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2.6.2 Influence de la mode éthique et durable sur le comportement des consomma- teurs

La problématique de développement durable est au cœur de notre société. L’industrie du textile- habillement est la deuxième industrie la plus plus polluante derrière l’industrie pétrolière. Face à ce constat, les entreprises de la mode sont de plus en plus actives sur ce thème et l’offre en pro- duits éthiques et durables ne cesse de croître. La prévision des ventes doit prendre en compte cette nouvelle composante. Cependant, il reste difficile pour le consommateur de quantifier les béné- fices réels par rapport aux promesses marketing des enseignes et aux valeurs transmises par les styles et les couleurs des vêtements dits écologiques ou éthiques. De ce fait, les produits identifiés comme durables ont des impacts sociétaux, économiques et écologiques très variables.

Les travaux de thèse initiés par Mélissa Wagner (WAGNER[Thèse en cours]) visent à analyser les impacts des produits éthiques et durables sur le comportement du consommateur.

Les premiers travaux menés dans le cadre de cette thèse, présentés dansWAGNERet collab.[2017b,

2018], consistent à analyser la perception du consommateur des valeurs écologiques transmises par le style des articles de mode. Cette étude est basée sur l’ingénierie Kansei [NAGAMACHI,1995] qui permet d’établir des liens entre les émotions et le design des produits, et sur l’Analyse en Cycle de Vie (ACV) qui donnent une évaluation standardisée de l’impact environnemental d’un produit. Dans un premier temps, les concepts de vêtements écologiques et de mode étaient considérés comme incompatibles [MOONet collab.,2015]. Devant la demande croissante pour des produits durables, les enseignes ont sensibilisés les stylistes pour développer des produits à la fois adaptés aux tendances de mode et véhiculant des valeurs écologiques et durables. Cependant, il existe des écarts entre le style du produit, la perception du consommateur et l’impact environnemental réel du produit.

Afin de décrire les relations entre les attributs d’un produit et la perception de ses valeurs écolo- giques par le consommateur, une approche de type ingénierie Kansei a été développée. A partir de la littérature [CHENet collab.,2014;DJATNAet KURNIATI,2015;KIERSTEN,2014], trois catégo- ries sont définies pour décrire les "valeurs écologiques" d’un produit mode : "Green", "Organic" et "Recyled", et une catégorie pour quantifier l’attractivité du produit : "Attractive". Ces catégories sont ensuite déclinées en 7 sous catégories associées chacune à une paire de mots Kainsei (table 2.5).

Des entretiens avec des experts du domaine (stylistes et chefs de produits) ont permis de sé- lectionner 10 produits avec leurs images et leurs attributs stylistiques (figure2.46). Un sondage de consommateurs est ensuite mis en place afin de classer les différents produits selon les différentes catégories sur une échelle basée sur les paires de mots Kaisen de 1 à 5.

Un exemple de résultats obtenus est illustré en figure2.47. Cette analyse permet d’identifier l’influence du design des produits sur la perception des consommateurs par rapport aux notions

Organic 1 Naturel naturel - synthétique Organic 2 Dématérialisé frugal - luxueux

Recylced 1 Recylé classique - tendance

Recycled 2 Upcycled fonctionnel - décoratif Recycled 3 Réduction des déchets recyclable - jetable

Attractif Attractivité attrayant - peu attrayant

TABLEAU2.5 – Les catégories de valeurs écologiques et les paires de mots Kainsei associées

de valeurs écologiques. Il est possible par exemple de dégager quelques tendances. A l’évidence, les designs les plus basiques génèrent des perceptions de produit plus écologique. A l’inverse, lorsque le produit est très tendance et sophistiqué, le consommateur s’attend à un produit moins respectueux de l’environnement. Une analyse plus détaillée permet, par exemple, de constater que le coton biologique ou labellisé BCITM(Better Cotton Initiative) donnent au produit une com- posante luxueuse. Cette étude est une première approche pour quantifier la perception éthique d’un produit mode éthique. Cela constitue également une base pour envisager la construction de profils de consommateurs en fonction de leurs sensibilités à ces valeurs écologiques.

Cependant, afin compléter cette étude, il est indispensable de relier les perceptions du consom- mateur aux impacts environnementaux réels des produits. En effet, des écarts significatifs peuvent être constatés, comme par exemple, les produits composés de coton qui apparaissent comme na- turel et par conséquent, son perçus à tord comme vertueux pour l’environnement.

Une seconde étude a été menée dans le cadre des travaux de Mélissa Wagner [WAGNERet collab.,

2017c] afin d’évaluer les écarts entre la perception du consommateur et les impacts environne- mentaux réels d’un produit mode. Pour se faire, cette étude s’appuie sur une ACV pour quantifier les impacts environnementaux. Selon l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), l’ACV est l’outil le plus abouti en matière d’évaluation globale et multicritères des im- pacts environnementaux. Cette méthode normalisée permet de mesurer les effets quantifiables de produits ou de services sur l’environnement.

Notre approche est composée des étapes suivantes :

1. le concept de mode éthique est exprimé selon les 4 catégories définies précédemment ("Green", "Organic", "Recyled" et "Reduced"). Pour chaque catégorie, un tableau d’ambiance avec 3 à 5 images est crée. Un sondage comprenant 300 participants est ensuite utilisé pour noter les images en fonction de leur perception de la mode éthique.

2. l’évaluation des impacts environnementaux réels est basé sur l’ACV d’un T-Shirt 100% coton réalisée dansZHANG et collab.[2015]. L’ACV est un outil puissant mais nécessite des cer- taines connaissances sur le cycle de vie du produit pour comprendre son fonctionnement et analyser les résultats. Afin de ne pas perturber l’étude par une mauvaise interprétation de l’ACV par les consommateurs, nous avons apporté les simplifications suivantes (figure 2.48) :

— la phase de fabrication du produit est réduite à 3 étapes : fabrication de l’étoffe (filature + tricotage), teinture et confection (figure2.48a),

— les 10 catégories d’impacts proposés par l’ACV sont associées et résumées par les 4 catégories : "Green", "Organic", "Recyled" et "Reduced" (figure2.48b),

— une ACV simplifiée est visualisée avec un graphique de type bulle (la taille de la bulle est proportionnelle à l’intensité de l’impact) (figure2.48a).

CHAPITRE 2. LA PRÉVISION DES VENTES D’ARTICLES TEXTILES

FIGURE2.46 – Exemples d’articles et les attributs stylistiques associés (laissés volontairement dans la langue