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Hillslope erosion models in tectonically active settings: insights from slope-area relationships in the Siwaliks (Nepal)

IV.1.2. Analyse complémentaire

IV.1.2.1 Comparaison directe entre taux de surrection déduit de l’analyse des terrasses et pentes locales

Pour tester le degré de sensibilité des pentes à des variations spatiales importantes du taux de surrection, nous avons comparé directement le long d’un transect NNE-SSW au niveau de la Bakeya (figure 4 gauche), les relations entre pente topographique locale et taux de surrection estimé à partir des terrasses. La Bakeya a été choisie en raison de la large gamme de taux de surrection rencontrée, depuis 2 mm.an-1 sur le flanc Sud jusqu’à 16 mm.an-1 au cœur du pli (figure 5 gauche). De manière à limiter l’impact du bruit du MNT et des variations (même faibles) de la lithologie, les pentes (pour les aires drainées de 2 pixels) sont moyennées perpendiculairement à la coupe, en évitant soigneusement de prendre les valeurs mesurées dans le fond de la vallée, la plaine alluviale et les quelques zones de falaises (figure 4 droite). Nous comparons ensuite la valeur du taux de surrection déduite de la terrasse T3 (figure 5 droite) et la valeur moyenne de la pente le long du transect (figure 5 gauche).

0.0 1 1.7 0.0 1 1.7 L o c al S lo p e Zone de P roje ction Dir ectio n de la c oupe MNT des Siwaliks

N

10 km

Carte des pentes locales à 60 m, pour les aires drainées de 2 pixels

Figure 4: MNT des Siwaliks avec localisation de la zone d’étude au niveau du passage de la Bakeya. A droite, la carte des pentes locales obtenues pour des aires drainées de 2 pixels avec le tracé de la coupe transversale au pli et l’extension latérale de la zone de projection des pentes. Les zones en bleu foncé correspondent aux zones de dépôt, de fond de rivière ou aux falaises qui n’ont pas été pris en compte dans la projection. 0 5 10 15 20 0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 S = 0.22 + 21.3 10-2 U, r=0.74 S = 0.16 T0.45, r=0.79

Linear model from basin analysis

S = 0.32 + 14.2 10-2 U M ean lo cal sl ope al ong tr ansect

Uplift Rate (mm/an), deduced from T3

Figure 5: Gauche : Taux de surrection déduit des terrasses d’abrasion le long de la Bakeya, transect AA’ (Lavé and Avouac , 2000).

Droite : Comparaison entre pente locale moyenne le long du transect NNE-SSW (figure ) et taux de surrection déduit de la terrasse T3. Un

modèle linéaire à seuil ou un modèle non-linéaire prédisent correctement les relations. Le modèle linéaire prédit à partir de l’analyse des bassins versants surestime le seuil.

Nous retrouvons comme pour l’analyse à partir des bassins versants, une dépendance forte entre pente et taux de surrection, qui peut être modélisée par une loi linéaire à seuil, ou une loi non-linéaire avec un exposant voisin de 0.5. La relation prédite par l’équation S=(9.86 10-2 + 4.35 10-3 U) A-0.24 (figure 3) pour une aire drainée de 2 pixels (= 7.2 10-3 km²) surestime les pentes pour les faibles taux de surrection. Plusieurs raisons à cela :

• la relation obtenue sur les bassins versants suppose que le taux de surrection est homogène à l’échelle des bassins, ce qui n’est pas strictement vrai.

• Les taux de surrection utilisés pour les bassins proviennent de la carte de Hurtrez et co-auteurs (1999), établie à partir des données de pendage de couches dont la qualité peut être très moyenne, surtout dans la zone entre la Bakeya et la Bagmati.

• La gamme de taux de surrection moyens pour les bassins versants est plus petite que dans l’analyse du transect de la Bakeya et diminue la qualité du fit et de l’estimation des paramètres. Néanmoins, même si les valeurs du seuil peuvent être légèrement différentes, les deux approches conduisent aux mêmes conclusions: le modèle de type stream power est applicable et la relation entre pente et flux sédimentaire sur les versants est très non-linéaire. Cette non-linéarité s’exprime par un exposant sur la pente supérieur à 2, ou par l’existence d’un seuil d’érosion non-négligeable. Nous discutons dans le dernier chapitre les arguments en faveur du second modèle.

