

que v(pqx) 6= ∞.

D’après la proposition 2.2.3, soit v(px) = v(x) soit v(qx) = v(x). Supposons par exemple v(px) = v(x). Si v(pqx) = ∞ alors v(px) < v(pqx). Par (I) nous avons v(x) <

v(px), arrivant ainsi à une contradiction.

Le cas v(qx) = v(x) est évidemment symétrique.

Démonstration de la proposition5.9.3. La satisfaction de l’axiome (a1) et l’axiome (a2) est

une conséquence immédiate des définitions des fonctions fn, et la satisfaction de l’axiome (a3) est conséquence de la proposition 2.2.2. Le reste des axiomes est déduit de la re-marque 5.9.4 et des lemmes 5.9.1,5.9.5 et 5.9.6 (en les exprimant en termes des fonctions

fn).

Théorème 5.9.7. La théorie Tord est NIP.

Démonstration. D’après la proposition 5.9.3, le théorème 5.8.3, et la remarque 2.1.2.

Le résultat suivant est prouvé dans [30, Theorem 3.3] :

Fait 5.9.8. Toute LS-formule φ(¯x, ¯ε), avec ¯x des variables dans la sorte du groupe et

¯

ε des variables dans la sorte de l’ordre, est équivalente modulo TS(p,q) à une formule φv(v(t1x)), . . . , v(tNx)), ¯ε), où les tix) sont des termes dans ¯x, et φv est une Lv-formule.

Note: Dans [30], Simonetta s’intéresse à l’étude de la C-minimalité, notion assez

ap-propriée pour étudier les valuations introduites par Macpherson et Steinhorn dans [14]. Pour cela il se place dans le cadre des C-structures ; il considère ainsi, en plus de LS, la relation ternaire C. Bien que notre contexte est différent, étant donné que cette relation est définissable à partir de v, le théorème 5.9.9 reste aussi vrai dans le cadre de Simonetta.

Démonstration du théorème de transfert. Supposons qu’elle a la propriété d’indépendance.

Puisque v est surjective, nous pouvons supposer que la formule qui en témoigne a toutes ses variables dans la sorte du groupe. Soit donc cette formule φ(¯x, ¯y). D’après le fait 5.9.8, φ(¯x, ¯y) est équivalente à une certaine formule du type

φv(v(t1x, ¯y)), . . . , v(tNx, ¯y))),

où φv1, . . . , εN) est une Lv-formule.

Chaque terme tix, ¯y) peut être exprimé comme l’addition de deux termes, l’un dans ¯x

et l’autre dans ¯y, c’est-à-dire tix, ¯y) = ti,xx) + ti,yy). Si nous avons trouvé des suites

témoignant de la propriété d’indépendance pour la formule

φv(v(t1,xx) + t1,yy)), . . . , v(tN,xx) + tN,yy))),

alors nous pouvons trouver trivialement deux suites témoignant de la propriété d’indé-pendance pour la formule

φv(v(x1+ y1), . . . , v(xN + yN)), où certains xi et yj peuvent être égaux à 0.

Nous supposons donc, pour arriver à une contradiction, qu’il y a une formule de la forme

φ(v(x1+ y1), . . . , v(xn+ yn), v(xn+1), . . . , v(xn+m), v(yn+1), . . . , v(yn+m0)) avec la propriété d’indépendance, témoignée pour les suites (¯ai)i∈ω = (a1

i, . . . , an+mi )i∈ω et (¯bI)I⊆ω = (b1I, . . . , bn+mI 0). Par le théorème de Ramsey et la compacité, on peut supposer que (¯ai)i∈ω est indiscernable.

Soit S l’ensemble des s dans {1, . . . , n} pour lesquels il existe un certain cs tel que |{v(as

i + cs) : i ∈ ω}| = ω. Disons S = {s1, . . . , sl}, et fixons cs1, . . . , csl des éléments témoignant de cette propriété. On considère aussi R := {1, . . . , n, } \ S.

Soit maintenant ( ¯αi)i∈ω la suite définie a partir de (¯ai)i∈ω de la la façon suivante : – si k ∈ {1, . . . , n + m, } \ S, alors αk i := ak i – si k ∈ S, alors αk i := ak i + csk

On définit également ( ¯βI)I⊆ω a partir de (¯bI)I⊂ω : – si k ∈ {1, . . . , n + m0, } \ S, alors βk

I := bk I

– si k ∈ S, alors βIk := bkI− csk

D’après les définitions, nous avons que ( ¯αi)i∈ω et ( ¯βI)I⊆ω témoignent aussi la propriété d’indépendance pour φ. En plus, pour tout s ∈ S nous avons |{v(αs

i) : i ∈ ω}| = ω, et pour tout r ∈ R et tout élément c nous avons |{v(ari + c) : i ∈ ω}| < ω. Il se peut cependant que ( ¯αi)i∈ω ne soit plus indiscernable.

