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3. Système immunitaire humoral inné

3.2. Anticorps

3.2.1. Anticorps naturels (AcNat)

Avant même la découverte des LB responsables de leur sécrétion, on reconnaissait la présence d’anticorps « normaux » pouvant lier différents antigènes sans que leur hôte ne les aient rencontrés auparavant (Boyden 1966). Les anticorps dits « naturels » (AcNat) sont définis comme des anticorps circulant chez des individus immunologiquement naïfs (Avrameas 1991). Ils ont été nommés ainsi, puisqu’on peut détecter leur présence chez des animaux de laboratoire maintenus dans un environnement exempt d’antigènes (Bos et al. 1989; Hooijkaas

et al. 1984), chez des individus n’ayant pas de stimulation antigénique apparente ainsi que dans

le sang de cordon ombilical humain (Avrameas 1991; Boes 2000). Les AcNat sont uniques, puisqu’ils ne semblent être dirigés contre aucun antigène particulier et qu’ils sont en partie sécrétés en absence de stimulation antigénique exogène (Haury et al. 1997).

Les AcNat sont majoritairement d’isotype IgM, malgré qu’on en détecte également d’isotype IgA et IgG3 (Avrameas & Ternynck 1995). Tel que mentionné plus haut, les lymphocytes B-1a sont réputés être la source sécrétrice des AcNat et contribuent à la sécrétion d’environ 80 pourcent des IgM naturels sériques (Baumgarth et al. 1999). L’analyse de la séquence des transcrits d’ARN codant pour les AcNat correspond généralement à celle de la lignée germinale et aucune maturation d’affinité n’est faite sur ces molécules (Feeney 1990; Gu et al. 1990). Récemment, il a été démontré que les LB-1 favorisent le réarrangement de régions variables hydrophobes (Ippolito et al. 2006; Schelonka et al. 2008), expliquant possiblement pourquoi les AcNat ont une propension très élevée à reconnaître des structures antigéniques conservées et répétées, tels les acides nucléiques, les hydrates de carbone, certaines protéines et phospholipides (Baumgarth et al. 2005; Boes 2000). Les IgM naturels sont généralement de

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faible affinité pour les antigènes qu’ils lient, mais leur structure de pentamère augmente leur valence et leur avidité de liaison. À défaut de lier avec forte affinité des antigènes précis, les AcNat sont reconnus être polyréactifs et avoir la capacité de lier des autoantigènes (Avrameas 1991; Coutinho et al. 1995). Cette caractéristique semble d’ailleurs être d’intérêt pour la reconnaissance de particules virales, puisque leur patron de glycosylation est nécessairement acquis des cellules hôtes (Durrbach et al. 2007).

Les IgM et IgA polymériques solubles (les IgA polymériques sont exclusivement sécrétés par les lymphocytes B-1; Figure 8) peuvent être transportés à la surface des muqueuses respiratoires et intestinales afin d’offrir une première ligne de protection contre les pathogènes. Un récepteur spécifique à ces deux isotypes d’anticorps, le récepteur d’Ig polymériques (pIgR), est exprimé sur la surface basale des cellules épithéliales mucosales et permet le transport transépithélial de ces anticorps (Kaetzel 2005). Deux autres récepteurs peuvent également lier spécifiquement les IgM seuls ou complexés à des antigènes, soit les récepteurs Fcα/µR et FcµR (TOSO/FAIM3). Le premier lie les IgM et les IgA et est exprimé à la surface de LB matures, macrophages et cellules dendritiques FO trouvés dans différents organes lymphoïdes secondaires (Kikuno et al. 2007; Sakamoto et al. 2001; Shibuya et al. 2000). Le second est actuellement le seul récepteur liant uniquement les IgM et a récemment été identifié tant chez l’humain que chez la souris (Kubagawa et al. 2009; Shima et al. 2010). Ces deux études ont démontré que le FcµR est exprimé à la surface des lymphocytes B et T (chez l’humain seulement), mais n’ont pas permis de déterminer l’importance de son expression à la surface de ces cellules. Il est par contre suggéré que la liaison de complexes-immuns par ces récepteurs favoriserait le développement des réponses immunitaires adaptatives par l’internalisation des pathogènes, suivi de leur présentation aux effecteurs de l’immunité spécifique (Kubagawa et al. 2009; Ochsenbein & Zinkernagel 2000).