A partir des résultats précédents, il est possible d’obtenir une carte des taux de surrection au niveau du pli des Siwaliks. Nous avons utilisé le modèle linéaire à seuil calibré sur le transect de la Bakeya. Le taux de surrection a été estimé pour chaque pixel d’aire drainée égale à 2 pixels, et une carte a été produite en interpolant ces valeurs. Les prédictions ne sont valables que pour la lithologie de la formation des Siwaliks moyen, i.e. au niveau du pli. On retrouve les grands traits de la carte proposée par Hurtrez et co-auteurs (1997) avec un degré de détail plus grand. Le maximum de surrection entre la Bakeya et la Bagmati se trouve plus à l’est et à l’aplomb du MFT que dans la carte de Hurtrez et co-auteurs. La zone de surrection se termine de manière plus abrupte sur le flanc nord, mais cette zone correspond aussi à un changement de lithologie et il n’est pas possible de distinguer l’effet lithologique de l’effet tectonique. On observe très bien la double bosse du taux de surrection au niveau de la Bagmati documentée par l’analyse des terrasses [Lavé

and Avouac, 2000].

Figure 6: Haut :Distribution spatiale des taux de surrection obtenue à partir des valeurs de pentes locales calculées pour une aire drainée de 2 pixels et en utilisant la relation linéaire à seuil ente pente et taux de surrection calibrée au niveau de la Bakeya. Ces valeurs sont interpolées et moyennées sur une fenêtre glissante de 420 x 420 m. L’interprétation des taux de surrection n’est valable qu’au niveau du pli.

IV.1.2.2 Discussion sur la nature des processus d’érosion des versants

Lors d’une mission au Népal, nous n’avons pu qu’apercevoir de loin les versants des Siwaliks. Ils sont caractérisés par un couvert végétal très épais constitué d’un forêt assez dense. En conséquence, il était difficile d’observer la nature des processus façonnant ces reliefs. Par contre, dans des régions voisines et ayant des pentes similaires, deux types de processus sont importants : la reptation de sol et les coulées de débris (arbres, roches mélangés dans de la boue, figure 7). Une des caractéristiques de la région du Népal soumise à la mousson est l’épaisseur importante de sol liée à une forte altération et à une végétation luxuriante. Lors des grandes pluies de mousson, ce sol peut glisser (reptation) ou même être arraché, entraînant éventuellement avec lui une partie du substratum rocheux, pour former une coulée de débris. Sasaki et co-auteurs (2000) suggèrent par exemple que la reptation de sol accumule du matériel en haut des couloirs de coulées de débris. Durant les fortes précipitations ce matériel est évacué sous forme de coulée de débris.

Si ces processus sont effectivement actifs dans les Siwaliks, le bilan de masse adéquat est de type limité par le transport, plus précisément par la production de sol (weathering limited). Le modèle de type stream

power trouve son origine dans la loi rhéologique du sol et des coulées de débris. En l’occurrence, la

dépendance linéaire entre flux et pente est compatible avec les modèles de reptation homogène de sol (simple

soil creep) [Carson and Kirkby, 1972] et les modèles de Bingham proposés pour modéliser la rhéologie des

coulées de débris [Iverson, 1997] et la reptation de sol dépendant de la profondeur (depth dependent soil

creep) [Selby, 1993]. Chacune de ces lois est caractérisée par un seuil de plasticité (yield stress) compatible,

dans le principe, avec le seuil d’érosion apparaissant dans le modèle linéaire à seuil. Ce seuil est d’autant plus grand que la végétation est importante, et stabilise le sol. Enfin la dépendance avec l’aire drainée se comprend intuitivement car elle contraint en grande partie le volume d’eau dans le sol et donc, sa rhéologie.

a b

Figure 7: Processus d’érosion de versant éventuellement similaires à ceux actifs dans les Siwaliks Hills et dont le flux sédimentaire à long terme pourrait être modélisé par un modèle de type Qs = K A1.25S-KcA. Gauche : série de coulées de débris. Droite : détail d’un arrachement de sol montrant le mélange entre roches, végétaux et boue ainsi que de la reptation de sol.

IV.1.2.3 Relation pente-aire drainée dans des domaines similaires et relation densité de drainage-taux de surrection

A titre d’exemple nous présentons un diagramme pente-aire drainée obtenu à partir de l’analyse d’un bassin versant situé dans la région de la Jonction Triple de Mendocino (Californie, USA). Snyder et co-auteurs (2000) ont conduit une étude sur les relations pente-aire drainée des rivières à substratum rocheux et l’influence des variations spatiales de taux de surrection. Cette étude a permis d’identifier sur le terrain les transitions entre les différents domaines (versants, rivières à substratum rocheux ou alluviales), et nous utilisons ces résultats pour étudier leur correspondance dans un diagramme pente-aire drainée calculé à partir d’un MNT de l’USGS à 30 m. Nous avons montré dans le chapitre précédent que le bassin étudié (Dehaven) était à l’équilibre dynamique, ce qui permet d’interpréter la relation pente-aire drainée directement en terme de lois d’érosion. Le diagramme pente-aire drainée que nous obtenons (figure 8) est similaire à celui obtenu

