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1.2 Le mouvement apocalyptique

1.2.4 Apocalyptique comme mouvement théologique

L’apocalyptisme ou phénomène apocalyptique semble n’avoir jamais embrasé toute la société, mais quelques groupes de gens pieux et assez marginaux tels : les Assidéens, les Qumrânites, la confrérie des endeuillés de Sion et, dans le Nouveau Testament, certains

34 D. Flusser, «Apocalypse», Encyclopaedia Judaica, volume 2, Mcmillan, Fred Skolnik, 2007, p. 257. 35 Paul ne parlera de ses révélations qu’à l’occasion des différends qui l’opposent aux communautés de

Corinthe et de Galatie.

36 On peut donc comprendre pourquoi Paul parle de son expérience en 2Co 12,1-5, non à la première

personne, mais à la troisième; il en va de même pour les «paroles inexprimables qu’il n’est permis à l’homme de redire» (2Co 12,4).

groupes de chrétiens assemblés autour de prophètes. «Ces divers groupes avaient une certaine théologie et une certaine conception du monde37.»

Parler de mouvement impliquerait que l’apocalyptique n’a pas été que l’expression écrite et épiphénoménale38 de quelques auteurs originaux. Des idées apocalyptiques circulaient au milieu du peuple et certains se constituaient en petits groupes pour en vivre. Mais il reste à signaler que des apocalypses ne sont pas nécessairement des produits de mouvement apocalyptique. Au nombre des groupes religieux de cette époque, la secte de Qumrân, à laquelle se rattachent les esséniens, reste le spécimen de mouvement apocalyptique que l’on a pu identifier.

«Though the degree to which the above-mentioned apocalypses preserve traces of their historical setting varies, it is evident in general terms that they all reflect a situation of crisis and aim at offering assurance of salvation to those alienated from the power structures of this world and suffering for their religious convictions39.»

Nous devons la démonstration de l’apocalyptique comme mouvement à Klaus Koch. Nous préférons le terme apocalyptisme pour désigner ces groupes religieux gouvernés par des idées apocalyptiques. Or, avec Mchael Stone, il faut souligner ce paradoxe : «there are some of the books which are conventionally regarded as apocalypses which are for all pratical purposes devoid of apocalyptism…40» Une distinction est donc à maintenir entre apocalypses et apocalyptisme. Ainsi pour Collins, malgré la pauvreté de renseignement que l’on a par rapport aux mouvements apocalyptiques juifs, le mot apocalyptisme renvoie à l’idéologie apocalyptique dont les adhérents sont tenus à des règles strictes.

«It is rigidly hierarchical, legalistic, and preoccupied with questions of purity. We should not infer that all apocalyptic movements were organized in this way. The character of the Qumran community was sharped to a great degree by the priestly traditions of its members. An apocalyptic world view does not in itself imply a particular form of social organization.41»

37 G. Rochais, «Qu'est-ce que l'apocalyptique?», p. 279.

38 Nous empruntons ce terme à Gérard Rochais, «Qu’est ce que l’apocalyptique?», p.227. 39 P.D. Hanson, «Apocalypse», Anchor Bible Dictionary, volume 1, 1992, p. 280. 40 J.J. Collins, The Apocalyptic Imagination, p. 10.

La communauté de Qumrân était sans doute influencée par la vision du monde largement exposée dans les apocalypses de Daniel et d’Hénoch. Les fragments araméens retrouvés à Qumrân, permettent de situer leur apparition au IIIe siècle, à peu près à la même époque que la révolte maccabéenne. Le Judaïsme du premier siècle est pluriel. Il n’est donc pas étonnant de :

«Trouver, en opposition avec les tendances extrémistes du judaïsme officiel, des groupes distincts qui entendent conserver et même développer, certains éléments de la religion traditionnelle que les orientations nouvelles risquaient de négliger. Parmi eux il nous faut signaler, au premier rang, le mouvement apocalyptique, qui exercera une influence considérable sur le christianisme naissant42.»

L’étude du mouvement apocalyptique est indissociable de la naissance d’une littérature religieuse d’un type nouveau qui le caractérise. Mais Collins propose de bien clarifier les distinctions valides entre apocalypses et apocalyptisme afin de pouvoir mettre en exergue leur terminologie. Aussi longtemps que l’apocalyptisme traduit un mouvement historique ou alors réfère à un univers symbolique dans lequel un mouvement apocalyptique codifie son identité et son interprétation de la réalité, on ne pourra le réduire au contenu des apocalypses43.

Par ailleurs, on a pu distinguer dans ce mouvement théologique deux types : historique et mystique. Le type historique désigne ces mouvements apocalyptiques qui reposaient sur une certaine théologie et une certaine conception du monde. Ce domaine historique est tout simplement le monde sensible où l’on peut expérimenter toute activité divine. Ici, l’apocalypticien comprend que sa tâche est de traduire la vision qu’il a de l’activité divine du niveau cosmique au niveau du domaine politico-historique de la vie quotidienne. On pourrait y voir l’apocalyptique qui serait le mode qu’a pris la prophétie eschatologique lorsqu’elle fut transportée dans la situation tout à fait nouvelle et radicalement changée de la communauté postexilique44. Dans ce premier type, la vision ou la révélation s’insère dans

42 E. Robillard, Nos racines chrétiennes dans l’histoire d’Israël et du monde méditerranéen, Montréal, Fides,

1985 p. 45.

43 Il y a bien des apocalypses qui ne sont pas des produits d’un mouvement apocalyptique, de même qu’il y a

des mouvements à l’instar de la secte de Qumrân et la chrétienté naissante qui n’ont pas d’écrits apocalyptiques ou apocalypses, et qui néanmoins ne sont pas moins traités comme apocalyptiques.

les catégories du temps et de l’espace. Il s’agit de la prophétie eschatologique aux couleurs politiques qui s’est développée depuis l’exil jusqu’à la formation du livre de Daniel en 164 av. J.C. Ce mouvement théologique historique se renforce des circonstances politico- sociales avec l’ébranlement de l’empire perse à la mort de Cambyse en 522, lors des conquêtes d’Alexandre, et enfin s’épanouit lors de la persécution d’Antiochus Épiphane. On peut le définir avec G. Rochais, comme l’annonce de la venue imminente du règne de YHWH; annonce faite au moyen d’images empruntées à la mythologie du Temps Primordial45.

Le type mystique, à la différence du type historique, se cantonne dans le seul domaine des visions et révélations. Il est surtout caractérisé par son indifférence aux contraintes historiques et prétend apporter une révélation, une connaissance secrète du passé, du présent et du futur, sous l’inspiration de Dieu. Nous pouvons soutenir que c’est «le genre de discours symbolique46» qui a paru apte à certains auteurs bibliques, et notamment des auteurs du Nouveau Testament, à décrire le temps de la fin, réalité indicible à leurs yeux dans tout autre discours. Ce courant puise énormément dans la mystique juive du ma’aseh merkabah ou du merkabah-mystical qui tient ses origines de la tradition de vision mystique liée à Ézéchiel 1 et au Cantique des cantiques (1,4).

«Although several scholars have, in recent years, perceived the potential significance of Jewish mysticism for the study of Paul and other early Christian writers, uncertainty concerning the original meaning and tradition history of the pardes story has inhibited further exploration of its relevance to Paul’s experience, as recorded in 2 Corinthians 1247.»

1.3 L’apocalyptique et le christianisme naissant