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technopédagogique disciplinaire

Étude 6 - Influence des disciplines sur les modalités dʼinteraction

4. Analyse des rétroactions en ligne

Sur la base du modèle proposé qui se résume par l’utilisation de quatre questions pour analyser les rétroactions (Qui sont-ils ? Que savent-ils ? Comment apprennent-ils ? Qu’ont-ils appris ? ), nous avons comparé les deux séquences d’enseignement proposées en ligne pour enseigner la communication non verbale (annexe 8).

4.1 Cas des régulations pour le cours de ER (FIAL)

Pour la séquence analysée, l’enseignante nous dit dans un premier temps « il y a uniquement un forum en communication asynchrone. Tu me demandais ce que savent les étudiants et comment sonder leurs représentations, ce forum servait à ça ». Elle estime par ailleurs que le forum possède une certaine valeur d’interaction c’est-à-dire que sur une échelle d’interactivité de 0 à 10, elle a tendance à placer les interactions apprenants/ ordinateur à 1 (exercice avec son corrigé) les échanges écrits asynchrones entre les apprenants et elle à 7 (forum) et les échanges synchrones oraux à 9 (visioconférence). Pour la question Qui sont-ils ?, l’enseignante exprime fort à propos la difficulté particulière de l’enseignement à l’université et encore plus en ligne. Au moment de préparer le cours, elle ne connait ni le nombre des étudiants, ni leur profil. De plus, le cours concerne des étudiants vietnamiens, profils qu’elle ne connait pas a priori. Dès qu’elle le peut, elle consulte sur son bureau virtuel les fiches des étudiants ce qui lui permet de collecter des

informations sur les filières où sont inscrits les étudiants ainsi que sur leurs parcours. Elle regarde la proportion des étudiants qui viennent de tel ou tel master ainsi que ceux qui ont pris le cours en option ou non. Enfin, elle dit se baser sur son expérience et sur le profil des étudiants des années précédentes.

Pour la question Que savent-ils ?, elle essaie toujours de connaître la place du cours dans le programme. Elle regarde si les étudiants ont des cours similaires dans les autres langues et elle en regarde le poids (nombre de crédits). Pour cette séquence d’enseignement, elle a pris le parti que les étudiants n’ont pas ou très peu de connaissances sur les moyens de communication orale et qu’ils n’ont pas de connaissances sur la communication en entreprise. Elle prend aussi en compte le fait que les étudiants ont des degrés très différents de maitrise du français : beaucoup n’ont pas le français comme première langue. Elle évite donc les documents avec des utilisations syntaxiques trop complexes et elle adopte également un discours clair et pas trop complexe.

Pour la question Comment apprennent-ils ?, elle regarde essentiellement les statistiques liés à la plateforme qui donnent des informations sur le Comment les étudiants ont-ils réalisé les exercices ? (erreurs, essais). Elle suit également les échanges entre les étudiants sur les forums de groupe. Pour elle, cela donne des informations sur les relations entre les étudiants et la formation : leur manière de s’organiser, de s’impliquer, le temps qu’ils mettent pour faire les exercices.

Enfin pour la question Qu’ont-ils appris ?, elle vérifie que la notion de communication non verbale est bien apprise par des tâches d’analyse d’une situation en communication orale. À ce stade de l’analyse, ER semble exploiter ces questions qui lui permettent de collecter différentes informations sur l’apprentissage des étudiants. Toutefois, elle reconnait que les informations ainsi collectées ne permettent pas un changement de la séquence dans l’immédiat : « Le problème d’un cours comme ça, complètement à distance, c’est que tu prépares beaucoup à l’avance et ce n’est pas facile d’intégrer dans la séquence suivante, s’il y a eu un forum, si les étudiants se sont exprimés, ce n’est pas facile d’adapter comme tu pourrais le faire au cours en présentiel le cours suivant en fonction de ce qui a été dit par les étudiants deux, trois jours auparavant ».

Cela dit, malgré cette contrainte, elle envoie un message hebdomadaire aux étudiants. Dans lequel elle attire l’attention sur de nouvelles informations et où elle en précise d’autres, si nécessaire.

Dans le tableau synoptique, nous pouvions voir des interactions comme : consigne, explication, rétroaction, modération d’un forum et synthèse des échanges. Chaque tâche est effectivement introduite et expliquée oralement par vidéo. On note donc une progression séquentielle de l’enseignante. Elle propose des consignes régulières qui anticipent les tâches. L’étudiant doit également laisser des productions comme des messages sur un forum, un texte de synthèse, des exercices de compréhension. Ceci sert à l’enseignante de traces à propos des apprentissages. Pour évaluer les compétences orales des étudiants, elle prévoit régulièrement des échanges synchrones en visioconférence dans des activités de groupe ou en individuel.

4.2 Cas des régulations pour le cours de VR (ESPO)

VR a l’impression a priori qu’il n’y a pas d’interaction pour le cours en ligne.

