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Chapitre 1 : Introduction

1.3 Mécanismes d’atrophie, de dysfonction et de croissance musculaire

1.3.2. Mécanismes régulant l’atrophie et la croissance musculaire

1.3.2.2 Apoptose et dégradation protéique

Le débalancement du ratio synthèse/dégradation protéique est un événement commun à tous les types d’atrophie musculaire. L’apoptose et les différentes voies de dégradation protéique telles que les calpaïnes, le système ubiquitine-protéasome et les enzymes lysosomales sont les principaux mécanismes qui favorisent la dégénération du tissu musculaire. L’apoptose n’est pas une voie de dégradation proprement dîtes, mais plutôt une mort cellulaire préprogrammée. Ainsi, l’apoptose permet d’éliminer de façon contrôlée des cellules et de remodeler certains tissus, mais jouerait aussi un rôle dans plusieurs pathologies. Plusieurs signaux d’origine intra ou extracellulaire peuvent activer l’apoptose comme les ligands des récepteurs de mort cellulaire tels que le « TNF-related apoptosis- inducing ligand » (TRAIL), ou la présence excessive de facteurs oxydants, ou une augmentation chronique de la [Ca2+]i (136). Ces événements vont mener à la formation du

« mitochondrial permeability transition pore » (mPTP), un pore qui permettra la libération de cytochrome C et d’endogénase G par les mitochondries (137). Par la suite, se déclenchera une cascade d’événements menant à l’activation des caspases initiatrices (caspase-2, -8, -9 et -10) et effectrices (caspase-3, -6 et -7) et ultimement à la dégradation protéique, à la fragmentation de l’ADN et la mort cellulaire. Les études in vivo ne démontrent pas d’apoptose des fibres musculaires proprement dîtes. Cependant, l’apoptose des noyaux des fibres musculaires en période d’atrophie est encore sujette à débat (138). Certaines études révèlent une apoptose importante des noyaux, plus particulièrement dans les muscles fortement composés de fibres lentes suivant une hypogravité ou une dénervation (139, 140). Ce « suicide » cellulaire permettrait de maintenir le ratio noyau/volume musculaire relativement constant. Cependant, d’autres études démontrent plutôt un nombre absolu de noyaux relativement constant et indiquent que l’apoptose observée n’est pas reliée aux noyaux musculaires mais plutôt aux cellules satellites et aux cellules stromales (19, 141). Ces différences pourraient provenir des protocoles utilisés, de la durée de l’atrophie ou des types de muscles analysés. Quoi qu’il en soit, les souris caspase3-/- exhibent un niveau d’apoptose beaucoup plus faible suite à une dénervation ainsi qu’une meilleure préservation de la masse des muscles gastrocnémiens (142).

Pour ce qui est des mécanismes induisant la protéolyse, on retrouve tout d’abord les calpaïnes qui sont des cystéines protéases non-lysosomales dépendantes du calcium. Plusieurs isoformes de calpaïne sont présents dans les différents tissus. Il s’agit surtout des calpaïnes-1, -2 et -3 dans le muscle squelettique (143). Les calpaïnes sont activées par une élévation de la [Ca2+]i retrouvée dans plusieurs situations atrophiques et semblent jouer un

rôle plus important dans le modèle d’hypogravité que de dénervation (144, 145). Une étude a démontré que l’inhibition des calpaïnes par une surexpression de l’inhibiteur, calpastatine, ne réduisait pas les pertes de masse musculaire et du P0 absolu mais prévenait

la perte du sP0,particulièrement dans le muscle SOL suivant une hypogravité de 14 jours

(146). Les auteurs ont suggéré que cet effet positif sur la qualité de la contraction musculaire était principalement dû à une préservation ultrastructurale des sarcomères. Ces résultats s’appuient sur des évidences que les calpaïnes-1 et -2 peuvent désassembler directement plusieurs protéines jouant un rôle dans le maintien de l’intégrité des sarcomères comme la nébuline, la desmine et la titine (147). De plus, la calpaïne-3 permettrait le désassemblage, mais non la dégradation, de complexes multi-protéines du sarcomère comme les myofibrilles (148). Ainsi, la calpaïne-3 nécessiterait l’aide d’un système de dégradation en aval afin de compléter la destruction des protéines (Figure 1-5) (149).

