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Qu’appelle-t-on complexe d’Œdipe ?

Le mythe d’Œdipe est l’un des mythes les plus célèbres de l’Antiquité. Il a été repris de façon écrite par deux auteurs de la Grèce ancienne, Euripide et Sophocle.

La légende d’Œdipe, que nous allons résumer ici, se réfère à l’histoire de la ville de Thèbes. Le père d’Œdipe, Laïos, est invité à Mycènes chez Pelops, dont il séduit le fils, Chrysippos. Le jeune homme se suicide de honte. Dans le monde hellénique, le pire crime est de tuer un enfant. Pelops maudit Laïos : s’il a lui-même un fils, celui-ci tuera son père, selon la loi du Talion. De ce fait, Laïos ne

veut plus avoir d’enfant. Mais sa femme, Jocaste, l’enivre, et un fils lui est conçu. Jocaste cache ce bébé dans un bois, et l’abandonne.

Cet enfant, qui est en fait Œdipe, est recueilli par un berger, qui le donne à Polybos, le roi de Corinthe, pour qu’il l’adopte. La légende de sa malédiction arrive un jour aux oreilles d’Œdipe, qui fuit ses parents adoptifs, croyant ainsi échapper à son destin. Pourtant, il rencontre son père sur sa route. Celui-ci roule sur ses pieds avec son char. Sans savoir qui il est, Œdipe le tue. Puis il rencontre le sphinx, lequel lui pose cette question : « Qu’est-ce qui marche à quatre pieds le matin, à deux pieds le midi, à trois pieds le soir ? » Œdipe, après avoir répondu « l’homme », tue le sphinx. Il arrive en héros dans son pays d’origine. Il prend la place du roi qui vient de mourir, et s’unit à son épouse, comme le veut la tradition. Il reste marié pendant quinze ans et a quatre enfants avec elle, deux fils et deux filles. Une succession de catastrophes naturelles surviennent, qui amènent le devin Tirésias à affirmer qu’un crime a été commis : l’assassin du roi est un roi. En apprenant qu’Œdipe est son fils, Jocaste se suicide par pendaison, tandis que ce dernier, de désespoir, se crève les yeux, afin de ne pas voir son propre malheur. Œdipe part avec sa fille, Antigone, ce qui signe la fin du récit.

À la fin du XIXe siècle, le mythe d’Œdipe est revisité par Freud, qui en fait l’un des fondements de la théorie psychanalytique. Dans une lettre adressée à son ami Fliess le 15 octobre 1897, il fait une première référence à ce mythe :

Une seule pensée de valeur générale m’est apparue : j’ai trouvé chez moi aussi la passion amoureuse dans la mère et la jalousie contre le père, et je la tiens maintenant pour un événement général.

Freud a l’intuition que la problématique qu’il a repérée chez lui vis-à-vis de ses parents est un fait général, universel. Il ajoute :

Si c’est ainsi, alors on comprend la puissance saisissante du roi Œdipe malgré toutes les objections que la raison élève contre les présuppositions du destin77.

Selon lui, la légende grecque reflète une contrainte que chacun reconnaît en soi, parce qu’il en a ressenti la trace dans son existence. Toute personne a été au moins une fois en germe et en fantasme un Œdipe, et a refoulé avec effroi l’idée de la réalisation concrète de ce rêve. Freud attribue d’abord à ce phénomène le terme de complexe nucléaire. Il lui donne finalement en 1912 le nom de complexe d’Œdipe, dans son écrit Contribution à la psychologie de la vie amoureuse78.

Au plan psychopathologique, le complexe d’Œdipe est constitué de l’ensemble des investissements amoureux et hostiles que l’enfant fait sur ses parents lors de la phase phallique, ce

77 S. Freud (1897) : « Lettre 71 de Freud à Fliess », La naissance de la psychanalyse, Paris, PUF, 1996.

78 S. Freud (1916-1917) : « Contribution à la psychologie de la vie amoureuse », La vie sexuelle.

processus devant conduire à la disparition de ces investissements et à leur remplacement par des identifications. Les pulsions génitales, qui atteignent leur apogée vers quatre, cinq ans, se fixent sur la mère, qui est la personne qui apporte principalement les soins. Cela s’accompagne d’une identification au père pour le garçon ; c’est le côté positif du complexe d’Œdipe. Le côté négatif est que le garçon est jaloux de son père. Il existe un fantasme d’inceste, qui est puni par la castration, laquelle émane de la mère. Le garçon préfère garder son pénis et renoncer à son amour pour sa mère. La fille, pour sa part, quand elle s’aperçoit de son absence de pénis et de sa castration présupposée, pense avoir été lésée par sa mère, et s’en détache pour se tourner vers le père et en désirer un enfant. Le complexe disparaît parce que ce désir n’est jamais accompli, mais la fille reste toute sa vie durant attachée au père79. Le refoulement du complexe d’Œdipe amène la phase de latence, entre l’âge de cinq et douze ans. Cela permet l’inscription dans le psychisme du Surmoi (le refoulé) et de l’Idéal du Moi (le sublimé). L’enfant intériorise les interdits, en particulier les interdits de l’inceste.

Dans le contexte de notre travail, nous allons maintenant tenter de déterminer comment le marin en tant que sujet se positionne par rapport au complexe d’Œdipe. Nous verrons également quelles informations peut nous apporter la lecture de la

79 S. Freud : ibid.

littérature classique dans ce domaine, en particulier concernant les images parentales.