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Partie 2. Des tiers lieux ouverts au tourisme : des promesses aux expériences 64

2.2. Les spécificités en termes hospitalité, liberté et faire ensemble

2.2.2 Analyse des modèles de faire ensemble : une collaboration collective et

Un lieu de convergence pour une collaboration protéiforme :

Dans un cadre d’optimisation des futures collaborations, plusieurs phases d’élaboration sont portées par les acteurs du tiers lieu. Du montage du projet à l’ouverture de celui-ci.

Raphael Besson166 nous rappelle que les échanges au sein des espaces transitionnels se structurent dans un middleground comprenant autant d’acteurs représentatifs de l’upperground (acteurs publics, laboratoires de recherche, grands comptes) que de l’underground (associations, collectifs, habitants, artistes). C’est un espace où convergent tous les points de vue. Il y a un entrecroisement des pratiques, une liberté d’agir et de faire ensemble, au service du territoire, sur les aspects culture, tourisme, animation locale, activités inter-générationnelles…

Que ce soit à Roubaix ou Clairac, le développement de ces espaces est initié dans une même logique organisationnelle et participative :

- Des rencontres avec l’écosystème local (entreprises locales, établissements touristiques, associations et commerçants) sont organisées pour connaître leurs besoins et aussi les impliquer au projet,

- En amont du projet, des ateliers collectifs sont programmés avec les habitants pour connaître leurs envies, collecter leur point de vue en tant que citoyen, et aussi recruter des bénévoles. Ils deviennent acteurs du projet,

- A l’ouverture, tous (adhérents, non-adhérents, bénévoles, collectivité, association, entreprises) connaissent les enjeux du tiers lieu et s’impliquent plus activement en coorganisant des événements et en prenant part à la vie des espaces. Chacun participe de manière transversale.

Ces deux tiers lieux, à travers leurs méthodes d’ancrage, peuvent prétendre jouer un rôle actif dans la fabrique et le fonctionnement des territoires.

Roubaix prévoit d’ailleurs trois catégories d’organisation agiles pour activer toutes les parties prenantes :

− Organisation individuelle : selon le souhait ou besoin de chaque structure.

Annexe 23. Grille d’analyse 165

BESSON, Raphaël, Pour des espaces transitionnels. [en ligne] 2 sept. 2018. Disponible au format pdf sur

166

− Organisation individuelle ouverte : de manière générale, les parties souhaitent ouvrir leurs organisations à la co-construction et au co-portage. Une des parties peut alors lancer une idée d'organisation et en fonction du public visé ou de la thématique, les autres parties peuvent se joindre à l'organisation et l'enrichir.

− Organisation collective : il s'agit des organisations que toutes les parties prenantes souhaitent co-organiser. (Nuit des Arts, Micro-salons, ateliers...)

A travers une palette d’activités large, la collaboration est sans limite : de l’accueil de touristes, à l’organisation de réunions, de conférences, à l’organisation d’événements : expositions, ateliers créatifs, expérimentation de commerces. Elles favorisent des échanges qui aboutiront à la co-réalisation de projets.

Porosité avec l’environnement : une gouvernance en interaction avec l’écosystème local :

Les tiers lieux souffrent d’un paradoxe, dans la mesure où il existe une extrême diversité des modes de fonctionnement des tiers lieux, issus d’initiatives multiples (communautaires, associatives ou privées), avec des acteurs, des fonctions et des intérêts très hétérogènes (dimensions marchandes ou sociales).

Leur développement relève davantage d’un processus de gouvernance partagée et assumée entre divers acteurs. Il n’est, par conséquent, ni descendant (top-down), ni ascendant (bottom-up). Ces espaces s’inscrivent dans une logique horizontale, sous un format collaboratif et misent sur leur capacité à agir sur les relations entre des individus de compétences et d’opinions diverses167.

Nous l’avons vu, pour se construire en cohérence avec leur environnement le tiers lieu mobilise, afin de mieux comprendre les besoins de chaque partie prenante. Il contribuera à la vie socio-économique du territoire en incubant de nouveaux projets.

