Docteur E. Hafiani, Hôpital Tenon, AP-HP Sorbonne Université – Paris (France). Comité développement durable de la SFAR.
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VAPEURS HALOGÉNÉES
Les vapeurs halogénées sont utilisées en anesthésie pour leur effet hypnotique. Les gaz sont très peu métabolisés par l’organisme : moins de 5 % pour le sévoflurane et 0,02 % pour le desflurane. C’est donc plus de 95 % des vapeurs halogénées administrées aux patients qui sont expirées sous forme inchangée. À débit de gaz frais identique il faut administrer 2 à 3 fois plus de desflurane que de sévoflurane pour obtenir un effet équivalent.
PROTOXYDE D’AZOTE
Le protoxyde d’azote (N2O) est un gaz utilisé pour ses propriétés analgésiques et hypnotiques. Il est utilisé en mélange avec l’O2 médical comme vecteur des gaz halogénés lors des anesthésies générales. L’utilisation du N2O en association avec les halogénés, permet de réduire de moitié la consommation des vapeurs halogénées.
Toutefois le N2O a un impact climatique majeur en étant le principal responsable de la déplétion de la couche d’ozone mais également de 6 % du réchauffement climatique anthropogénique.
Le N2O fait partie des gaz à effet de serre ciblés par le Protocole de Kyoto.
NOTION DE POTENTIEL DE RÉCHAUFFEMENT GLOBAL
La notion de CO2 équivalent (eqCO2) indique le potentiel de réchauffement global (PRG) d’un gaz à effet de serre par rapport à l’unité
de référence CO2. Le PRG est un facteur de conversion qui permet de comparer l’influence de différents gaz à effet de serre sur le système climatique. Il est utilisé pour prédire les impacts relatifs de différents gaz sur
95 %
des vapeurs halogénées administrées aux
patients sont expirées sous forme
inchangée.
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L’ H Ô P I TA L AG I T P O U R L A P L A N È T E
le réchauffement climatique en se fondant sur leurs propriétés radiatives et leur durée de vie.
Dans la plupart des études, la limite de 100 ans est prise comme valeur de référence. Ainsi, le PRG100 du desflurane est de 2 540 (1g de desflurane a le même PRG que 2 540g de CO2), celui du sévoflurane est de 130, et du protoxyde d’azote (N2O) de 265. Les durées de vie dans l’atmosphère du sévoflurane, desflurane et protoxyde d’azote sont respectivement de 1,2 an, 10 ans et 114 ans.
Lorsque le desflurane est utilisé, les émissions de GES liées aux vapeurs halogénées sont plus importantes que l’association de production de déchets et la consommation en énergie au bloc opératoire réunis.
LE DÉBIT DE GAZ FRAIS
Le débit de gaz frais (DGF) désigne un mélange de gaz médicaux délivré en litre par minute (L/
min) au patient. Il est considéré comme bas lorsqu’il est entre 0,5 et 1L/min.
Une partie des gaz expirés peut-être réinhalée lors de la diminution du débit de gaz frais, l’autre partie est évacuée en dehors du circuit
ventilatoire, et l’effluent de vapeurs anesthésiques est éliminé via un système d’évacuation des gaz d’anesthésie (SEGA), lorsque les salles opératoires sont équipées de ce système. Le système SEGA, relié au respirateur, ne permet pas de récupérer l’effluent, mais sert uniquement à dépolluer la salle opératoire en recaptant les vapeurs anesthésiques pour être libérées dans l’atmosphère.