Pour la question Qui sont-ils ?, de manière pragmatique, l’enseignante est partie du principe que les étudiants en ligne étaient comme ceux du présentiel mais avec plus de maturité et une expérience professionnelle (N.B. : le cours se donne en formation

continue). Cela dit, au moment de corriger le premier travail, elle a été tentée d’en savoir davantage sur eux pour individualiser les commentaires. Puis, elle a plutôt fonctionné comme dans une révision d’un texte scientifique à l’aveugle où l’on note dans le texte ligne après ligne, des commentaires sans être influencé par des considérations personnelles. Pour elle, c’est aussi une manière de se protéger. En effet, ne disposant vraiment pas de temps pour s’investir comme elle le souhaiterait dans la relation avec les étudiants en ligne, elle exprime ceci « si je sais qui sont mes étudiants, je serais un peu proactive en disant, en faisant des envois sélectionnés en fonction de tel ou tel profil, en disant, faites attention à tel chapitre, ça peut vous intéresser. (…) Or je ne peux pas en fonction du temps. Je n’ai pas le temps ». Maintenant ce n’est pas non plus l’anonymat complet. En effet, il y a eu une rencontre informelle avec certains étudiants lors d’un repas convivial et des échanges de mails personnalisés avec certains.

Pour la question Que savent-ils ?, elle exprime ne pas vraiment faire de coup de sonde au préalable. Par contre, elle vérifie si la notion est comprise au travers des travaux écrits. Elle regarde si la notion est visible ou non, dans l’analyse que l’étudiant présente. À ce niveau, le statut de la communication non verbale est un bon exemple. Cette notion est enseignée sans emphase particulière au travers de lectures. Du coup, elle remarque que les étudiants ne captent pas directement son importance. Ils analysent des négociations sans avoir beaucoup d’éléments sur cette notion. Grâce aux analyses de cas, elle peut donc voir ce qu’ils savent et s’ils ont saisi l’importance de la notion même si cette dernière ne tient qu’une petite place dans le cours.

Pour la question Comment apprennent-ils ? VR se base sur des exercices et des travaux. Les exercices (QCM avec corrigé) permettent de tester la compréhension des apports théoriques. Toutefois, ce sont les travaux une nouvelle fois qui permettent de collecter des informations à ce niveau. En effet, entre la lecture et l’effort que les étudiants font pour rédiger l’analyse de cas, « il y a un effort de construction où tout se met en place ». De même, les travaux lui permettent de confirmer (ou non) ce « qu’ils ont appris ».

À ce stade de l’analyse VR semble exploiter un maximum les travaux des étudiants pour collecter des indices sur leur apprentissage. De plus, ils lui permettent de réfléchir à la manière dont elle aborde la notion. Comme pour ER, les informations collectées ne lui permettent pas d’opérer un changement immédiat dans son dispositif. Mais au moment où nous en parlions, elle avait déjà un certain nombre d’idées nouvelles pour utiliser davantage des images ou des phrases qui interpellent.

Dans le tableau synoptique, nous pouvions voir comme interaction des consignes (une fois au démarrage de la séquence), explications, des corrections automatisées des exercices et surtout un retour sur le travail d’analyse. La plupart des interactions se déroulent de manière asynchrone.

4.3 TRC en ligne

Nous avons observé les deux cours et la manière dont les régulations étaient menées pour guider les différents apprentissages. Le tableau de synthèse (tableau 2) reprend la typologie des techniques de rétroaction (Bachy et Lebrun, 2009) au regard de ces deux dispositifs en ligne. Il semble que les enseignants peuvent combiner l’enseignement en ligne avec des TRC pour collecter des indices de l’apprentissage des étudiants.

Tableau 2 - Synthèse des analyses de cas

TRC Français en entreprise Négociation internationale Qui sont-ils ? Fiches individuelles et profils

des étudiants des années antérieures

Étudiants en présentiel Couriels

Rencontre informelle Que savent-ils ? A Priori sur le niveau en langue

et connaissances antérieures sur cette notion

Place du cours dans le programme (liens éventuels)

Travail - compréhension de la notion

Comment apprennent-ils ?

Statistiques des exercices (erreurs, essais)

Perceptions des étudiants sur leur implication, leur

organisation...

Travail - construction de la notion au travers de lʼanalyse

Quʼont-ils appris ? Travail dʼanalyse dʼune situation en communication orale et présentation orale

Travail dʼanalyse dʼune

négociation internationale où la notion doit/peut être utilisée pour expliquer certaines choses

D’un point de vue disciplinaire, on peut voir que les deux enseignantes favorisent différents types de rétroactions et cela à différents moments dans leur cours. Par contre, leur profil personnel ressort également très bien dans la manière tantôt didactique, tantôt scientifique avec lequel elle collecte les informations.

5. Conclusion

Cette étude basée sur le modèle de Lebrun (2002b) et la démarche de scénario pédagogique permet d’approcher la réflexion pédagogique des enseignants en ce qui concerne l’apprentissage. Par rapport à un contexte en classe, les deux enseignantes expriment une limite dans l’enseignement en ligne. En effet, il est difficile d’ajuster d’une séquence à une autre le contenu d’enseignement sur la base des interactions avec les étudiants. Les séquences étant préparées à l’avance, la seule possibilité envisagée par ER et VR est de poster chaque semaine un message reprenant les informations/ ressources, activités ou productions nécessaires pour assurer un apprentissage.

Les deux enseignantes ne sont pas non plus forcément à l’aise avec les contraintes technologiques. Spontanément ER considère que les échanges réels restent les meilleurs. Dans l’environnement en ligne elle souhaite mélanger différents modes d’interaction et différents outils. De son côté, VR considère qu’il n’existe pas d’interactions en ligne même si par la suite elle reconnait avoir des échanges écrits avec les étudiants.