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Analyse de la principale voie de signalisation touchée par la suppression de PRDM6

4.10 Analyse de l’expression génique après suppression du gène PRDM6 dans la lignée cellulaire

4.10.3 Analyse de la principale voie de signalisation touchée par la suppression de PRDM6

Le logiciel IPA permet aussi d’analyser les principaux réseaux touchés par la suppression du gène PRDM6 dans la lignée cellulaire SKOV3. Une des voies de signalisation cellulaire la plus touchée par la suppression de PRDM6 est la voie Wnt/β-catenin (Figure 23). Comme on peut le voir, certains gènes clés de cette voie de signalisation sont sousexprimés lorsque dans les lignées cellulaires n’exprimant pas PRDM6. Parmi ces gènes on dénombre, entre autre, la Cadherin, Wnt et TGF- β.

Figure 23 : Voie de signalisation Wnt/β-catenin après analyse de sousexpression (2-fold).

Les gènes marqués de vert sont sousexprimés.

5.0 Discussion

En 2012, le cancer ovarien était le cinquième cancer le plus meurtrier au Canada (1). Ceci est généralement attribué au diagnostic tardif explicable, dans la plupart des cas, par le manque de spécificité des symptômes, les différents histotypes de la maladie et l’absence de marqueur diagnostique pour ne nommer que ceux-là (41, 42). Le diagnostic tardif contribue fortement au faible taux de survie après diagnostic observé pour ce cancer. Par conséquent, il est primordial de connaitre les bases moléculaires de l’initiation et de la progression tumorale afin de contrer cette maladie mortelle.

L’importance de la dérégulation épigénétique a déjà été confirmée comme étant un acteur important dans l’initiation et la progression tumorale du COE (59-62). Ainsi, ces dérégulations pourraient s’avérer être d’excellents biomarqueurs qui pourraient être utilisés pour évaluer le risque individuelle de chaque patiente ou encore détecter le cancer ovarien à un stade précoce (107, 108, 110, 111, 115, 116). La raison pour laquelle on accorde autant d’importance à la dérégulation épigénétique est qu’elle est intimement liée à la dérégulation de l’expression génique. Les changements épigénétiques influent notamment sur la modulation et la structure de la chromatine, la répression ou la stimulation transcriptionnelle ou encore l’inactivation du chromosome X par exemple.

Les changements épigénétiques les plus fréquemment rencontrés sont la régulation par miARN, la modification des histones et la méthylation de l’ADN (63). Deux phénomènes peuvent se produire pour modifier la méthylation soit l’hypométhylation de la région promotrice du gène qui est une baisse du niveau normal de la méthylation entrainant généralement une augmentation de l’expression du gène ou l’hyperméthylation de la région promotrice du gène qui, à l’inverse, est une augmentation du niveau normal de la méthylation entrainant généralement une diminution de l’expression génique (61, 90, 91). La présente étude visait à identifier des gènes pouvant avoir un rôle dans l’initiation et la progression du COE étant surexprimées dans ce dernier suite à l’hypométhylation de leur région promotrice.

Nous avons utilisés les résultats générés par une analyse de la méthylation de l’ADN par «Methylated DNA Immunoprecipitation» (MeDIP) couplé à une micropuce spécifique aux ilôts CpG humains afin d’identifier les gènes hypométhylés dans le COE. Nous avons identifié le gène PRDM6 comme gène potentiellement hypométhylé dans ce type de cancer. Ce gène est membre de la famille PRDM constitué de 17 gènes à ce jour (135). Cette famille de méthyltransférases d’histones suscite un grand intérêt puisqu’il a été démontré que les gènes en faisant parti ont une implication dans la différenciation cellulaire et semblent être impliqués dans plusieurs maladies chez l’homme (135). En particulier, PRDM6 aurait la capacité d’inhiber la différenciation cellulaire des cellules musculaires lisses permettant une augmentation de la prolifération cellulaire (141).