La réalité peut être décevante ou frustrante pour certains espaces. Donner la parole à tous les acteurs d’un territoire, accroît certes les échanges et multiplie des points de vue enrichissants. Pourtant, il se peut que des divergences s’immiscent lors de ces rencontres et appauvrissent les temps d’échanges. La gouvernance partagée peut, à certaines occasions, causer inconsciemment une démarche collective stérile, ce qui n’est objectivement pas le but recherché.

A Clairac, la gouvernance partagée, (avec adhérents, association, mairie, communauté des communes) a été un point de vigilance dès la création du projet.

« La conversation, globalement très constructive, a régulièrement dévié sur d’autres sujets (poubelles, propreté des rues…) pour “régler” des contentieux liés à la dernière élection municipale. »168

Aujourd’hui, des injonctions sanitaires et/ou financières portées par la mairie concernant le maintien de certaines activités ont mené le président de la Halle de Clairac, à tenir des propos très

Ibid note 166 page précédente

167

COOPERATIVE DES TIERS LIEUX pour la commune de Clairac, Scenario tiers-lieu Clairac v0.2 du 30

168

fermes à l’égard du maire. « Compte tenu de la situation actuelle ; les différentes injonctions et

menaces dont nous faisons directement l'objet par Mr Michel Perat, maire de Clairac, nous nous retrouvons dans la position de ne pas pouvoir assurer complètement et sereinement le fonctionnement du tiers lieu… »

Le choix de communication est très engagé avec un partage d’opinions sur les réseaux sociaux. Cette prise d’acte mobilise, car on peut lire plus de cent commentaires sur la publication du 2 juillet169 du compte Facebook de la Halle de Clairac. Pour ou contre, le tiers lieu mobilise, implique, bouscule la communauté. Dans un sens, il partage et ouvre la discussion à tous, de manière démocratique, mais cette méthode, si elle n’est pas bien cadrée, peut dériver sur d’autres sujets moins profonds et mettre à mal les actions portées par un collectif de bénévoles très investi et créé des incompréhensions dans l’écosystème qui dévalorisera l’image de la destination.

« C’est quoi ces faux Clairacais qui critiquent… personne ne vous oblige à rester à Clairac faut repartir dans vos régions respectives on a surtout pas besoin de vous a bon entendeur... » « au moins cette ville aura élu un comique, c'est déjà pas mal ! » sont des messages soustraient du

compte Facebook de la Halle de Clairac. La conversation est détournée de son sens premier.

La contribution des tiers lieux pour la mise en réseau

Un des enjeux principaux des tiers lieux est de créer des conditions d’émergence, d’expérimentation et de mise en réseau pour renforcer le mouvement local.

En contrepartie de cette mise en réseau qui valorise le savoir-faire de la localité, le tiers lieu trouvera des aides financières de la part d’institutions ce qui confortera son équilibre opérationnel. D’ailleurs, cette action de réseautage est soutenue par l’Etat, car il y voit, une solution pour encourager de nouvelles dynamiques pour les territoires, comme :

• Lieu ressources pour les porteurs de projets environnants ; • Lieu de formation et d’apprentissage par le « faire ensemble » ;

Lieu d’inclusion numérique pour les populations éloignées d’Internet et de ses nouvelles opportunités.

Ces espaces culturels stimulent les rencontres en étant à l’écoute de leur environnement. Ce qui permet d’englober une diversité d’initiatives et de projets, d’inclure de nouveaux acteurs dans le réseau local. Le tiers lieu peut par ce biais, se réinventer en continu et de manière durable, au contact des participants (habitants, adhérents et touristes).

A Roubaix, des événements de réseautage sont organisés par le tiers lieu. Des événements récurrents qui permettent de fédérer tous les acteurs et partenaires de la communauté I love

Roubaix. Loic Trinel nous a communiqué quelques actions que le tiers lieu mettra en place dès

l’ouverture du nouvel espace. Les participants auront ainsi la capacité d’agir ensemble, d’échanger de bonnes pratiques, de partager les expertises, afin de faire émerger de nouveaux écosystèmes :

Annexe 20 : éléments de communication Clairac

Certains moments seront animés par un intervenant extérieur. Nous souhaitons puiser en priorité dans les compétences de la communauté, et de ses partenaires,

Des moments conviviaux ; « Autour d’un café » et « Autour d’un verre » pour parler de la ville,

des activités qu’on y développe et pour réseauter…,

En fonction des besoins de la communauté, des thématiques seront identifiées et différents

formats pourront être testés.