MESURES POUR DIMINUER L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL DES VAPEURS ANESTHÉSIQUES
Pour essayer de diminuer l’impact environnemental de l’anesthésie inhalée, plusieurs axes sont proposés :
Choix de l’agent halogéné. Bien qu’il y ait débat sur une différence cliniquement
significative entre l’utilisation du desflurane ou du sévoflurane, le potentiel de réchauffement global (PRG100) près de 20 fois plus élevé du desflurane signe son impact environnemental véritablement plus important. Par exemple, pour une heure d’anesthésie inhalée avec un débit de gaz frais à 1 litre par minute et une concentration alvéolaire minimale (CAM) à 1 (2 % sévoflurane, 6 % desflurane), les émissions de gaz à effet de serre sont équivalentes à un trajet en voiture de 6,5 km pour le sévoflurane et 300 km pour le desflurane. Le desflurane est à lui seul responsable de 80 % de l’effet de serre lié aux agents anesthésiques inhalés dans le monde, soit 3 millions de tonnes d’eqCO2 par an. L’utilisation du N2O en association avec les halogénés permet de réduire de 50 % la consommation des vapeurs halogénées et de diminuer d’autant le coût d’utilisation.
Toutefois, le coût environnemental d’une telle combinaison reste très élevé, par exemple lorsque le sévoflurane est utilisé en combinaison avec le N2O, son PRG100 est multiplié par 900.
Le N2O à usage anesthésique est
responsable de 6 % du réchauffement global de la planète et de 11 % de la destruction de la couche d’ozone. Le sévoflurane
et le desflurane n’ont pas de pouvoir de déplétion de la couche d’ozone. De par toutes ces
données, les départements d’anesthésie-réanimation tendent de plus en plus à diminuer Lorsque le desflurane
est utilisé, les émissions de GES liées aux vapeurs halogénées sont plus importantes
que l’association de production de déchets
et la consommation en énergie au bloc opératoire réunis.
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voire arrêter l’utilisation du desflurane et du protoxyde d’azote au sein des blocs opératoires.
Ventilation en bas débit de gaz frais. Plusieurs études ont montré qu’une ventilation avec un DGF réglé manuellement à 1L/min diminue de 25 à 35 % les émissions de GES liées aux halogénés en comparaison avec un DGF de 2L/min. L’anesthésie inhalatoire à objectif de concentration (AINOC) est un mode d’administration automatisé des halogénés par lequel l’utilisateur programme une concentration téléexpiratoire cible,
et l’appareil procède à une injection automatique d’agents anesthésiques volatils et d’oxygène en fixant au plus bas le DGF. En comparaison avec un réglage manuel de DGF, le mode AINOC permet de diminuer de 44 % la production de GES et une économie financière de 27 %.
Monitorage de la profondeur de l’anesthésie.
Le monitorage de la profondeur d’anesthésie par l’entropie ou l’index bispectral (BIS™) permet non seulement de titrer la dose d’agents anesthésiques, d’améliorer la récupération postopératoire et de diminuer la morbi-mortalité postopératoire, mais aussi de diminuer jusqu’à 40 % la consommation en halogénés.
Recyclage des vapeurs
anesthésiques. Le système SEGA sert uniquement à dépolluer la salle opératoire des vapeurs anesthésiques en les libérant dans l’atmosphère, sans possibilité de récupération de l’effluent de gaz. Des solutions technologiques de recapture des agents anesthésiques inhalés sont en cours de déploiement sur les marchés occidentaux.
Les gaz anesthésiques récupérés sont soit détruits, soit traités en vue d’une réutilisation.
ALTERNATIVES À L’ANESTHÉSIE INHALÉE Le recours à l’anesthésie locorégionale (ALR)
« green-gional » diminue la production de déchets et réduit la production de GES de 99 % par rapport à une anesthésie générale inhalée.
Pour les chirurgies où le recours à une ALR exclusive s’avère impossible, la possibilité de privilégier une anesthésie intraveineuse exclusive (TIVA) semble être une manière de diminuer la production de GES par non consommation des halogénés. Cette solution n’est pas dénuée d’impact environnemental étant donné que le propofol, principal agent hypnotique utilisé pour la TIVA, est très toxique pour le milieu aquatique dans sa phase
d’élimination.
Toutes les références sont disponibles auprès de l’auteur En 2017, la SFAR et le
C2DS co-éditaient le Guide pratique du développement durable
au bloc opératoire.
Guide pratique