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4. Le siècle martien : 1850-

4.5 L'année 1912 : l’imaginaire explose

En 1912 parait la série du Cycle de Mars, sous le titre original Under the moons of

Mars. D’abord publiée en épisodes à partir de février 1912, puis en roman à partir de 1917,

cette saga comprend dix volumes et se termine en 1948. L’auteur en est Edgar Rice Burroughs (1875-1950), le héros est John Carter et ses descendants. Burroughs s’inspire des travaux de Lowell pour décrire une planète vieille, « en fin de vie », qu’il nomme Barsoom. Mais il la peuple de plusieurs races martiennes différentes qui se font une guerre perpétuelle. Il est possible que la couleur verte associée aux martiens, et la dénomination de « petits hommes verts », proviennent de la race de nomades barbares et guerriers de Barsoom, géants dotés de six membres et de défenses terrifiantes. Mais les aventures de John Carter marquent

1

LAUMANN, Charles Ernest. « Le mystère de Mars », In Lecture pour tous, 1ère parution mars 1921

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le point de départ « à ces planètes cliquetantes d’épées, pleines de jolies filles et des monstres variés, de décors ruinés et de grands espaces déserts ou de jungles féroces.1 »

La même année 1912 voit en France la publication de plusieurs histoires courtes dans la revue Cri-Cri, L’étrange aventure de Mr Narcisse Barbidon2, par Marcel Laurian ( ?- ?). Outre le mode de transport particulier –une montagne projetée dans l’espace emmène les héros sur Mars, une montagne soumise à une concentration électrique puissante les ramène dans le Sahara–, la description de la planète Mars est à l’inverse de la vision de Burroughs, pourvue d’une végétation luxuriante, mais aussi peuplée de nains télépathes, d’esprits lumineux et d’hommes-singes.

Les tensions politiques en Europe, ainsi que la première guerre mondiale, ont une influence sur certains récits, qui se permettent d’intégrer actualité, géopolitique avec aventure et espionnage.

En 1914, André Mas ( ?- ?) fait voyager les Allemands sur Vénus, et ce périple aboutit à la répartition du système solaire parmi les grandes nations du monde : les Russes obtiennent la Lune, Les Américains Saturne, le Japon Jupiter, la France reçoit Mars (Les Allemands sur

Vénus, 1914)

Le prince Louis de Bourbon ( ?- ?), dans une satire de la société humaine, D'Amra sur

Azulba - Journal d'un Marsien sur la Terre, en 1918, narre l’histoire d’un martien arrêté

comme espion allemand et qui s’évade avec un anarchiste. Cette histoire est un mélange de fiction scientifique – le vaisseau martien est propulsé grâce au radium, les martiens communiquent par télépathie – et d’inspiration de l’actualité récente – le martien vient observer les bouleversements aperçus de Mars et dus à la première guerre mondiale, il parcourt Paris et la France entre 1914 et 1917 –. L’auteur précise en introduction que ce roman est écrit en hommage au tsar déchu, dans le but de le distraire de ses déboires.

Si l’actualité en Europe est axée sur la fin de la guerre, en Russie, elle est essentiellement consacrée à la révolution russe. Je me permets deux incursions en pays soviétique, particulièrement révélateur du thème des extraterrestres mais aussi de celui de cette révolution qui se voulait bienfaitrice. En 1923, Aleksei Tolstoï (1883-1945) publie

Aelita, histoire romanesque d’un ingénieur amoureux de la reine de Mars, et d’un soldat de

l’armée rouge qui tente de libérer les martiens prolétaires de l’oppression de cette reine.

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HERP, Jacques van. Panorama de la science-fiction. Paris : Marabout Université, 1975, p43

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LAURIAN, Marcel. « L'étrange aventure de Mr Narcisse Barbidon », In Le Cri-cri, Ed. Offenstadt, du n° 47 (18.01.1912) au n° 73 (18.07.1912)

Le deuxième ouvrage significatif est La nébuleuse d’Andromède, écrit en 1956 par Yvan Efrémov (1907-1972) qui décrit une terre entièrement – et heureusement – soumise au communisme, qui s’intègre dans le Grand Anneau, communauté intergalactique inspirée du même mouvement. Fortement influencés par le soviétisme, ces deux romans, très différents quant à l’histoire et la forme, présentent néanmoins tous deux l’espoir d’un idéal communiste heureux, propagé à travers le système solaire et les autres galaxies.

Yves Bosson et Farid Abdelouahab incluent dans leur Dictionnaire visuel des mondes

extraterrestres le « poète de la main gauche » Blaise Cendrars (1887-1961), admirateur de

Gustave Le Rouge, qui a « commencé la rédaction d’un roman martien, œuvre inachevée qui allait inspirer La fin du monde filmée par l’ange N.-D., parue en 19191 ». Les calamités qui affluent sur la terre sont le fait de Dieu le père, grand patron capitaliste, réfugié sur Mars.

En 1921, les deux volumes de L’épopée martienne, de Théo Varlet relatent l’invasion de la terre par les martiens, s’inspirant autant de Wells –les martiens attaquent la terre–, de Le Rouge –les martiens sont des vampires–, de Flammarion et du spiritisme –la terre est une étape de la réincarnation des âmes martiennes dont le « paradis » est le soleil–, et d’un space- opera qui fait intervenir les Jupitériens comme alliés des terriens.

Avec Ciel contre terre, de Henri Allorge (1878-1938), en 1924, les martiens sont tout aussi extraordinaires, avec leurs ailes de chauve-souris et leur troisième œil, mais le conflit prend une tournure humoristique et original puisque les envahisseurs découvrent les méfaits de l’alcool, s’enivrent et s’autodétruisent.

Un ouvrage particulièrement remarquable est le roman de J.H. Rosny (1856-1940), Les

navigateurs de l'infini, publié en 1925. L’auteur y décrit un voyage vers la planète Mars très

réaliste, où l’aspect relationnel entre les astronautes prend une force nouvelle, qui s’avère aujourd’hui d’une importance capitale dans l’étude des voyages spatiaux. Mais Rosny semble avoir une vision précise et « humaniste » de la découverte de planète habitée, posant des questions essentielles comme les rapports avec les extraterrestres et l’ingérence dans leurs sociétés, l’écologie et la survie de civilisations en voie d’extinction, et la beauté et l’amour

1

BOSSON, Yvon, ABDLELOUAHABFarid. Dictionnaire visuel des mondes Extra-terrestres. Paris : Editions Flammarion, 2010, p55.

hors des normes terriennes « perceptibles pour nous et pourtant complètement étrangères à nos milieux et à notre évolution.1 »