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7. L’utilisation de l’analyse des réseaux sociaux dans les trajectoires de vie :

7.2 Analyses et comparaisons des tendances des trajectoires

Chaque trajectoire est particulière à la situation de la personne, mais nous dénotons tout de même certaines tendances. Tout d’abord, concernant la qualité des liens des réseaux, nous pouvons relever le fait que le ou les réseaux qui précèdent

« l’événement-clé » semblent se présenter comme étant des réseaux insuffisamment

aidants. En effet, ils ont la particularité d’être principalement composés de contacts perçus comme ayant joué un rôle « négatif » ou « neutre ». Sur l’ensemble de l’échantillon de 10 personnes, seulement 3 semblent avoir un réseau suffisamment aidant à un moment donné dans leur trajectoire, il s’agit de Céline, Roland et Rosalie. Dans la population de la catégorie « itinérance », aucune personne ne semble avoir à un moment donné un réseau suffisamment aidant. Les deux personnes de la catégorie « en logement » qui semblent avoir des réseaux peu aidants sont pour une part, dans une situation où il y a un risque de faire placer son enfant et d’autre part, dans une situation où des agressions sexuelles dans l’enfance continuent à avoir un impact sur leur vie future. Dans la première situation, Sonia ne fait pas appel à son réseau pour l’aider, soit parce que celui-ci est insuffisamment aidant, soit parce qu’elle n’y a pas recours. De plus, pendant les trois moments où elle a encore la garde de son enfant, les contacts (organismes, intervenants, D.P.J., etc.) agissent dans le sens du placement de celui-ci et font augmenter la présence de contacts désignés par le répondant comme étant « négatifs ». Cependant, il est difficile de déterminer avec ce cadre d’analyse si le réseau peut être perçu comme étant insuffisamment aidant du fait d’une rupture de la part de certains membres du réseau ou s’ils font l’objet d’un rejet de la part du répondant ou les deux. Parfois, certains éléments dans les discours nous permettent de connaître les raisons de l’état de la relation familiale ou amicale, mais pas de manière systématique ni suffisamment précise.

Par ailleurs, lorsque la trajectoire présente des expériences de toxicomanie et d’itinérance, il semblerait que la présence de contacts désignés par les répondants comme jouant un rôle « négatif » tend à augmenter durant les « événements-réseau » correspondants. La toxicomanie pourrait être davantage à l’origine de cet effet

puisqu’il semble y avoir une plus grande présence des « fréquentations de

consommation ». L’arrivée à l’itinérance semble avoir un effet sur la qualité des liens

du réseau, puisqu’elle est associée à une augmentation de contacts perçus comme étant « négatifs ». De la même manière, « l’événement-clé » est généralement associé au réseau dont la qualité des relations semble désignée comme étant la plus « négative » de la trajectoire. Après « l’événement-clé », la qualité des relations tend à s’améliorer progressivement. En ce qui concerne la présence des contacts désignés par les répondants comme ayant joué un rôle « négatif », elle suit la même logique pour seulement quatre personnes de l’échantillon, en augmentant jusqu’à

« l’événement-clé » et en redescendant ensuite. Pour les autres personnes, les

trajectoires qui ne suivent pas cette tendance sont généralement associées à un épisode de toxicomanie ou à un bref passage à l’itinérance ou les deux simultanément (Céline et Roland). L’autre processus qui sous-tend les trajectoires qui ne suivent pas la tendance de l’effet de « l’événement-clé » réside dans le fait que pour les trois personnes concernées, la trajectoire du point de vue de la qualité des liens semble suivre une tendance en dents de scie liée aux événements qui viennent déstabiliser la personne. Pour Rémi, cela correspond à une période d’instabilité entre deux périodes stables. La situation de Sylvain est similaire en ce sens que cela correspond aux passages d’un cycle à un autre de plus en plus précaire et pour Marc, cela est associé à ce qu’il vit au moment de l’entrevue — c’est-à-dire qu’il est en risque de se retrouver dans l’itinérance.

En ce qui concerne l’enchaînement des réseaux, nous avons également relevé certaines tendances. S’il n’est pas déjà présent avant l’épisode d’itinérance, le réseau de type amical est identifié après le passage dans la rue et c’est généralement ce type de réseau qui aide une personne à sortir de la rue. Si le réseau amical est présent avant dans la trajectoire, celui-ci n’empêcherait pas l’épisode d’itinérance, mais permettrait de trouver de l’hébergement temporaire. Même si la famille est mentionnée, le réseau de type amical vient généralement avant le réseau complet. Dans le même ordre d’idées, lors de « l’événement-clé », la famille est généralement déjà présente, mais est combinée à un réseau de type sans amis ni fréquentations ou un réseau de

fréquentations. L’exception étant le cas de Roland, qui a commencé sa trajectoire

avec un réseau de type amical, mais la particularité de son cas réside dans le fait que ses rapports avec sa famille apparaissent comme étant perçus de manière principalement « négative ».

En observant les autres trajectoires à la lumière de cette information, nous remarquons que dans la majorité des cas, lorsque la famille comporte davantage de contacts désignés par les répondants comme ayant joué un rôle plutôt « négatif » qu’aidant, les contacts amicaux semblent être davantage présents. Cependant, même si les amis demeurent indispensables pour se sortir de l’itinérance et trouver un hébergement temporaire, la présence de la famille dans le réseau peut permettre de stabiliser la situation (Roland, Chantale). De plus, les fréquentations représentent un obstacle à la stabilisation de l’hébergement. D’un autre côté, même si les amis peuvent apporter du soutien, la famille semble rester indispensable dans certains cas de figure, comme la maladie, la grossesse, les ruptures, les décès, etc. Effectivement, dans ces cas de figure, le manque de la famille ou la composition des contacts majoritairement perçus de manière « négative » viendrait fragiliser davantage le réseau. Aussi, « l’événement-clé » tend à être accompagné d’un réseau de type

fréquentations ou de type sans amis ni fréquentations et cela indépendamment de la

composition des réseaux précédents ou suivants. En effet, il peut y avoir un réseau d’amis précédemment qui n’est pas mentionné à ce moment; la famille peut être présente, mais l’influence de celle-ci sur la suite de la trajectoire dépend notamment de la qualité des liens familiaux. L’exception étant le cas de Roland dont

« l’événement-clé » serait associé à un réseau amical, mais si nous observons sa

trajectoire, au niveau de sa diversité relationnelle, il s’agit de son réseau minimal. Enfin, les contacts en psychiatrie apparaissent généralement lorsque le réseau est

complet (famille, organisme, aide sociale, amis). Pour ceux qui n’avaient pas eu

présence d’amis précédemment, ce type de réseau marque la première mention de relations amicales. Pour Sonia, ce type de réseau marque le retour des amis dans le réseau après « l’événement-clé ».

7.3 Les constats relatifs à la compréhension des dynamiques des trajectoires de