Inversement, il semblerait avoir un rôle de répresseur de la prolifération, de la survie et de la différenciation chez d’autres types de cellules (142). Dans un cas comme dans l’autre, la possible hypométhylation de la région promotrice de PRDM6, pouvant entrainer la surexpression du gène dans le cancer ovarien épithéliale, pourrait influencer le potentiel carcinogénétique des tumeurs.

Dans le cadre de cette étude, nous avons d’abord tenté de confirmer l’hypométhylation du gène PRDM6 qui avait été identifié par l’analyse MeDIP. L’îlot CpG 121 a été choisi pour cette analyse puisque l’analyse précédente semblait indiquer une hypométhylation significative dans tous les stades et grades de la maladie (Figure 7). Cependant, il semblerait qu’il n’y ait aucune différence entre le niveau de méthylation de cet îlot CpG dans les échantillons de tumeurs ovariennes comparativement aux échantillons de tissus normaux (Figure 8 et Figure 9).

L’analyse de l’expression protéique de ce gène a démontré qu’il était surexprimé dans les échantillons de tumeurs de COE comparativement aux tissus normaux (Figure 10) ce qui nous a incité à continuer nos études sur ce gène. Nous voulions savoir s’il avait un impact significatif sur la survie des patientes dont le cancer exprime fortement la protéine PRDM6. Bien que les résultats obtenus ne soient pas significatifs, nous avons observé qu’il existait une tendance associant une baisse de la survie des patientes à la surexpression de la protéine (Figure 11). Ce résultat ne remet pas en cause l’importance que pourrait avoir la surexpression de PRDM6 dans le COE puisque la survie n’est pas le seul élément intéressant à étudier dans le cas du cancer ovarien. En effet, il est possible que ce gène soit impliqué dans d’autres processus oncogénique qui n’influencent pas directement la survie des patientes. Étant donné qu’il semble y avoir une tendance, si l’on procède à la même analyse avec un échantillonnage plus imposant, peut-être serait-il possible d’observer une différence significative de la survie chez les patientes dont le COE exprime fortement PRDM6.

La famille PRDM est présentement étudiée pour son rôle dans la différenciation cellulaire influençant plusieurs maladies chez l’homme (135). Plus particulièrement, il a été démontré que PRDM6 avait une influence sur la prolifération cellulaire (141) et c’est une des raisons pour laquelle nous avons décidé d’approfondir notre étude sur ce gène même si nous n’avons pas pu confirmer le lien entre le niveau de méthylation du promoteur de ce gène et son expression. Puisque nous avons déterminé que PRDM6 était surexprimé dans le cancer ovarien, nous avons supposé qu’il possédait probablement un rôle oncogénique. Par conséquent, la diminution de l’expression de ce gène devrait générer un impact négatif sur la capacité des cellules à proliférer, migrer et envahir. Nous avons décidé de diminuer l’expression de PRDM6 dans la lignée cellulaire du cancer de l’ovaire SKOV3 par interférence à l’ARN (Figure14) ce qui réduira par la même occasion l’expression de la protéine (Figure 15). La lignée cellulaire SKOV3 a été immortalisée à partir de cellules d’ascites d’adénocarcinome et

est connue comme étant chimiorésistante. SKOV3 est un bon modèle d’étude du cancer de l’ovaire puisque les ascites sont présentes dans les stades avancés de la maladie.

Nous avons sélectionné deux clones cellulaires dont l’expression de PRDM6 a été grandement réduite. Nous avons observé une tendance à la diminution du temps de doublement des deux lignées comparativement à la lignée contrôle (Figure 16). Cependant, cette diminution n’est pas significative. Par conséquent, il semblerait que la diminution d’expression de PRDM6 n’influence pas la prolifération cellulaire dans la lignée cellulaire SKOV3.

