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Analyse des pratiques sociales de quelques professionnels proches de la chimie

Dans ce chapitre, nous allons essayer de repérer "le savoir caché dans l'agir

professionnel" (Schön A.S., 1994, p. 83), dans les pratiques qui pourraient être utilisées pour

pallier l’absence de référent empirique dans l’enseignement scolaire.

Nous tenterons de distinguer ce qui dans les pratiques peut être montré et qui constitue un référent factuel ou instrumental absent des salles de classes, ce qui peut être commenté par les professionnels eux−mêmes et qui constitue un savoir valide dont parfois les enseignants ne disposent pas eux−mêmes ; ce qui dans les discours de ces professionnels devra être "repris", modifié par l'enseignant pour éviter que s'installent des savoirs trop approximatifs, pour clarifier, reformuler, préciser ; enfin ce qui dans leurs discours est incompatible avec le savoir institutionnalisé et qui devra être fondamentalement discuté et restructuré.

Par ailleurs, la faisabilité du projet qui nécessite la coopération des professionnels sera testée en les interrogeant d'une part sur leur conception de l'apprentissage, la façon dont ils envisageraient leur participation, mais aussi sur la perception qu'ils ont de leur impact sur l'environnement, dans la mesure où l'éducation à la protection de l'environnement nous parait un objectif de la plus haute importance.

1 Les entretiens avec les professionnels et l'analyse de leurs discours

1–1 Les entretiens

Nous avons effectué deux entretiens semi–directifs (un entretien exploratoire et un entretien d’approfondissement) enregistrés avec les mêmes professionnels et pour chacune des pratiques sociales choisies.

– des pratiques sociales accessibles : elles sont courantes dans le milieu de l'élève et leur accès lui est relativement facile ;

– des pratiques sociales en relation avec les programmes : elles sont proches des contenus des programmes d’enseignement de la chimie au collège.

− des pratiques sociales susceptibles de générer un grand nombre de référents : elles peuvent être sollicitées pour l'illustration de nombreuses notions (forgeron−orfèvre).

En fonction de ces critères, nous avons identifié dix pratiques sociales composées de six pratiques artisanales (forgeron−orfèvre, charbonnier, chargeur de batterie, salinier, savonnier et bouilleur), d’une pratique industrielle (plasticien), d’une pratique domestique (cuisinière), et de deux pratiques techniques (technicien des eaux de consommation et technicien des eaux minérales dont le statut est différent des autres).

L’articulation de ces pratiques avec les programmes d’enseignement est indiquée dans le tableau suivant :

Classes Pratiques sociales Thèmes des programmes 1− forgeron

réaction chimique simple, combustion, problèmes de l’environnement

2− charbonnier

combustion (complète et incomplète), combustibles (bois, charbon), l'air et l'oxydation, problèmes de l’environnement 3− technicien de laboratoire d'analyse des

eaux de consommation

mélanges (séparation), problèmes de l’environnement

7ème

4− technicien de laboratoire d'analyse des eaux minérales

mélanges (homogènes et hétérogènes) problèmes de l’environnement

3− technicien de laboratoire d'analyse des eaux de consommation

eau (pure), techniques expérimentales (analyse, séparation, etc.)

4− technicien de laboratoire. d'analyse des eaux minérales

eau (minérale), techniques expérimentales (analyse, séparation, etc.)

8ème

5− cuisinière

techniques expérimentales (analyse, séparation, etc.), problèmes de l’environnement

6− savonnier

soude caustique, problèmes de l’environnement

7− salinier chlorure de sodium, problèmes de

l’environnement

1− forgeron−orfèvre métaux

9ème

8− chargeur de batterie acide sulfurique, problèmes de

l’environnement

9− plasticien matières plastiques, problèmes de

l’environnement 10ème

10− bouilleur alcool éthylique, réaction de fermentation

problèmes de l’environnement

Tableau IV–1 : articulation programmes guinéens du collège et pratiques sociales Les entretiens ont eu lieu en Guinée–Conakry et se sont déroulés sur les lieux de travail des professionnels ciblés. Partout où nous l'avons pu, nous avons effectué des interviews avec un minimum de deux professionnels pour élargir le champ des réponses des questions posées.

