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Les anomalies des patrons épigénétiques du spermatozoïde et leurs conséquences sur la

Chez les mammifères, une mauvaise compaction de l’ADN durant la spermiogenèse conduit à une infertilité ou une sous-fertilité (Dada et al., 2012; Nanassy et Carrell, 2008). Elle peut être due à plusieurs facteurs (Dada et al., 2012; Nanassy et Carrell, 2008) :

 Des modifications (exemple : mauvaise méthylation ou acétylation sur une lysine) d’histones anormales durant la spermiogenèse

 Un non-remplacement des histones par les protamines et une méthylation anormale de l’ADN durant la spermiogenèse.

Chez les hommes infertiles, le niveau de méthylation de l’ADN du spermatozoïde semble plus bas que chez les hommes fertiles dus à une augmentation du stress oxydatif (Tunc et Tremellen, 2009). Tunc et Tremellen, 2009 mesurent dans différents échantillons de semences d’hommes infertiles avant une prise d’antioxydants alimentaires et après le traitement d’antioxydants de 3 mois. Le niveau de méthylation est analysé par une technique d’immunohistochimie sur la 5-méthylcytosine (Tunc et Tremellen, 2009). Les auteurs évaluent la production des dérivés réactifs d’oxygène (ROS) par une technique modifiée de colorimétrie de nitro blue tetrazolium. Après la prise alimentaire d’antioxydants, les échantillons d’hommes infertiles (avec une faible méthylation et un haut niveau de ROS) ont vu leur niveau de méthylation dans l’ADN spermatique augmenter et la quantité de ROS diminués (Tunc et Tremellen, 2009). Cependant, le pouvoir fécondant des spermatozoïdes n’ayant pas été testé, nous ne pouvons pas savoir si ces hommes infertiles au départ sont devenus fertiles après la prise alimentaire d’antioxydants. Les ROS sont produits naturellement par les mitochondries des cellules et sont neutralisés par des enzymes comme les superoxydes dismutases, les catalases, le glutathion peroxydase et le glutathion réductase (Aitken et Roman, 2008). En réponse à un stress cellulaire comme une inflammation ou à la présence d’un pathogène, les cellules produisent plus de ROS et si le système des enzymes antioxydantes est dépassé et ne peut plus neutraliser les ROS, il y a un stress oxydatif qui détériore les cellules et peut les mener jusqu’à l’apoptose de celles-ci (Aitken et Roman, 2008).

Une autre étude sur les spermatozoïdes humains normaux (normozoospermique) dont les éjaculats sont divisés en groupes de spermatozoïdes en fonction de leur motilité (par un Percoll : groupe de spermatozoïdes immotiles dans la fraction haute et groupe motiles dans la fraction basse de Percoll) montre l’impact du niveau de méthylation sur la qualité spermatique. Les spermatozoïdes ayant une bonne qualité avaient le niveau de méthylation plus bas que les spermatozoïdes avec une mauvaise qualité spermatique. Les auteurs spéculent que l’hyperméthylation de l’ADN spermatique serait une réponse des cellules germinales aux ROS provoquant une hyperméthylation du génome par l’augmentation de l’activité des DNMTs (Barzideh et al., 2013). Les activités des ROS pourraient influencer les structures épigénétiques dans la spermatogenèse comme le niveau de méthylation de l’ADN dans les cellules germinales jusqu’au spermatozoïde.

Une diminution du niveau de méthylation de l’ADN dans les spermatozoïdes de souris due à une courte exposition d’un inhibiteur de méthylation de l’ADN, le 5-aza-2’-deoxycytidine (inhibe l,activité des méthyltransférase de l’ADN qui résulte d’une déméthylation de l’ADN), provoque une réduction de la division méiotique durant la spermatogenèse, diminuant le nombre de spermatocytes et ainsi une sous-fertilité des mâles (Raman et Narayan, 1995). Quand l’animal est exposé sur un plus long terme, une mortalité embryonnaire (perte préimplantatoire) est détectée chez les embryons issus des spermatozoïdes des mâles exposés (Doerksen, 2000) due à une hypométhylation de l’ADN du spermatozoïde créé par une perte de fonction de DNMT1 (Oakes et al., 2007).

Une perturbation des modifications post-traductionnelles des histones qui sont normalement présentes dans le spermatozoïde pour le développement embryonnaire entraine une diminution de production de spermatozoïdes, mais peut aussi une mauvaise régulation de l’expression des gènes paternels dans le développement précoce de l’embryon (Jenkins et Carrell, 2011).