3.2.1.1. Rôles attribués aux AcNat

Les AcNat ont d’abord été associés à l’autoimmunité, puisqu’il a été démontré que ces anticorps étaient présents en plus grande quantité chez des souris prônes aux réactions autoimmunes que chez leurs congénères normales (Hayakawa et al. 1983). Aujourd’hui, on

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associe plutôt la capacité des AcNat à reconnaître des antigènes du soi au maintien homéostatique de l’organisme (Ehrenstein & Notley 2010). De nombreuses études démontrent que les AcNat peuvent lier certains antigènes du soi modifiés, dont les plaques athérosclérotiques et des cellules apoptotiques, nécrotiques, précancéreuses ou cancéreuses afin de faciliter leur élimination (Binder 2010; Ehrenstein & Notley 2010; Vollmers & Brandlein 2009). Malheureusement, la tolérance immunologique de l’organisme est parfois rompue, permettant le développement de maladies autoimmunes associées à la déposition de complexes-immuns à travers l’organisme, comme par exemple l’arthrite rhumatoïde et le lupus érythémateux disséminé (Murakami et al. 1995). Par contre, dans la majorité des cas, la présence d’IgM solubles limite le développement des maladies autoimmunes par la diminution des réactions pro-inflammatoires (Boes et al. 2000; Ehrenstein et al. 2000; Lewis et al. 2009; Chen et al. 2009; Peng et al. 2005).

Les AcNat jouent une grande variété de rôles dans l’organisme, mais celui sur lequel nous avons porté notre attention est leur capacité de liaison à des particules infectieuses. Malgré leur faible affinité et leur polyspécificité, il a été démontré que les AcNat peuvent directement neutraliser ou limiter rapidement la réplication de pathogènes (Gobet et al. 1988; Zhou et al. 2007), former des complexes-immuns avec ou sans le recrutement du système du complément (Jayasekera et

al. 2007) et faciliter le transport de pathogènes vers les OLS (Figure 9) (Ochsenbein, Fehr et al. 1999; Ehrenstein & Notley 2010). Les IgM, liés à un antigène, sont de puissants activateurs de la cascade du complément (Carroll 2004). Il a d’ailleurs été démontré que cette activation sert d’adjuvant endogène pour le développement de réponses cellulaires protectrices induites par la vaccination contre Leishmania (Stager et al. 2003). Un phénomène similaire a également été noté lors d’une infection par le virus de la rougeole (Durrbach et al. 2007). La formation de complexes-immuns facilite le dépôt des microorganismes sur les cellules dendritiques FO dans les OLS. De plus, leur reconnaissance par les DC périphériques augmente la capacité de sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, la maturation et la migration de celles-ci vers les OLS avoisinants (Rapaka et al. 2010).

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Figure 9 : Rôles attribués aux anticorps naturels.

Les AcNat assurent un lien important entre les systèmes immunitaires inné et adaptatif. Ils peuvent limiter la dissémination virale par la neutralisation directe, l’activation du système du complément et l’exclusion des microorganismes dans le sinus de la zone marginale des organes lymphoïdes secondaires avant que les réponses immunitaires adaptatives ne soient activées. Les AcNat favorisent ainsi le développement des réponses immunitaires adaptatives en facilitant le recrutement des antigènes aux organes lymphoïdes secondaires. BCR : récepteur des lymphocytes B; CR : récepteur du complément; OLS : organes lymphoïdes secondaires. Modifiée de (Hangartner et al. 2006).

La capacité des AcNat murins à lier des particules infectieuses de nature variée a été démontrée pour le LCMV, le VSV, le virus de l’influenza et le virus de la vaccine, de même que pour la bactérie intracellulaire Listeria monocytogenes (Baumgarth et al. 1999; Baumgarth et al. 2000; Ochsenbein, Fehr et al. 1999). D’un aspect plus fonctionnel, les AcNat sont importants pour le contrôle des étapes précoces de l’infection par S. pneumoniae (Baumgarth et al. 2005; Haas et al. 2005), limiter la mortalité associée à l’infection bactérienne causée par Salmonella

typhimurium (O'Brien et al. 1979) et contrôler l’infection par un mutant intracellulaire de Brucella abortus virB (Rolan et al. 2009).

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