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Annihiler les préjugés

Dans le document Fendre la réalité : schizo-réalia (Page 108-110)

L’annihilation. Est exprimé comme annihiler, « Réduire à rien, détruire, anéantir. »1 En effet cela renvoie au fait de tendre vers le néant, il me semble intéressant que ce terme soit directement confronté à l’analyse de l’expression artistique puisque à première vue ces deux termes s’opposent frontalement. Cependant l’expression artistique tend aussi à réduire les préfigurations perceptibles dans toutes civilisations et c’est encore le cas de nos jours. En effet l’analyse du champ plastique remet en cause les sujets qu’elles traitent de manière plastique et de manière théorique avec l’analyse critique qui en découle. Je m’explique, l’ensemble de normes et de valeurs dans une société forment un ensemble de jugement anticipé de part l’expérimentation et le sens commun. Et c’est dans le champ de l’art que l’on remet en cause ces sens communs de part la mise en avant de la subjectivité. La subjectivité démontre que n’importe quel être est différent et c’est de cette différence que l’on remet en cause le sens commun. Comment un sens pourrait-il être commun ? A première vue par le partage d’opinions, de normes et de valeurs qui se regroupent dans des catégories de pensée. On le remarque très bien en philosophie avec le cartésianisme par exemple. Ou encore avec les différents groupes politiques. L’art tend à anéantir le sens commun en remettant en question et en mettant au premier plan la subtilité de la subjectivité. C’est avec une juste mesure que l’art se repose sur ce sens commun pour comprendre des œuvres artistiques tout en se permettant de le remettre en question de manière continue avec les différentes œuvres au fil du temps et les différents points de vue émis par l’artiste. Ce dernier juxtapose donc l’annihilation de code d’expression artistique à la création de nouvelle conception autant esthétique que sociale. Puisque l’expression artistique de part son esthétisme et de la valeur accordée à celle-ci émet sa réflexion devant le monde et dans la société dans laquelle est érigée, est montrée l’œuvre en question. L’œuvre d’art permet donc l’émission de nouvelles réflexions et de nouvelles recherches théoriques en subtilisant son esthétisme comme facteur moteur de la mise en jeu de l’esthétisme même. L’esthétique qui figure comme le fait de sentir par l’étymologie du terme grec « aisthêtikos »2. Donne naissance à ce que l’on conçoit comme esthète, celui qui éprouve par les sens. L’artiste a un rôle d’esthète et de théoricien puisqu’il remet en cause le sens commun de manière continue, il circule donc sa pensée toujours autour du néant et du vide pour savoir se dessaisir de ce qui est préconçu comme normes, valeurs et faits sociaux communs.

Il faut tout de même distinguer le fait d’annihiler et de détruire. Comme vu précédemment le fait d’annihiler est de tendre vers le rien, vers le néant tandis que dans l’acte de destruction on se retrouve non plus vers ce néant mais au contraire vers la pluralité, l’ensemble des fragments que forment la destruction crée de multiples facettes à l’objet détruit. Le tout devient multiple et par la même occasion ouvre à une pluralité de forme et d’objet. Il est important de concevoir cette distinction puisque l’artiste joue de ces deux rôles fondamentaux

1 Isabelle Jeuge-Maynard, Dictionnaire Le Petit Larousse illustré, Notion de Annihiler, Edition Larousse, 2006,

II. Morceler le visible 2. Déstructurer pour mieux ériger B. Annihiler les préjugés

entre le rien et le tout, entre création et destruction afin de conférer et d’ériger de nouvelles œuvres avec sa propre subjectivité comme atout majeur.

Il est question donc de la rupture de la masse. C’est l’inverse de ce que l’on entreprend en philosophie. En effet en philosophie, l’on doit conjointement partir d’un cas général pour obtenir une thèse générale or l’art contrairement à la philosophie est particulièrement emprunt à la marge, à ce qui est hors norme en quelque sorte. A la marginalité en somme. Et c’est de plus avec sa subjectivité que l’artiste traite de la subjectivité du spectateur. En effet il prend en compte les différentes visions d’un sujet, de normes ou de valeurs, qu’il traite de la manière la plus cohérente qu’il le peut avec comme base le mode sémantique en utilisant les médiums ainsi que les techniques de mise en œuvre. C’est par le médium que l’œuvre figure par la juxtaposition entre création, destruction et anéantissement de préconception. Ce dernier lève le voile sur un jour nouveau de manière métaphorique, il figure par la nouveauté de l’exécution et de la trace qui nait de l’œuvre dans le champ de l’histoire.

En art on prend en compte les préjugés mais on ne peut décemment pas les laisser influer quant à la conception d’une œuvre. Les préjugés se conçoivent communément par des interprétations aussi futiles que graves, l’on crée alors des cases et des normes qui faussent la plupart du temps les valeurs humaines et profondes. C’est une aberration qui permet un démantèlement d’analyse la plupart du temps critique et faussé. C’est mettre un ensemble d’individus dans un même panier comme si un détail physique ou une opinion permettait l’entièreté de la compréhension de la réflexion d’une catégorie de personne. Et le rôle fondamental de l’artiste est de ne pas laisser régner le sens commun sur aucune forme d’analyse, il fait donc acte de rupture épistémologique tant sur le point matériel que sur le domaine des connaissances. C’est une forme de recherche « continu et dynamique »1 que l’on

retrouve aussi bien en psychanalyse, l’expression artistique se situe donc entre anéantissement et création.

1

Michèle Bompard-Porte, article « Pour une recherche continuée en dynamique », revu Recherches en psychanalyse Paris, 2004 (no 1), p.145-154

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