Des activités pour la plupart informelles, mais qui créent des échanges puis de la solidarité entre les protagonistes. Ce sont des valeurs de confiance soutenues volontairement par ces espaces.

Hybridation du modèle de gestion économique et administrative

« Le modèle de gestion économique et administrative de ces structures est hybride à l’image de leur modèle organisationnel » souligne Nicolas Aubouin dans son étude Tiers Lieux culturels, nouveaux espaces, nouvelles pratiques. Il explique que, malgré une critique forte à l’égard des contraintes de gestion, une grande partie des tenants des squats artistiques (ou nouveaux territoires de l’art) développent des nombreux outils de gestion :

• Des formes de comptabilité de gestion et de caisse, • Des critères de recrutement standardisés,

• Des plannings et des outils de répartition de l’activité, • Des modes d’évaluation de la performance.

Car la mise en place d’outils de gestion n’est pas seulement un enjeu de structuration interne des activités, mais aussi et surtout, un enjeu de reconnaissance externe et de dialogue avec différentes parties prenantes170.

A Roubaix ou à Clairac, les espaces culturels relèvent de ce mode de gestion. Le coordinateur.rice, appuyé.e par des tierces personnes (des bénévoles dans le cas de Clairac), est en charge de la gestion pour un bon fonctionnement du site. Au-delà de simplifier la tâche par des procédures, cela leur permet d’être plus légitime auprès des institutions. Le modèle économique est encore très fragile. Un pourcentage important des charges est pris en charge par les collectivités. Ces espaces n’ont pas la capacité d’exister sans l’appui des institutions. Leur objectif est de s’autofinancer dans les trois ans suivants leur ouverture en développant des services marchands.

A Roubaix : l’office du tourisme a préservé une trésorerie de longue date pour développer ce projet de tiers lieu. Une subvention de la MEL finance une partie des travaux d’aménagement et la plus grosse part des travaux a été prise en charge par le propriétaire. Nous n’avons pas obtenu d’informations détaillées sur le budget global de la création de ce tiers lieu.

A Clairac, le président nous a informé que le tiers lieu était subventionné à :

AUBOUIN, Nicolas. Formation CELSA M2 Culture et Tourisme Promotion 2019/2020 . Tiers Lieux

170

80% par des fonds publics :

• Pas de bail pendant trois ans (la mairie est propriétaire des murs),

Prise en charge du salaire des coordinateur.rice.s et du WIFI et de l’essentiel pour le bon fonctionnement du lieu d’un point de vue touristique par l’office du tourisme de la communauté des communes Val de Garonne,

Et 20% par des fonds privés :

Revenus tirés de ses activités propres, des produits, des services ou des solutions payantes à (certains de) ses publics : adhésions, participation payante à certains ateliers, consommations au bar, commission sur les ventes de produits artisanaux,

• Revenus issus des mécanismes de donations privées (que ce soit par des particuliers, des entreprises, des fondations, ...).

L’objectif sur trois ans est de devenir pérenne, en développant les activités marchandes tout en restant en accord avec les valeurs de développement durable et solidaires, portées par l’espace.

Ouvrir des espaces de coworking payants,

Proposer des formations de loisirs ou professionnalisantes payantes,

Développer le tourisme créatif, par des expositions et des jeux concours, une structure muséale pour la maquette de train. Cette dernière, une fois entièrement réparée, deviendra une attraction touristique payante.

Créer des offres commerciales pour les partenaires en mettant à disposition les espaces à leur disposition,

Objectif : fédérateur, incubateur de projets, mise en réseau, autonomie financière, mécénat d’entreprises

2.2.3 Analyse du cadre spatio-temporel : s’exprimer avec plus de liberté171