Par compacité, pour chaque r ∈ R, il existe un nr∈ N tel que |{v(ar

i+c) : i ∈ ω}| ≤ nr pour tout élément c. On peut donc appliquer le théorème de Ramsey et la compacité, pour considérer qu’on a deux suites (¯ai)i∈ω et (¯bI)I⊆ω tels que :

(i) elles témoignent de la propriété d’indépendance pour φ (ii) (¯ai)i∈ω est indiscernable

(iii) étant donné s ∈ S, v(as

i) 6= v(as

j) pour tous i, j ∈ ω différents (iv) étant donné r ∈ R, |{v(ari + c) : i ∈ ω}| ≤ nr pour tout élément c

Remarquons d’abord que d’après (ii) et (iii), pour s ∈ S fixé, on a : – soit v(as

0) < · · · < v(as

n) < . . . , – soit · · · < v(asn) < · · · < v(as0).

D’autre part, r ∈ R et I0 ⊆ ω fixés, on a que |{v(ar i + br

I0) : i ∈ ω}| ≤ nr.

Soit l’ensemble de nombres pairs P ⊂ N, et considérons l’uplet ¯bP. Pour chaque s ∈ S, il existe un indice Ns tel que :

– soit v(bs P) < v(as Ns) < v(as Ns+1) < · · · < v(as Ns+k) < . . . , – soit · · · < v(as Ns+k) < · · · < v(as Ns+1) < v(as Ns) < v(bs P).

D’autre part, pour chaque r ∈ R, puisque |{v(ari + brP) : i ∈ ω}| ≤ nr, il y a un certain indice Nr tel que v(ar

i + br

P) = v(ar j + br

P) pour tous i, j ≥ Nr.

Soit maintenant N = max{Ns, Nr : s ∈ S et r ∈ R}, et considérons la suite (¯ai)i≥N. Nous avons alors :

1. (¯ai)i≥N est indiscernable

2. le nombre d’alternance de φ(¯x, ¯bP) sur (¯ai)i≥N est ω

3. pour tout s ∈ S, une des deux options suivantes est vraie :

a) v(bsP) > v(asi) pour tout i ≥ N , et donc v(asi + bsP) = v(asi) pour tout i ≥ N . b) v(bs

P) < v(as

i) pour tout i ≥ N , et donc v(as i + bs

P) = v(bs

P) pour tout i ≥ N 4. pour tout r ∈ R, v(ar

i + br

P) = v(ar j+ br

P) pour tout i, j ≥ N ; disons v(ar i + br

P) = γr pour un certain γr∈ Γ

Nous notons S1 le sous-ensemble de S tels que (a) est vraie, et S2 le sous-ensemble de

S tels que (b) est vraie. Nous avons S1∪ S2 = S. Rappelons que {1, . . . , n} = S ·∪ R. Après avoir éventuellement renommé les variables, nous pouvons considérer S1 = {1, . . . , n1}, S2 = {n1+ 1, . . . , n1+ n2} et R = {n1+ n2+ 1, . . . , n}.

Considérons maintenant d’une part la L-formule

φ(u1, . . . , un1, vn1+1, . . . , vn1+n2, γn1+n2+1, . . . , γn, un+1, . . . , un+m, vn+1, . . . , vn+m0), et d’autre part la suite ( ¯αi)i∈ω = (α1

i, . . . , αn+mi )i∈ω d’éléments de Γ, définie par αki =

v(ak

i+N), et le (n + m0)-uplet de Γ ¯β = (v(b1

P), . . . , v(bn+mP 0)). Nous écrirons aussi ¯γ =

n1+n2+1, . . . , γn).

D’après 1. on a que ( ¯αi)i∈ω est indiscernable. D’après 2., 3., 4. on a que le nombre d’alternance de φ(¯u, ¯β, ¯γ) sur ( ¯αi)i∈ω est ω.

Par le fait 2.1.7, cela montre que la L-formule φ(¯u, ¯v, ¯γ) a la propriété d’indépendance ;

ce qui contredit le théorème 5.9.7.

Note: Il est possible qu’on puisse trouver une preuve un peu moins lourde du théorème

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