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ressources minérales et métalliques

7.2 Analyse de la criticité des métau

L’analyse de la criticité des métaux n’est pas considérée dans les méthodes d’évaluation des impacts du cycle de vie. Bien que l’analyse de criticité ne traite pas encore des enjeux environnementaux, une implémentation de celle-ci serait bénéfique à l’évaluation des impacts du cycle de vie et à l’analyse du cycle de vie de manière générale. En effet, certains indicateurs pris en compte dans les analyses de criticité permettent de quantifier la substitutabilité et l’importance relative des différentes ressources pour la société, ainsi que certains enjeux économiques et géopolitiques au-delà des données purement géologiques.

Dans la méthode développée, les enjeux économiques, d’une part, et la substituabilité des ressources, d’autre part, sont traités. En ce sens, la méthode développée est une ouverture dans la direction d’une approche intégrée conforme à l’évaluation de la criticité. Cependant afin de tirer entièrement bénéfice de la grande complémentarité entre les deux approches, les aspects géopolitiques doivent être pris en considération. Dans notre méthode, et toutes les méthodes ÉICV utilisées en ce moment, les ressources sont considérées comme étant prêtes à être extraites, car elles sont disponibles géologiquement. Cependant, aucune contrainte géopolitique n’est prise en compte. Ceci présente une limitation des modèles ÉICV développés, étant donné que cette contrainte est bien présente dans la réalité. En effet, certains pays exportateurs limitent leurs exportations pour se procurer un avantage concurrentiel sur le marché mondial. C’est le cas de la Chine qui possède près de 90 % des terres rares (Adibi, 2014) leur permettant d’exercer des pressions politiques, en limitant les exportations de celles-ci, sur les utilisateurs mondiaux des terres rares, nécessaires dans le domaine des technologies de pointe, de l’énergie et du transport. Les terres rares, contrairement à ce que leur nom indique, sont présentes de manière abondante dans la croute terrestre et ne sont pas (encore) fortement utilisées de manière dissipative (dDI > 1000 ans). Ainsi, selon le modèle développé dans cette thèse, il a été observé que le facteur de compétition pour les terres rares (MACSI = 71 %) ne place pas celles-ci comme étant la ressource pour laquelle la compétition est la plus importante. Cependant, le quasi-monopole chinois fait en sorte que la disponibilité réelle des terres rares pour leurs utilisateurs est inférieure à celle estimée par le modèle. En effet, le rapport de la Commission Européenne pour la criticité des métaux place celles-ci comme étant les ressources les plus critiques d’un point de vue de l’approvisionnement. Distinction doit donc être faite entre disponibilité — ou accessibilité — qui

est une grandeur reliée à la géologie d’une part et capacité d’approvisionnement des utilisateurs de l’autre. Conscients de cette distinction entre ressources accessibles physiquement et ressource pouvant être effectivement utilisées, certains auteurs s’orientent vers la prise en considération de la vulnérabilité des utilisateurs aux restrictions d’approvisionnement (Graedel, 2012; Nassar, 2012). Ces restrictions d’approvisionnement peuvent être liées à l’importance politique d’une ressource pour les pays l’exportant ainsi qu’aux risques liés aux stabilités politiques de ces pays, aux législations en place dans ces pays ou aux technologies d’extraction qui peuvent être limitées. Bien que l’ACV ne considère pas ces aspects de risques reliés aux restrictions d’approvisionnement pour le moment, certains exemples de ressources, comme les terres rares, soulevés dans ce travail permettent un aperçu des limitations des méthodes ACV actuelles, incluant la méthode développée dans ce travail. En effet, connaissant la situation politique de la Chine, il est pertinent de s’interroger sur la variation potentielle des valeurs de MACSI (indicateur midpoint) ou des prix d’adaptation des utilisateurs (indicateur endpoint) par rapport aux résultats présentés dans cette thèse lorsque le risque d’approvisionnement est pris en compte. En plus de la variation des indicateurs midpoint et endpoint, la restriction de l’approvisionnement peut faire varier une autre conclusion de l’étude de cas. En effet, il est considéré que toutes les politiques mondiales d’électrification des transports sont réalisables en même temps. Cependant, la demande en production de batteries est tellement importante s’il s’agit d’introduire graduellement 15 millions de véhicules électriques d’ici 2030 et de les renouveler tous les 10,8 ans par la suite, la question de restrictions à l’approvisionnement se pose à nouveau. En effet, une telle augmentation de production de batteries peut faire augmenter les prix considérablement étant donné une augmentation abrupte de la demande et ainsi bouleverser l’équilibre entre les utilisateurs finaux des ressources. Ceci a pour conséquence que les objectifs d’électrification des transports dans le monde ne seront peut-être pas réalisables, bien que les stocks de ressources soient disponibles. Il est donc utile de considérer le risque d’approvisionnement des ressources lors de l’étude de la faisabilité des plans d’électrification des transports. D’ailleurs, le Québec souffre déjà de problèmes d’approvisionnement de ressources pour électrifier ses transports (Breton, 2014).

