Dans cette section, on fixeK:=Q(ip
D)avec D∈ {1, 2, 3, 7, 11}.
I.5.1 Idée générale
LorsqueB:= (b1, . . . ,bn)est une base(δ,mK)-LLL réduite d’unOK réseauΛdeCn, nous
avons montré dans leThéorème I.3.8que
kb1k2¶
1
δ−mK
n−1
m(Λ).
Pour établir cette inégalité, nous avons supposé que les coefficientsµi,i−1associés au GSOP deB
atteignent la borne de réduction (LLL1), c’est-à-dire que|µi,i−1|2=mK pour tout 2¶i¶n. En
pratique, cette borne est rarement atteinte : le vecteur obtenu est généralement plus court que
ce que prévoit l’estimation théorique. C’est pourquoi, en adaptant les travaux de[SBL10], nous
remplaçons cette hypothèse par une distribution probabiliste des coefficients|µi,i−1|2, obtenue
empiriquement. Nous faisons cette étude pour le SVPγ; il est néanmoins possible d’obtenir des
résultats similaires concernant le défaut d’orthogonalité en s’inspirant de la méthode présentée.
Proposition I.5.1 SoitB:= (b1, . . . ,bn)une base deCnchoisie arbitrairement10, à laquelle on
a appliqué l’Algorithme I.2avec un coefficientδtel que mK< δ <1. SoitΛleOK-réseau deCnde
baseB. Supposons que les coefficients|µi,i−1|2associés au GSOP deBsont des variables aléatoires
de même loi, donnée par une densité de probabilité p. Alors :
E(log(kb1k2))¶ E(log(m(Λ)))−(n−1)
Z mK
0
log(δ−x)p(x)d x. (I.6)
Démonstration. PuisqueBest supposée(mK,δ)-LLL réduite, une récurrence immédiate montre
que pour tout 2¶k¶n
kb1k2
k
Y
i=2
(δ− |µi,i−1|2)¶kb∗kk2,
ce qui entraîne d’après leLemme I.3.7que
kb1k2
n
Y
i=2
(δ− |µi,i−1|2)¶m(Λ).
En passant au logarithme puis en prenant les espérances, on obtient finalement
E(log(kb1k2))¶ E(log(m(Λ)))−
n
X
i=2
E(log(δ− |µi,i−1|2)).
10. Nous nous contentons ici d’utiliser la terminologie « base choisie arbitrairement », quelque peu impropre.
Nous donnons dans laRemarque I.5.2plus de détails sur la notion debase aléatoire.
Chapitre I. Algorithme LLL sur un corps quadratique imaginaire et euclidien 39
Or les|µi,i−1|2sont des variables aléatoires de même loi donnée par la densité de probabilité
p, et donc pour tout 2¶i¶n, on a
E(log(δ− |µi,i−1|2)) =
Z mK
0
log(δ−x)p(x)d x.
D’où le résultat.
Une fois connue la distribution des coefficients|µi,i−1|2, cette proposition fournit un résultat
« en moyenne » sur la longueur du premier vecteur obtenu par LLL-réduction, contrairement
au Théorème I.3.8 qui fournit un résultat « dans le pire cas ». Cependant, afin d’établir ce
résultat moyen, il nous faut déterminer la densitéprégissant la distribution des|µi,i−1|2. Cet
un exercice délicat, qui est actuellement hors de notre portée. C’est pourquoi, comme dans
[SBL10], cette densité est approximée de manière empirique.
I.5.2 Résultats expérimentaux
On garde les notations du paragraphe précédent. Nous détaillons dans ce paragraphe
comment la distribution des|µi,i−1|2 a été expérimentalement déterminée et les conclusions
que nous en avons tirée.
I.5.2.1 Méthode
Dans un premier temps, nous avons tiré 500 bases deCn, pournvariant entre 50 et 150.
Nous avons pour cela généré des familles aléatoires denvecteurs deCn, ce qui fournit presque
sûrement une base deCn. L’application du GSOP à la famille générée permet de s’en assurer :
l’obtention d’un vecteur nul lors du GSOP signifie exactement que la famille est liée. Après
plusieurs séries de tests en des dimensions variables, nous avons remarqué que la distribution
des coefficients|µi,i−1|2 ne varie pas suivant la dimension utilisée. Nous avons donc choisi
de travailler en petite dimension, de manière à effectuer un grand nombre de calculs en un
temps raisonnable. Nous avons implanté une version adaptée11 de l’Algorithme I.2, utilisée
pour obtenir la distribution empirique discrète des coefficients|µi,i−1|2.