Nous avons aussi décidé d’analyser le potentiel métastatique des différentes lignées en effectuant le test de formation de colonies. Ce test permet d’observer la capacité de cellules individuelles de s’attacher au pétri et de proliférer au point de pouvoir former une nouvelle colonie de cellules. La suppression de PRDM6 a entrainé une diminution significative de ce potentiel métastatique. Ce résultat va dans le même sens que la diminution du temps de doublement observé précédemment. En effet, si les cellules ont tendance à se diviser plus lentement, il est moins probable que l’on puisse observé une colonie. De plus, si la diminution de l’expression de PRDM6 entraine une diminution d’expression de certaines protéines membranaires nécessaires à la formation de métastase ce résultat observé est tout à fait attendu.

Même si une cellule est capable de former une colonie distincte à elle seule dans un pétri, cela ne veut pas dire qu’elle pourra, dans l’organisme, générer une métastase. En effet, une fois qu’une cellule cancéreuse est capable de se détacher de la tumeur primaire elle doit encore détruire la matrice extracellulaire, migrer, envahir les vaisseaux lymphatiques et/ou les vaisseaux sanguins, éviter le système immunitaire, éviter l'anoïkis, adhérer à l'endothélium pour sortir de la circulation, proliférer et induire l'angiogenèse. Les essais sur chambre de Boyden permettent d’analyser la capacité d’une cellule de migrer ou d’envahir par elle-même. Pour l’analyse de la migration, nous avons déterminé que la suppression de l’expression du gène PRDM6 diminuait la migration des cellules de façon significative. Ce résultat concorde avec tout ce que nous avons analysé précédemment. Nous avons aussi procédé à l’analyse de l’invasion cellulaire où les cellules doivent traverser une couche de Matrigel qui simule la matrice extracellulaire. À l’instar de l’essai de migration, la baisse de l’expression de PRDM6 entraine une diminution significative de l’invasion cellulaire. Cependant, il semblerait que le clone 3C5 X4 ait une diminution de l’invasion cellulaire significativement plus élevé que celle du clone 1C5 X1. La méthode de suppression de gènes par l’utilisation de shARN nécessite que ce dernier s’insère dans le génome de façon aléatoire. Il arrive parfois que le shARN interfère avec certaines voies de signalisation dans la cellule et c’est ce qui pourrait expliquer la différence observée lors du test d’invasion cellulaire.

Nous avons aussi soumis les lignées cellulaires à un test de sensibilité à deux agents chimiothérapeutiques communément utilisés dans le traitement du cancer ovarien soit le cisplatin et le paclitaxel. La suppression de PRDM6 ne semble pas avoir d’impact positif ou négatif sur la sensibilité des lignées cellulaires utilisées face à ces médicaments.

Les données présentées précédemment suggèrent que la suppression de PRDM6 dans les cellules du cancer de l’ovaire n’a pas d’influence significative sur le temps de doublement. Cependant, elle influence négativement la formation de colonies, la migration et l’invasion cellulaire sans toutefois influencer la réponse aux agents chimiothérapeutiques comme le cisplatin et le paclitaxel. Nous avons décidé de procéder à une étude d’expression génomique des lignés cellulaires CTRL C7, 1C5 X1 et 3C5 X4 afin de déterminer les principales voies de signalisation touchées par la suppression de PRDM6.

Lorsque l’on analyse la liste non exhaustive de gènes séparés en catégories de fonctions biologiques (Tableau 3), on observe premièrement une quantité de gènes sousexprimés plus importante. Cette différence est particulièrement marquée dans les catégories de la transcription de l’ADN, du cancer ovarien et des métastases. Par conséquent, la baisse de l’expression de l’ARNm de PRDM6 semble diminuer l’expression de gènes permettant aux cellules cancéreuses de former des métastases. Ceci est d’ailleurs en accordance avec les résultats obtenus lors des études fonctionnelles ayant été effectuées précédemment. Dans cette liste de gènes, nous pouvons observer la présence de certains gènes étant déjà reconnu comme étant oncogénique dans le cancer ovarien : BMP7 (148), CLU (149), FOS(150), IGFBP2 (151), MECOM (152), mais aussi certains qui sont plutôt connus dans d’autres cancers : IGFBP7 (153), MALAT1 (154), PPAP2B (155). Il semblerait que la baisse d’expression de PRDM6 entraîne la diminution d’expression d’oncogènes qui, jusqu’ici, n’avaient jamais été observés dans le cancer ovarien. Cette découverte est intéressante, car elle tend à démontrer le rôle de régulateur qu’a PRDM6 sur plusieurs oncogènes illustrant une importance marquante de ce gène dans le COE.

