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4   ANALYSE 70

4.6 Analyse des résultats 83

Croissance soutenue; voici deux mots qui peuvent sembler rejoindre des objectifs différents, mais qui doivent dorénavant être liés lorsqu’il est question de l’agriculture de demain, ou plutôt d’aujourd’hui, car demain semble déjà trop loin. Tel qu’illustré et expliqué tout au long de cet essai, un changement dans l’agriculture est incontournable pour assurer la durabilité des pratiques agricoles et leurs capacités à nourrir 9 milliards d’humains d’ici 2050 en dépit des changements climatiques. Le besoin d’augmenter la productivité est indéniable, mais une simple hausse de rendement des cultures ne suffit pas, car croître de façon durable n’est plus une option, mais une obligation. Il devient évident que tout système qui dégrade l’environnement qui le supporte, aussi productif soit-il dans le présent, court inévitablement à sa perte. Les petits agriculteurs des pays en développement, qui pratiquent le plus souvent une agriculture de subsistance représentent un terreau fertile pour l’instauration d’une agriculture durable permettant d’augmenter leur productivité. Une nette démarcation a été obtenue lors de l’analyse, la performance totale de la biotechnologie s’est chiffrée à -31 alors que les agricultures alternatives ont atteint une performance de 103 points. Sans équivoque, les modes d’agriculture alternatifs semblent mieux adaptés que la biotechnologie en tant que système agricole durable pouvant répondre aux besoins alimentaires futurs et convenir aux petits agriculteurs. Ils représentent donc une option fort intéressante pour permettre aux petits paysans des PED d’augmenter leur production tout en leur assurant une pratique qui ne mettra pas en péril leur environnement et les services écosystémiques soutenus par celui-ci. Les modes d’agriculture alternatifs représentent une panoplie d’approches, certaines plus strictes comme l’agriculture biologique, d’autres plus souples et néanmoins rigoureuses comme l’agroécologie, cette

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vaste gamme de possibilités permet d’adapter le mode de production aux différentes réalités rencontrées, que ce soit au niveau du marché, de la disponibilité des ressources, etc.

L’analyse a démontré que la performance des agricultures alternatives face aux différents enjeux est incontestable. En plus de se démarquer quant aux dimensions environnementale, sociale et économique, qui sont les trois piliers de base du développement durable, en comparaison avec les biotechnologies, les modes d’agriculture alternatifs semblent également être les plus aptes pour atteindre la sécurité et la souveraineté alimentaire. Les doutes qui subsistent quant à l’adoption de ces modes d’agriculture concernent la capacité de produire suffisamment de nourriture pour nourrir les humains qui peupleront la terre en 2050 à raison d’un peu plus de 9 milliards de bouches. Bien que ces inquiétudes soient compréhensibles, elles ne sont pas pour autant justifiables. Prenons l’agriculture conventionnelle et l’agriculture utilisant la biotechnologie, ce sont là deux types de production massive qui ont permis d’accroitre la productivité des récoltes. Cependant, cette performance a ses limites comme le démontre le ralentissement observé dans la hausse de productivité qui a suivi la révolution verte, ou la hausse de productivité que permet la biotechnologie, mais qui peut-être de courte durée en raison de l’apparition de plantes et d’insectes résistants. D’autre part, tel que discuté précédemment, ce type de production est achevé non sans coûts sociaux et surtout environnementaux, qui avec le temps risquent de résulter en une perte de productivité. La dégradation des terres, qu’occasionnent certaines pratiques agricoles, en est un bon exemple. Celle-ci peut s’avérer très coûteuse en terme de production, en Afrique de l’Ouest, la compaction des sols a fait chuter la productivité de 40 à 90 % (Kayombo et Lal, 1994). La consommation d’eau et la dégradation des cours d’eau en raison de l’usage de produits agrochimiques sont d’autres externalités de ces modes d’agriculture qui en bout de ligne occasionneront une réduction de leur productivité. L’aspect des GES est également primordial, car bien que l’agriculture subit fortement les contrecoups des changements climatiques, elle en est également responsable (à raison de 30 % des émissions de GES), (ONU Department of Economic and Social Affairs, 2011). Il semble évident qu’à long terme, d’un point de vue environnemental, l’agriculture conventionnelle court à sa perte et que l’avènement des biotechnologies ne propose pas de solutions efficaces à cet égard.

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Par ailleurs, les petits agriculteurs qui pratiquent un mode d’agriculture de subsistance dominent le monde agricole des PED en terme de représentativité (ibid.). Ce sont non seulement ceux qui souffrent le plus de la pauvreté, mais ils sont également les plus menacés par la dégradation de leurs écosystèmes (ONU Department of Economic and Social Affairs, 2011), il est donc d’autant plus important pour eux d’opter pour une approche durable de l’agriculture qui leur permettra d’améliorer leur productivité tout en protégeant leur environnement. Selon l’analyse, c’est ce qu’offrent les agricultures alternatives. Or, une grande partie de la littérature scientifique soutient également ce point de vue et confirme que les productions de petites échelles sont celles qui offrent les meilleurs rendements chez les petits agriculteurs des PED (ONU, 2011b) et comme le souligne Altieri (2008), les petits systèmes de production agricoles diversifiés ont des avantages significatifs par rapport aux monocultures de grandes échelles en terme de productivité (avec des rendements de 20 à 60 % supérieurs), ainsi qu’en terme de diversification de l’offre et de protection de l’environnement.

Les doutes quant à la hausse de productivité que peut entraîner les agricultures alternatives dans les PED ne devraient donc plus être un obstacle à leur implantation. Les agricultures alternatives semblent donc être la voie que devraient emprunter les petits agriculteurs pour intensifier leur production de façon durable et ainsi assurer leur sécurité alimentaire actuelle et future.

À la lumière des informations recueillies au cours de cet essai et suite aux résultats de l’analyse une question se pose; Est-ce qu’une alliance entre les agricultures alternatives et la biotechnologie ne pourrait-elle pas être bénéfique? À première vue, il est vrai qu’il semble intéressant de coupler les avancements que permettent ou promettent la biotechnologie aux avantages que procure l’application d’une agriculture plus durable comme ce que propose les modes alternatifs. Certaines innovations comme le coton BT ou les plantes résistantes à la sécheresse pourraient s’y prêter et permettre la pratique d’une agriculture moins dommageable pour l’environnement avec les avantages que propose la biotechnologie. Cependant, il existe un envers à cette médaille qui peut paraître à première vue bien reluisante, soit le monopole qu’exercent les grandes entreprises multinationales de biotechnologie et leur impact sur la gouvernance dans les PED. L’implantation souhaitable

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de politiques prenant en considération la conservation des ressources que procure un environnement équilibré et le bien-être de la population pourrait souffrir grandement de cette alliance en accordant la priorité aux intérêts étrangers des grandes entreprises de biotechnologie. Donc à moins que le secteur public ne parvienne à innover dans la sphère de la biotechnologie, le mariage entre ces deux approches agricoles n’est pas souhaitable.

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