Remarque I.5.2 Lors d’une étude heuristique et/ou probabiliste, la notion deréseau aléatoire
peut avoir plusieurs définitions :
• On peut se contenter de choisir aléatoirement une base de l’espace euclidien ou
hermi-tien considéré, ce qui revient à tirer un élément de GLn(R)ou GLn(C). En procédant de
la sorte, on néglige le fait que deux bases peuvent engendrer le même réseau. Choisir
aléatoirement une base n’est donc pas équivalent au fait de choisir aléatoirement un
élément de l’ensemble des réseaux d’une dimension donnée. Plusieurs familles
d’élé-ments de GLn(R)sont populaires dans le cadre de tirages aléatoires, comme les bases
de Ajtai[Ajt03], les bases de typeknapsack[GM03], les bases de déterminant borné ou
les bases de norme (lpou infinie) bornée.
40 I.5. Analyse heuristique du cas moyen
• Il est possible de choisir de manière aléatoire et uniforme un élément de l’ensemble
des réseaux équipé d’une mesure fixée. Plusieurs choix sont naturels pour cette mesure,
provenant généralement d’extensions de la mesure de Lebesgue[Ngu07, §3.4, p.52–54].
Nous avons choisit d’exprimer laProposition I.5.1avec des bases aléatoires ; il est tout à fait
possible de réécrire ce résultat en termes de réseaux aléatoires. C’est d’ailleurs ce format qui
est utilisé dans[SBL10]. De même, les résultat expérimentaux présentés dans ce paragraphe
ont été obtenus en générant des bases aléatoires de norme infinie bornée. La méthodologie
présentée reste valable pour d’autres types de tirages, mais les conclusions peuvent différer ;
la distribution desµi,i−1 peut fortement varier suivant la distribution des bases ou réseaux
choisie.
La méthode de Levenberg-Marquardt, implantée par la commande fit du logiciel
[Gnuplot], a ensuite permis d’interpoler cette distribution discrète avec une fonction de la
forme :
p(x) =
a
x+be−x/c si x∈[0,mK],
0 sinon.
Une fois normalisée, c’est-à-dire divisée par la valeur de son intégrale (calculée avec
[Scilab]), cette fonction peut être considérée comme la densité de probabilité de la distribution
recherchée. Dès lors, le calcul deRm
K0 log(δ−x)p(x)d x a pu être effectué avec[Scilab].
I.5.2.2 Résultats et conclusions
La Figure I.6 présente la distribution et l’interpolation obtenue dans le cas D = 1. Les
valeurs obtenues pour les autres valeurs deD(qui sont très similaires) sont présentées sur la
Figure I.7. Les résultats des différents calculs effectués sont détaillés pour toutes les valeurs
admissibles deDdans laFigure I.5.
La borne extrémale (I.5) duThéorème I.3.8peut se réécrire sous la forme
log(kb1k2)¶log(m(Λ)) + (n−1)log
1
δ−mK
.
On peut donc voir la grandeur log
1
δ−m
K
comme un facteur correctif entre log(m(Λ)) et
log(kb1k2)dans le pire cas. Dans le cas moyen, l’inégalité (I.6) de laProposition I.5.1prédit
que ce facteur correctif est égal à−R0mKlog(δ−x)p(x)d x. Le rapport entre ces deux grandeurs
présenté dans la dernière ligne de laFigure I.5permet donc de comparer les prédictions du
cas moyens face à celles du pire cas. Ce rapport oscille entre 0, 06 et 0, 17 : le facteur correctif
du cas moyen est entre 5, 8 fois et 16, 6 fois plus petit que le facteur correctif du pire cas. De
manière impropre, la version moyenne de l’inégalité (I.5) est
kb1k2¶
1
δ−ηk
α
K(n−1)
m(Λ),
Chapitre I. Algorithme LLL sur un corps quadratique imaginaire et euclidien 41
où 0, 06¶αK ¶ 0, 17 est le coefficient de la dernière ligne de laFigure I.5. En conclusion :
le premier vecteur d’une base(δ,mK)-LLL réduite d’un OK-réseau Λ⊂ Cn est en moyenne
1
δ−η
kα
Kfois plus court que ce que prévoit la théorie.
D 1 2 3 7 11
mK 0,5 0,75 0,333333 0,571429 0,81818
a 0,0012326 0,0016804 0,00078509 0,0013315 0,001728
b 0,0050013 0,0053303 0,0041403 0,0049369 0,005117
c 0,24963 0,27361 0,37761 0,25022 0,27178
Rm
K0 p(x)d x 0,004157 0,005762 0,002924 0,004530 0,005991
RmK
0 log(δ−x)˜p(x)d x - 0,076510 - 0,0918323 - 0,070841 - 0,079664 - 0,092795
R
mK 0log(δ−x)˜p(x)d x
log(δ−η
k) 0,107254 0,064348 0,168436 0,091472 0,052685
Fig. I.5– Résultats expérimentaux sur les distributions des|µi,i−1|2. On désigne par˜pla
norma-lisation dep.
