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A. CONTEXTUALISATION DE LA SOCIÉTÉ COLOMBIENNE

2. Les anciennes politiques de démobilisations pour les ex combattantes

combattantes

Après avoir décrypté la situation sociale des femmes en Colombie et les avancées en matière d q i femme -hommes avant 2012, nous allons nous intéresser dans cette partie à la situation des anciennes démobilisées en décrivant les droits affichés pour promouvoir leur réintégration sociopolitique, puis dans un deuxième temps, nous explorerons la nature très « traditionnaliste » des campagnes de démobilisation, qui interrogera finalement le risque maje d n e o l o d e mo al e oci al.

To d abo d, l chelle internationale, la Colombie a signé plusieurs documents et con en ion pa icipan la p omo ion e l incl ion de femme dan la p i e de po oi e de d ci ion a ni ea in i ionnel. No ammen la Con en ion po l limina ion de o e formes de discriminations envers les femmes (CEDAW), qui contient depuis 1997 des articles

ela if la pa icipa ion poli iq e de femme e l limina ion de di c imina ion e igma i a ion de femme dan l e pace p blic e poli iq e.

En 2000, la Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies oblige les états qui fon pa ie de Na ion Unie fa o i e la pa icipa ion poli iq e de femme dan l adop ion de décisions lors de sorties de conflit et de processus de paix. Voici le paragraphe 8 de la résolution 1325 :

Demande o le in e , lo de la n gocia ion e de la mi e en e d acco d de pai , d adop e ne d ma che o cie e d q i en e le e e , en pa ic lie : a) De tenir compte des besoins particuliers des femmes et des filles lors du rapatriement et de la réinstallation et en e d el emen , de la in e ion e de la econ c ion ap le confli ; b) D adop e des mesures venant appuyer les initiatives de paix prises par des groupes locaux de femmes et les processus locaux de règlement des différends, et faisant participer les femmes à tous les m cani me de mi e en e de acco d de pai ; c) D adop e de me e ga an i an la protection et le respect des droits fondamentaux des femmes et des filles, en particulier dans les domaines de la constitution, du système électoral, de la police et du système judiciaire.

D ap le Na ion Unie , a an l adop ion de la R ol ion 1325, 11 % des accords de paix contenaient une référence aux femmes, tandis que depuis le 31 oc ob e 2000 e j q a 1er janvier 2015, 27 % des accords conclus faisaient référence aux femmes. On perçoit donc

un changement, du moins dans la théorie, au niveau de la représentation des femmes dans les accords de paix au niveau mondial. Avant le début des négociations, et entre 2004 et 2008,

l Agence Présidentielle pour l Égalité des Femmes, dénombrait 17 % de femmes parmi les 15

273 personnes démobilisé. e. s, dont la très grande majorité venait des rangs des FARC107. La

sociologue Carolina Vergel Tovar, spécialiste de la Colombie, a réalisé entre 2008 et 2010 des interviews à Bogota sur des anciennes guérilleras, abordant leur démobilisation et les conséquences sur leur vie sociale108. J ai donc ili le l a de on enq e po po oi

m informer sur la mise en place des processus de démobilisation, avant le temps des négociations. Ce q i e donc in e an dan l enq e de l a ice c e q elle mon e la vision que le gouvernement veut véhiculer à propos des démobilisées. Pour cela elle a utilisé plusieurs sources, notamment les récits partisans des femmes démobilisées et les campagnes publiques de démobilisation qui prônent une « l a f mini a ion de l image de la ie ci ile » en créant un « profil type » de femmes démobilisées109. Comme le no e l a ice, le o ce

gouvernementales sur la démobilisation des femmes sont « orientées », car il existe très peu d info ma ion la d mobili a ion de femme pa amili ai e . Alo q e le e ima ion

107 Carolina VERGEL TOVAR, « Entre lutte armée et féminisme : quelques réflexions à propos des femmes

combattantes en Colombie », art.cit., p.245.

108 Ibid. 109 Ibid. p.245.

dénombrent approximativement 12 % de femme a ein de ang de l AUC (40 % pour les FARC)110. De pl , a e d a e o ce , on pe a oi acc a moignage de

femmes relatant leur réincorporation sociale, notamment au niveau de leurs relations de couple et du retour aux comportements traditionnels de la part de leurs compagnons masculins.