L’article auquel j’ai participé (Sonnemann, 2014) fait état des méthodes d’analyse de criticité des ressources et explique comment l’intégration de la criticité en analyse du cycle de vie peut être

réalisée. Le fait de considérer l’analyse de criticité en analyse du cycle de vie mène aussi à une réflexion sur la nature des impacts de l’utilisation des ressources minérales et métalliques.

Au sein de la communauté ACV, un consensus a longtemps existé pour définir trois catégories d’indicateurs endpoint appelées « aires de protection ». Ces aires de protection sont la « santé humaine », « la qualité des écosystèmes » et « les ressources » (de Haes et al., 2002; Guinée et al., 2002). Ces aires de protection sont ce que l’Homme se doit de protéger pour assurer sa pérennité. Cependant, le terme « aire de protection » tel qu’il est utilisé en analyse environnementale est remis en question lorsqu’il s’agit de traiter les ressources minérales et métalliques. En effet, une ressource ne doit pas être protégée au même titre que la santé humaine ou la qualité des écosystèmes. Cependant, il s’agit de protéger une fonctionnalité d’une ressource pour tous ses utilisateurs. Ainsi, l’appellation « services rendus par les écosystèmes et les ressources » est plus judicieusement choisie pour traiter de l’aire de protection des ressources plutôt que les ressources dans leur ancienne appellation (Zhang, Singh, & Bakshi, 2010). Les impacts de l’utilisation des ressources peuvent alors être modélisés comme étant des impacts sur le bien-être des utilisateurs, selon le service et l’utilité que celles-ci leur amènent. Une perte de « service rendu par une ressource » peut alors être perçue comme un impact socioéconomique et non plus environnemental. Cependant, l’environnement demeure tout de même la contrainte à laquelle doivent se plier les utilisateurs et la pertinence de l’utilisation d’indicateurs socioéconomiques et l’inclusion de cette caractérisation socioéconomique au sein d’une contrainte environnementale sont pertinentes.

Afin que l’évaluation des impacts du cycle de vie de l’épuisement des ressources soit la plus complète possible, les impacts socioéconomiques devraient être intégrés à l’évaluation des impacts environnementaux. L’intégration de l’analyse de criticité en analyse du cycle de vie devient donc pertinente. Par ailleurs, pour qu’elle soit complète, une méthode d’évaluation des impacts de l’utilisation des ressources minérales et métalliques se doit de répondre correctement à la définition d’une aire de protection de « services rendus par les ressources et les écosystèmes ». Elle doit ainsi considérer toutes les fonctionnalités de la ressource ainsi que tous les utilisateurs de la ressource affectés par leur épuisement, qu’ils soient présents et futurs. Bien que tous les aspects de prise en compte de criticité n’y soient pas encore intégrés, la méthode développée au cours de la recherche propose une approche qui intègre la fonctionnalité des ressources minérales et métalliques ainsi que les conséquences d’un épuisement sur tous les utilisateurs qui sont en

compétition pour celles-ci à l’évaluation environnementale de l’épuisement de ces ressources. Ceci permet de rendre plus complète l’évaluation de l’impact de l’épuisement des ressources minérales et métalliques en analyse du cycle de vie.