42 I.5. Analyse heuristique du cas moyen
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5
|µi, i − 1|2
0.00
0.05
0.10
0.15
0.20
0.25
pr
op
or
ti
on
fit
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5
|µi, i − 1|2
10
-410
-310
-210
-110
0pr
op
or
ti
on
(
lo
g
sc
al
e)
fit
Fig. I.6– Distribution et interpolations obtenues pourK=Q(i)etδ=0, 99. Échelle linéaire à
gauche, logarithmique à droite.
Chapitre I. Algorithme LLL sur un corps quadratique imaginaire et euclidien 43
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8
|µi, i − 1|2
10
-410
-310
-210
-110
0pr
op
or
ti
on
(
lo
g
sc
al
e)
D = 2
fit
0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0.35
|µi, i − 1|2
10
-410
-310
-210
-110
0pr
op
or
ti
on
(
lo
g
sc
al
e)
D = 3
fit
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6
|µi, i − 1|2
10
-410
-310
-210
-110
0pr
op
or
ti
on
(
lo
g
sc
al
e)
D = 7
fit
0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9
|µi, i − 1|2
10
-410
-310
-210
-110
0pr
op
or
ti
on
(
lo
g
sc
al
e)
D = 11
fit
Fig. I.7– Distribution et interpolations obtenues pourK = Q(ip
D)avecD ∈ {2, 3, 7, 11}et
II
RÉSEAUX ET FORMES : LE CADRE ALGÉBRIQUE GÉNÉRALISÉ
Sommaire
II.1 Introduction . . . . 46
II.2 Corps de nombres et structure euclidienne . . . . 46
II.2.1 Espace euclidien associé à un corps de nombres . . . . 46
II.2.2 Endomorphismes de(K⊗QR)n. . . . 48
II.2.3 Automorphismes orthogonaux . . . . 50
II.2.4 Endomorphismes symétriques . . . . 52
II.3 Réseaux algébriques . . . . 52
II.3.1 Premières définitions et résultats de structure. . . . 52
II.3.2 Classes d’isomorphie de réseaux algébriques . . . . 55
II.3.3 Minimum et vecteurs minimaux. . . . 59
II.3.4 Discriminant et inégalité de Hadamard généralisée . . . . 60
II.3.5 Isométrie et groupe d’automorphisme . . . . 61
II.4 Formes de Humbert : le cadre additif . . . . 67
II.4.1 Définitions et liens avec les formes quadratiques . . . . 67
II.4.2 Minimum et vecteurs minimaux. . . . 69
II.4.3 Discriminant. . . . 70
II.4.4 Équivalence intégrale et automorphisme . . . . 70
II.4.5 Constante de Hermite généralisée . . . . 72
II.5 Correspondance entre réseaux et formes. . . . 73
46 II.1. Introduction
II.1 Introduction
C
Echapitre introduit les notions de réseaux algébriques (généralisation des réseaux
eucli-diens) et de formes de Humbert (généralisation des formes quadratiques définies
posi-tives). Nous nous plaçons dans un cadre de travail aussi étendu que possible, qui englobe
notamment le cas euclidien et le cas quadratique imaginaire présenté dans le chapitre
pré-cédent. Nous explicitons et généralisons de ce fait plusieurs résultats connus concernant ces
objets. Nous mettons en particulier en valeur la correspondance profonde qui relie les réseaux
algébriques et les formes de Humbert. Nous proposons aussi une extension des résultats de
Leibak[Lei05]sur la constante de Hermite généralisée dans un contexte additif. Ce chapitre
est donc essentiellement un travail de collection, de réécriture et de généralisation de divers
définitions et résultats issus de la littérature. Dans cet objectif, nous prenons le soin de détailler
les démonstrations, de manière à les rendre aussi élémentaires que possible.
Pour plus de détails sur le contexte général des corps de nombres, et plus précisément sur la
théorie de Minkowski, nous renvoyons le lecteur vers[Neu13;Sam67]. Pour tout ce qui a trait
à la théorie classique des réseaux et formes quadratiques, l’excellent livre de Martinet[Mar03]
reste une référence incontournable. Concernant les réseaux algébriques, nous utilisons
prin-cipalement les définitions de[O’M73;FS10;OY10]. Enfin, les références employées pour les
formes de Humbert sont essentiellement les articles originaux de Humbert[Hum39;Hum49],
ainsi que[Lei05].
Dans le document
Méthodes algorithmiques pour les réseaux algébriques
(Page 44-52)