Les mécanismes épigénétiques régulant la spermatogenèse (niveau de méthylation de l’ADN dans les cellules germinales, présence de ARNnc dans la spermatogenèse, et

modifications post-traductionnelles sur les histones retenues dans le spermatozoïde) peut non seulement rendre un mâle sous-fertile voir infertile par une chute de production de spermatozoïde, mais aussi après la fécondation en changeant l’expression des gènes paternels ou en produisant une incompatibilité entre les génomes parentaux qui change l’expression embryonnaire.

2.4. Les effets multigénérationnels et transgénérationnels de la lignée paternelle

L’étude montre clairement que les modifications épigénétiques sont aussi héritables et stables que des mutations génétiques, produisant ainsi des conséquences à long terme sur l’architecture du génome et ses fonctions (Singer et Yauk, 2010). Quand une femelle F0 gestante est exposée à un facteur environnemental externe comme le stress, une famine, une carence dans certains vitamines et nutriments, ou des polluants environnementaux, le fœtus F1 en développement et ses cellules germinales qui vont devenir la génération F2, sont aussi exposés (Jirtle et Skinner, 2007). Une anomalie du développement ou une diminution de la santé chez l’adulte dans ces deux générations peuvent être dues à une exposition directe du futur spermatozoïde au facteur environnemental (Jirtle et Skinner, 2007), on parle donc d’effet multigénérationnel (Skinner, 2008).

L’exposition directe des adultes et ses effets sur la génération F1

L’exposition directe d’un adulte à différents facteurs environnementaux a montré des effets sur le développement de la génération F1, par exemple avec une nutrition restrictive chez l’humain (Pembrey et al., 2005) et chez le rat (Hemmings et al., 2005) ou avec une exposition prénatale à des perturbateurs endocriniens ayant des effets anti-androgéniques chez le rat mâle (Anas et al., 2005; Parks et al., 2000). Un faible taux de protéines dans le régime alimentaire de femelles gestantes affecte la croissance et le métabolisme des rats femelles F1 et de leurs descendances F2 (Zambrano et al., 2005).

L’importance de l’origine sexuelle (transmission maternelle ou paternelle) du parent F1 dans la transmission d’anomalies chez l’enfant F2

Connaitre le sexe du « parent d’origine » des futures générations est important au vu des différences de phénotypes sur les F1 dues au sexe dans les modèles animaux (Aiken et Ozanne, 2013b). Cette différence peut être expliquée par la différence dans le développement reproducteur des femelles et des mâles. Les gènes (comme Sry-Sox9 pour les mâles et Wnt4 pour les femelles parmi tous les gènes connus à ce jour) et les hormones (testostérone pour les mâles et œstrogène pour les femelles) essentiels à la mise en place des organes reproducteurs et des cellules germinales sont différents (Goldman et Cooper, 2010; Rasoulpour et al., 2010b). La transmission épigénétique du parent F1 à l’enfant F2 se fera avec plusieurs différences en fonction du sexe du parent F1 (Aiken et Ozanne, 2013a) :  Une mère F1 transmet à son futur enfant F2 son épigénome via les motifs de méthylation de l’ADN de l’ovocyte, histones et microARN et par l’ADN mitochondrial de son ovocyte. Des modifications épigénétiques peuvent survenir aussi chez les F2 par l’environnement intra-utérin et durant la lactation (exemple : composition du lait).

 Un père F1 transmet à son futur enfant F2 son épigénome via les motifs de méthylation de l’ADN du spermatozoïde, par des histones résiduelles et des ARNnc.

La transmission par la lignée maternelle a été le plus souvent étudiée, et cela depuis les années 1990 (Lam et al., 2000; Peixoto-Silva et al., 2011; Pinheiro et al., 2008; Pinto et Shetty, 1995). Ces études incluent différentes expositions comme le stress maternel (Pinto et Shetty, 1995), la consommation d’alcool (Lam et al., 2000) et la restriction alimentaire (Peixoto-Silva et al., 2011; Pinheiro et al., 2008). L’expérimentation avec des modèles animaux pour montrer une transmission paternelle est moins représentée que la transmission maternelle parce que les études se sont toujours concentrées sur les effets prénatals et postnatals, donc au sein de l’environnement maternel (Aiken et Ozanne, 2013a). Les expositions de la lignée paternelle sont surtout sur la nutrition comme l’abondance de nourriture/carence de vitamines/obésité/diabète qui montrent des anomalies de développement sur les générations F2 (Fullston et al., 2012; Lambrot et al., 2013; Pentinat et al., 2010).