Chacun des entretiens a duré entre 40 et 50 minutes.

Quatorze entretiens ont été faits en langue française. Ce sont les entretiens avec le technicien de laboratoire d’analyse des eaux de consommation, le technicien de laboratoire d’analyse des eaux minérales, le savonnier, la cuisinière, les saliniers, les plasticiens et les bouilleurs.

Six entretiens ont été réalisés dans les langues du terroir. Ce sont les entretiens avec les forgerons−orfèvres, les charbonniers (en langue peulhe) et les entretiens avec les chargeurs

de batterie (en langue soussou). La langue peulhe est notre langue maternelle ; la transcription des entretiens de la langue soussou à la langue peulhe a demandé le concours d’un traducteur.

La traduction des entretiens des langues du terroir en langue française a été littérale. Les questions adressées aux opérateurs l'ont été en termes élaborés ("technique", "réaction chimique", "substance", "composition des produits", etc.) qui peuvent paraître décalés par rapport aux occupations quotidiennes de ces opérateurs. C’est surtout un moyen pour nous de situer la conversation sur les objectifs que nous nous sommes fixés et d’inciter à un discours aussi élaboré que possible sur leurs pratiques. Elles ont pour la plupart, été posées selon le cheminement suivi par le professionnel et recentrées à chaque fois que le besoin s’est fait sentir, dans le sens de nos préoccupations.

Les entretiens ont été enregistrés sur bande magnétique puis retranscrits intégralement avant d’être soumis à une analyse de contenu thématique.

1–2 Analyse des discours des professionnels

Nous allons prendre appui sur les analyses des programmes d'enseignement, les entretiens avec les enseignants et le questionnaire "élèves" pour établir une grille d'analyse des discours des professionnels ciblés.

Nous présenterons pour chaque profession : • Ce qui peut constituer un référent empirique

C'est ce dont le professionnel se sert, ce qu'il fabrique et que l'élève peut toucher, sentir, observer, imiter.

• Ce que les professionnels peuvent apporter, les savoirs des professionnels

Nous indiquerons les gestes, les techniques, les savoir−faire, les savoirs d'action, les savoirs d'usages, les règles de sécurité ; les savoirs valides dont les professeurs du collège ne disposent pas, qui sont hors de leur compétence. Ils ne peuvent pas en contrôler la validité.

Le discours sur ces savoirs n'est par contre pas toujours valide. Nous reprenons donc ensuite :

− ce qui peut servir de point de départ à des interrogations plus structurées. Cette part est constituée de bribes d'interprétation, de discours sur l'action par les professionnels. Ce sont des parties à "reprendre" en classe afin d'en rendre le sens plus net, plus précis, plus correct, mieux établi, mieux relié à d'autres savoirs.

− ce qui est incompatible avec le savoir scientifique. Ce sont des représentations des artisans qui ne sont pas valides, qui ne sont pas scientifiques. Dans ce cas, ce discours n'est plus "à

Chaque partie sera illustrée par des exemples pertinents choisis dans les discours des professionnels.

• la relation qu'ils peuvent établir avec l'école. Nous regarderons pour cela :

− leur point de vue sur la transmission de connaissances et sur un éventuel partenariat avec l'école sur la base de leurs compétences ;

− leur relation à l'environnement

La protection de l'environnement étant un des enjeux que nous affichons dans ce travail, il nous a semblé important de connaître les relations qu'entretiennent chacune des professions choisies avec l'environnement et la sensibilité de ces partenaires potentiels sur la protection de l'environnement.

2 Les forgerons–orfèvres

Dans la rencontre avec les forgerons−orfèvres, nous allons mettre en évidence :