Le système ubiquitine-protéasome est la voie de dégradation principale en situation d’atrophie musculaire causée par différents protocoles de sous-utilisation et de cachexie (150, 151). Son mécanisme consiste à lier de façon covalente une chaîne de polyubiquitine sur un résidu de lysine de la protéine cible grâce aux enzymes ubiquitines E1, E2 et E3 ligases. La protéine ainsi marquée sera dégradée par le protéasome 26S qui est constitué de deux complexes régulateurs 19S qui servent à identifier la chaîne de polyubiquitine et du complexe central catalytique 20S qui sert à la dégradation de la protéine via ses sites catalytiques (152). Contrairement aux calpaïnes, le système ubiquitine-protéasome est incapable de digérer certains complexes protéiques comme les myofibrilles liées, mais il est capable de digérer l’actine et la myosine libre (153). Ainsi, le système ubiquitine- protéasome agirait de concert avec les calpaïnes afin de permettre la dégradation de certaines protéines complexes (Figure 1-5). Les protéines clés du système ubiquitine-

protéasome sont les ubiquitines E3 ligases. À ce jour, plusieurs ubiquitines E3 ligases ont été identifiées, mais deux semblent particulièrement importantes dans presque tous les types d’atrophie musculaire soit la « muscle ring finger-1 » (MuRF-1) et l’atrogin-1 (aussi connu sous le nom de MAFbx) (154). Ces deux protéines sont sous le contrôle du facteur de transcription « forkhead box O » (FOXO) et sont fortement surexprimées dans les muscles atrophiés par hypogravité, dénervation, immobilisation, corticostéroïde, malnutrition et cancer (150, 155). Il a été démontré que la suppression de ces protéines n’avait pas d’effet sur la masse musculaire en situation non pathologique. Par contre, après 14 jours de dénervation, les souris MuRF-1-/- ou atrogin-1-/- ont démontré une préservation de 36% et 56%, respectivement, de la masse de leur muscles gastrocnémiens comparativement aux souris dénervées « wild-type » (150). L’effet protecteur de la délétion de MuRF-1 est encore plus important dans un protocole d’absence de mise en charge et ce particulièrement dans les muscles lents (156).

Un autre système de dégradation jouant un rôle dans l’atrophie musculaire est le système de protéolyse lysosomale, aussi appelé autophagie. Par ce procédé, une protéine est englobée dans une double membrane formant ainsi un phagosome, auquel ira se lier un lysosome qui y déversera son contenu enzymatique induisant la dégradation du contenu du phagosome (5). Il a été démontré que plusieurs enzymes lysosomales comme les cathepsines-B, -D et - L sont augmentées suite à une période d’hypogravité (157). Cependant, l’inhibition de l’activité des cathepsines a indiqué un rôle limité du système lysosomale dans le taux de dégradation des protéines contractiles suite à une hypogravité ou une dénervation (145, 157). Le rôle des lysosomes semble plutôt relié à la dégradation de protéines membranaires comme certains récepteurs de facteurs de croissance et différents canaux ioniques (158). Pour ce faire, le système lysosomal a besoin de collaborer avec le système ubiquitine (Figure 1-5). En effet, une molécule membranaire mono- ou bi-ubiquitinée sera ignorée par le système du protéasome, mais plutôt captée par les lysosomes (158). Cette interaction est facilitée par le fait que l’activité de plusieurs enzymes lysosomales est partiellement sous le contrôle du facteur de transcription FOXO, tout comme le système ubiquitine-protéasome (159).

Figure 1-5 : Interactions entre les principales voies de dégradation protéique dans le

muscle squelettique. Tiré de (5).

Un point important à soulever est que les voies de dégradation protéique ne servent pas seulement à induire l’atrophie, elles jouent également un rôle très important pour le remodelage du tissu musculaire. Ce point est bien illustré par le modèle d’hypogravité dans lequel nous pouvons remarquer une augmentation de l’activité des calpaïnes et du système ubiquitine-protéasome pendant la période de suspension, mais également pendant la période initiale de remise en charge (149, 150). Durant cette période de récupération, la dégradation protéique jouerait un rôle essentiel dans le remodelage de la fibre en permettant, par exemple, de détruire la MyHC rapide qui s’était formée pendant la suspension afin de permettre le retour de MyHC lente (160). Il est donc important de se souvenir que la réorganisation musculaire passe par un équilibre étroitement contrôlé entre la dégradation et la synthèse protéique.

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