Figure 8: Relation pente-aire drainée pour le basin versant de Dehaven (Aire = 20.6 km², taux de surrection ~ 0.5 mm.an-1), Californie, dans la région de la Jonction de Mendocino. Ce diagramme met en évidence quatre domaines distincts : (i) un premier domaine pour lequel la pente augmente avec l’aire drainée et qui correspondrait aux sommets convexes des versants façonnés par des processus diffusifs ; (ii) le deuxième domaine est défini par une relation en loi de puissance entre pente et aire drainée avec un exposant de ~ – 0.14, domaine dénommé « colluvial channels » par Snyder et al. [2000] et comparable aux versants des Siwaliks (Népal); (iii) selon les mêmes auteurs, le troisième domaine correspond aux rivières à substratum rocheux (bedrock) et obéit aussi à une loi de puissance avec un exposant voisin de – 0.5 : (iv) le dernier domaine n’est pas identifiable sur les données, mais a été observé sur le terrain par Snyder et al. [2000] et correspond au passage aux rivières alluviales. Les analyses sont réalisées sur le MNT USGS à 30 m.

pour les Siwaliks. En particulier on observe clairement une loi de puissance entre pente et aire drainée pour des aires comprises entre 4 10-3 km² et 0.1 km², avec un exposant de –0.14. Ce domaine a été identifié par Snyder et al. (2000) comme une région dominée par des coulées de débris. Au delà de 0.1 km², l’exposant de la loi de puissance passe à –0.48, dans une région identifiée comme étant les rivières à substratum rocheux. Enfin, au delà de 7 km², les rivières deviennent alluviales, mais cette transition est peu apparente dans le diagramme étant donné le faible nombre de points et la résolution verticale du MNT. La limite inférieure à 4 10-3 km² pourrait correspondre à la transition entre les processus diffusifs (opérant à une échelle de 100-150 m) et les processus de coulées de débris.

Ces résultats confirment que la forme des versants dans les domaines tectoniquement actifs est caractérisée par une loi de puissance entre la pente et l’aire drainée avec un exposant de l’ordre de –0.1 à – 0.3. Soulignons que la différence d’exposant entre le bassin de Dehaven (-0.135) et les Siwaliks (-0.25) peut être liée à un effet de résolution du MNT étant donné que dans un cas les pentes sont mesurées sur 30 m et dans l’autre sur 60 m (cf Annexe A).

Une différence notable avec les Siwaliks, est que l’aire drainée de transition entre versants et rivière est quasiment un ordre de grandeur plus faible dans la région de Mendocino. Un approche théorique simplifiée permet de proposer une explication pour cette relation inverse entre aire drainée critique et taux de surrection et/ou pluviométrie :

supposons que les versants obéissent à une relation pente-aire drainée de la forme :

( ' ' )

m'

v

a bU A

S = +

,

et que celle des rivières ait la forme générale :

n m n

R

a bU A

S =( + )

1 ,

L’aire critique de transition est déterminée par le point ou Sv et SR sont égaux soit :

( ) ( )

mn c n m c

a bU A

A

U

b

a'+ '

'

= +

1 , ce qui conduit à,

( )

n m m c n

bU

a

U

b

a

A 



+

+

=

' 1 1

'

'

.

Application numérique : dans les rivières à substratum rocheux, un certain nombre d’évidences argumentent en faveur d’un exposant n=2/3 [Kirby and Whipple, 2001; Lavé, 1997 ] ou n=1 [Whipple and Tucker, 1999], et le rapport m/n est voisin de 0.5 [Snyder et al., 2000]. Suite à notre étude sur les Siwaliks nous utilisons

m’~0.25 pour les versants. Dans le cas n = 2/3, m/n= 0.5, on obtient :

( )

( )

4 6

'

' bU

a

bU

a

A

c

+

+

=

,

qui montre que si bU >> a et b’U >> a’, Ac augmente avec le carré du taux de surrection. Le même calcul en utilisant n = 1 montre que Ac est indépendant du taux de surrection et est fixé par le rapport b/b’ qui dépend de la nature des roches, de la pluviométrie et de la végétation. Si n> 1, alors l’aire critique de transition décroît avec le taux de surrection.

Le cas n=2/3 étant réaliste, ceci peut expliquer en partie la différence d’un ordre de grandeur entre l’aire critique dans les Siwaliks (Umoyen ~12 mm.an-1) et la région de Mendocino (Umoyen ~1. mm.an-1), sachant que les lithologies, le climat et la végétation sont différents et peuvent aussi influencer la transition versant-réseau.

IV.2. Estimation des taux de surrection et de l’érodabilité des