Au cours de sa recherche, Carolina Vergel Tovar a donc analysé les campagnes de démobilisations organisées par le gouvernement et la surféminisation affichée, pour une réincorporation « réussie »111. Ap a oi anal diff en pe de o ce , l a ice a

classifié les trois grands aspects du programme de démobilisation proposé par le gouvernement pour les ex-combattantes : la q e ion de l gali homme -femmes, la question de la maternité et le mariage catholique. Lors du processus de démobilisation, les anciennes combattantes peuvent donc se « racheter » aux yeux de la société civile, mais avec l niq e op ion d ne re- ou une surféminisation » et en suivant leur rôle traditionnel de m e e d pouse catholique.

En ce q i conce ne l gali homme -femmes dans les campagnes de démobilisation, le go e nemen e donc oppo l id e d ne mancipa ion de femme pa la iolence politique, en ne faisant pas valoir les compétences acquises au cours de leurs années chez les FARC. Mai o le campagne p bliq e on d c dibili l id e d ne mancipa ion de femme pa le a me , id e p n e pa le g o pe ol ionnai e . L a ice donne ain i l e emple d ne campagne de d mobili a ion go ernementale qui devait toucher les hommes combattants, en utilisant le corps des femmes. Sur la pancarte, des femmes étaient en maillot de bain et le slogan était « démobilisez-vous, ça vous donnera des bénéfices et votre liberté ». On voit donc que le Ministère de la Défense colombien a utilisé le corps des femmes à travers une hyper sexualisation de leurs corps, comme objet de désir pour les combattants et comme moyen de les dissuader de la lutte révolutionnaire. Les femmes sont donc perçues seulement comme un objet de diversion. Ce symbole de la femme-objet est perpétuellement ili pa le go e nemen . Le de i me a pec ele pa l a ice e la q e ion de la ma e ni e o l ili a ion de « l affec ma e nel ». Comme relaté dans les récits partisans, les ex-comba an e e pliq en le echniq e d a o emen ili es au sein de la guérilla, puisque la maternité y était interdite. Elles font état aussi des sévices sexuels

110 Ana María CAMARGO, «Mujer y guerra: una caracterización de los roles femeninos al interior de las filas

armadas del paramilitarismo en Colombia», mémoire en Commerce et Relations internationales, Bogotá D.C, Universidad de la Salle, 2018, p.51.

111 Carolina VERGEL TOVAR, « Entre lutte armée et féminisme : quelques réflexions à propos des femmes

perpétués par les chefs guérilleros. Ainsi, cette politique tend à la fois à la dé-crédibilisation, mais aussi cela sert à orienter la femme colombienne vers la voie « naturelle », lui montrer encore une fois que si elle veut se « racheter » envers la société, elle doit devenir mère. Ainsi, elle reviendra dans la norme, et con olide a l o d e ocial e le appo de gen e traditionnels.

Le mariage religieux est perçu comme le dernier aspect indissociable du processus de « re- féminisation », le Graal ultime, notamment car « l Église catholique est l un des principaux

partenaires institutionnels associés du gouvernement dans la mise en uvre des politiques de DDR »112. Le ma iage e donc l accompli emen d processus » de réintégration au sein de la vie civile. La femme « déviante » est désormais « attachée » à la société, par cette construction identitaire en tant que mère, épouse et croyante. Tout est mis en place pour q elle e d poli i e, q elle loigne p chologiq emen e ph iq emen d chemin révolutionnaire. Dans leurs différents témoignages, les anciennes combattantes démystifient et d con i en le di co de l e de cla e e d gali de gen e hic l pa le g o pe révolutionnaires.

La Résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies de 2000 e d c i e pa l a e e comme « un mandat du gender mainstreaming dans le champ des affaires de la paix et de la

sécurité et dont la mise en uvre ne peut pas devenir qu une politique cosmétique où l on fait figurer les femmes sans leur reconnaître un rôle d importance »113.