Il est nécessaire d’analyser la troisième génération F3 et ses descendants F4, pour éliminer le problème de l’exposition des cellules germinales (une transmission multigénérationnelle dont les effets s’arrêtent à la génération F2), et pour parler ainsi de transmission transgénérationnelle (Jirtle et Skinner, 2007). Il existe peu d’études qui examinent la transmission d’un programme épigénétique à travers 3 à 4 générations (de F1 à F4) (Aiken et Ozanne, 2013a). Une nutrition énergiquement plus riche (plus de sucrose, de choline, méthionine, de fibres et d’huile) chez les rattes F0 gestantes a montré une diminution de la méthylation globale du sang chez les F1, F2 et F3 mâles, mais il n’y a pas de preuve de la transmission paternelle par une analyse de la programmation épigénétique des cellules germinales et des spermatozoïdes des pères de chaque génération (Burdge et al., 2011). Dans la littérature toxicologique, une étude phénotypique montre qu’une exposition au di- (2-éthylhexyle) phtalate altère la spermatogenèse des mâles de la génération F1 jusqu’à la F4 quand il y a un lien de parenté direct et par une greffe de cellules germinales à un individu non affilié génétiquement (Doyle et al., 2013). On voit une transmission entre générations via la lignée paternelle, mais aucune preuve de modification épigénétique n’a été montrée dans l’étude de Doyle et coll., 2013. Les auteurs n’avancent aucune hypothèse sur les mécanismes expliquant leurs résultats, car l’exact mécanisme du di-(2-éthylhexyle) phtalate sur la fonction testiculaire lors d’un transmission transgénérationnelle reste inconnue (Doyle et al., 2013). Une exposition prénatale des mâles F1 à une dose toxicologique de vinclozoline (anti-androgène) diminue la spermatogenèse et le niveau de méthylation dans les spermatozoïdes des mâles F1 à F3 (Anway et al., 2005). Cette étude a été très critiquée, car d’autres auteurs n’ont pas vu de perturbations dans la spermatogenèse et encore moins dans la méthylation des spermatozoïdes en reprenant exactement le même modèle d’exposition à la vinclozoline (Inawaka et al., 2009). Une exposition prénatale à la vinclozoline de 50 mg par kg de masse corporelle (dose toxicologique) et par jour pendant 1 semaine par injection de la femelle gestante F0 a montré une modification des motifs de méthylation de quelques gènes soumis aux empreintes parentales (sélectionnés par les auteurs pour effectuer l’étude) et transmises dans la lignée paternelle dans un modèle de souris (Stouder et Paoloni-Giacobino, 2010). Une exposition à des doses toxicologiques de plastifiants comme le Bisphénol A (50 mg/kg de masse corporelle/jour), le phtalate de bis(2-éthylhexyle) (750 mg/kg de masse corporelle/jour) et du di-n-butyl phtalate (66

mg/kg de masse corporelle/jour) par injection pendant 7 jours modifie les patrons épigénétiques dans les spermatozoïdes des mâles F1 à F3 (Manikkam et al., 2013). Ces deux dernières études montrent des modifications dans l’épigénome paternel et leurs transmissions aux générations mâles suivantes. Cependant, les expositions aux doses toxicologiques sont des cas extrêmes chez les populations humaines ou animales. Le DDT est utilisé en Afrique du Sud pour lutter contre le moustique vecteur de la malaria (De Jager et al., 2009). L’exposition, majoritairement directe (par inhalation, contact cutané), des populations humaines d’Afrique du Sud au DDT est 385 fois plus élevé que dans les populations du Groenland (Inuit) contaminées indirectement (l’ingestion de nourritures contenant du DDT non produit dans cette région) (De Jager et al., 2009). Le DDT a été banni par la convention de Stockholm depuis les 1990 et est utilisé comme pesticide que dans des cas exceptionnels comme en l’Afrique du Sud (Bouwman, 2004). Les faibles doses sont donc généralement plus représentatives des expositions des populations humaines aux polluants, spécialement aux produits qui ne sont plus utilisés comme beaucoup d’organochlorés. L’épigénétique étant influencée par l’environnement, des expositions à doses environnementales seraient plus judicieuses pour voir s’il y a transmission paternelle dans les futures générations.

3. Les organochlorés, polluants organiques persistants dans

l’environnement et perturbateurs endocriniens : impact sur la santé des

mâles

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