Par la suite, nous avons décidé d’effectuer deux réseaux géniques spécifiques. Le premier a été effectué en utilisant les gènes surexprimés tandis que le second regroupe les gènes sousexprimés. On peut observer que le réseau génique pour la sousexpression est plus imposant que le réseau surexprimé ce qui concorde avec les observations effectuées au niveau des listes de gènes non exhaustives. Ces réseaux permettent de mettre en évidence les principales interactions entre les différents gènes dont l’expression varie entre les lignées dont l’expression de PRDM6 est diminuée et la lignée contrôle.

Pour ce qui est du réseau de gènes étant surexprimées (Figure 21) suite à la baisse d’expression de PRDM6, on peut voir que le gène à son centre est IL8. L’expression élevé de l’interleukine-8 est bien connu dans le cancer ovarien comme étant associé à un mauvais pronostic chez les patientes (156). Il est surprenant d’observer ce phénomène puisqu’il entre en contradiction avec les résultats obtenus lors des expériences précédentes. Il est possible que la surexpression génique d’IL8 soit trop faible pour pouvoir avoir des répercussions phénotypiques sur les lignées cellulaires.

Pour ce qui est du réseau de gènes étant sousexprimées (Figure 22) suite à la baisse d’expression de PRDM6, on peut observer qu’il n’y a pas qu’un gène central, mais plutôt trois soit CDH1, EGR1 et FOS. Le rôle de CDH1 est encore controversé dans le cancer ovarien. Certaines études le propose comme étant un oncogène comme celle effectuée dans la lignée cellulaire SKOV3 a permis de déterminé que l’inhibition de CDH1 diminuait la croissance et la prolifération cellulaire (157) tandis que d’autres lui confère un rôle de tumeur suppresseur (158). Notre étude semble plutôt supporter la thèse du rôle d’oncogène de CDH1. EGR1 est connu dans le cancer ovarien comme étant un marqueur pronostic (159). Il semble aussi jouer un rôle important dans le processus d’invasion cellulaire (160) ainsi que dans la résistance des tumeurs au paclitaxel (161). FOS est, quant à lui, connu comme ayant des propriétés oncogéniques dans le cancer ovarien. En effet, plusieurs études démontrent l’implication de ce gène dans la prolifération et la formation de colonies (152) et est étudié comme potentielle cible thérapeutique afin de diminuer la croissance cellulaire des cellules tumorales (162). Les gènes centraux dans le réseau génique sousexprimé ont tous déjà été étudiés dans le contexte du cancer ovarien. De plus, ce sont des gènes ayant des propriétés oncogéniques. La baisse d’expression de PRDM6 entraîne, directement ou non, une diminution de l’expression de ces oncogènes. Ceci concorde avec les résultats obtenus lors des analyses fonctionnelles et renforce la possibilité du rôle important de PRDM6 dans le COE.

Finalement, le logiciel IPA permet aussi d’obtenir une représentation graphique des voies de signalisation cellulaire touchées par la modulation génique de PRDM6. La voie qui semblait être la plus touchée lors de nos expériences était la voie Wnt/β-catenin (Figure 23). En effet, on peut voir que l’expression des principales protéines (Cadherin, Wnt et TGF-β) permettant l’initiation de la voie de signalisation diminue lorsque l’expression de PRDM6 est à la baisse. Cette voie de signalisation est bien connue dans le cancer ovarien. Il a été démontré que plusieurs molécules en aval de cette voie de signalisation moléculaire étaient associées à l’invasion cellulaire (163) et l’activation de cette voie promeut la prolifération cellulaire dans ce cancer (164). Ce résultat renforce l’importance du gène PRDM6 dans le COE et concorde aussi avec les résultats des études fonctionnelles.

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