Mais malgré les apparences, et à travers différentes recherches, les FARC restent tout de même très attachées à la religion et aux normes sociétales. Par exemple, la sociologue Olga Gon ale e po e la q e ion de pe onne LGBT a ein de FARC, o l homo e ali ai interdite114. L n de moignage ec eilli pa l a ice e pliq e le ca e de ce eje « Nous venons d une tradition très enracinée, paysanne, avec des positions très conservatrices en affaire de m urs La plupart de nos combattantes et de nos combattants proviennent de familles chrétiennes »115. À a e ce moignage d ne commandan e FARC, on ema q e l impo ance e l omnip ence de la eligion a ein m me de FARC. Mai o l impo ance de la no me e de ale c l elle dominan e , m me che ce considérés comme « déviants ».

112 Ibid, p.248.

113 Ibid, p.258.

114 Olga L GONZALEZ, « Colombie : P oce de pai , b e ion d gen e », art.cit., p. 7. 115 Ibid, p. 7

C e ce e o a le de gen e adi ionnel , pa ic li emen dan le ca de homme anciens combattants que la chercheuse norvégienne Ingvild Magnaes Gjelsvik, a rédigé ses travaux116. Grâce à différents témoignages de femmes démobilisées, on app end q ap la

démobilisation, la réincorporation sociale est très compliquée, notamment dans les relations de co ple. Cependan , comme no l a on l p c demmen , le go e nemen e la oci donnent une opportunité aux femmes considérées comme « déviantes », seulement si elles suivent le chemin des rôles de genre traditionnels. Dans son mémoire et autour de ses eche che de e ain, l a e e e pliq e la econfig a ion de le de gen e po démobilisation. Après avoir bousculé, les rôles traditionnels de genre et les stéréotypes féminins, le gouvernement leur demande de se réinsérer dans ces stéréotypes. Dans ces diff en moignage d e -combattantes FARC en voie de réinsertion, celles-ci pointent les inégalités de genre lors du retour à la vie civile entre hommes et femmes. Par exemple dans le ela ion de co ple, pe on i , no ammen ca bea co p d homme a aien ne vie au sein de la guérilla avec des combattantes, mais aussi une double vie dans la vie civile avec femmes et enfants.

Autre aspect intéressant, les guérilleros ont repris leur rôle « traditionnel d homme, c e -à- di e q il e on align le appo de gen e en place dan le oci e q il on mi de c l gali de gen e in a e a ein de FARC. Dan on m moi e, l a ice mon e que ce retour au mode de vie traditionnel a été similaire en Érythrée post conflit, comme ce

moignage d ne e -combattante le décrit :

At first, they did not want to admit it, but after a short while, they preferred girls who had not been fighters. I m sorry to say but this tendency is international. Men like to be in charge. After the war, the fighters (male) had very high status. The last thing men wanted was a demanding wife. In their homes, the parents told them that they must find a kind and suitable wife, a wife to fit in with the rest of the family. They were pressured to live according to traditional society, even though they should have known better. It is very sad117.

Plusieurs autres t moignage d ancienne comba an e de g illa (M19, FARC) acco den ce poin . Elle d noncen l a i de de le cama ade ma c lin q i in g en le no me de gen e de la oci adi ionnelle, a ec le compo emen de l homme dominan . Le retour aux normes de genre traditionnel est donc aussi très fort pour les jeunes garçons et

116 Ingvild MAGNAES GJELSVIK, « Women, war and empowerment : A case study of female ex-combatants in

Colombia », mémoire en études sur la paix, Oslo, University of Troms, 2010.

117 Elise Fredricka BARTH, « Peace as Disappointment. The Reintegration of Female Soldiers in Post- Conflict

Societies: A Comparative Study from Africa », International Peace Research Institute (PRIO), Oslo, 2002, p. 16.

hommes, car depuis leur plus jeune âge ils sont confrontés à ces stéréotypes de la masculinité et du machisme.

Lors du retour dans la vie civile, ces femmes ont du mal à trouver un compagnon, car leur expérience combattante leur a façonné une identité nouvelle et des idées qui ne sont pas en accord avec la société colombienne, particulièrement dans les zones rurales.

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