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Chapitre 2: Dispositif de recherche

2.1. Analyse comparative de SMAE contrastés sur trois territoires

2.1.1. Analyse d’études de cas contrastées

Le dispositif de recherche proposé repose sur l’étude de cas réels contrastés. Pour répondre aux questions posées, il est nécessaire de travailler sur une diversité de formes d’IAE. Travailler sur une diversité de situations permet d’instruire la sous-question 1 et de tester la capacité de notre approche méthodologique à caractériser l’IAE dans des situations très contrastées. Travailler sur des situations contrastées nous permet aussi d’instruire la sous-question 2, en évaluant les performances de nos systèmes suivant différentes formes d’IAE.

Une alternative aurait été l’expérimentation-système à travers la conduite d’un SMAE plus ou moins intégré. Des dispositifs de ce type existent en effet, comme les deux systèmes bovins laitiers herbagers et polyculture-élevage conduits à la station expérimentale INRA de Mirecourt dans un objectif de transition vers l’autonomie (Coquil, 2014), ou encore le système pilote en polyculture-élevage conduit sur l’exploitation du lycée agricole de Guadeloupe, qui vise à optimiser l’IAE (Stark et Fanchone, 2014). Ces dispositifs présentent cependant deux limites : d’une part le temps long et les importants moyens nécessaires pour les mettre en œuvre ; et d’autre part le nombre limité de situations qu’ils représentent. Dans le cadre de cette thèse, s’appuyer sur des cas réels, rend possible l’étude d’une plus grande diversité de situations, et permet d’obtenir ainsi des réponses plus génériques aux questions posées.

Ce dispositif de thèse repose sur le postulat que les pratiques d’IAE mises en œuvre sont fonction de la nature des SMAE et de leur environnement (Brossier, 1987 ; Spedding, 2012). A la différence des systèmes spécialisés, fondés sur une artificialisation de leur milieu environnant pour s’émanciper de ses contraintes, les systèmes mixtes intégrés valorisent en effet les processus naturels de l’écosystème et sont donc plus sensibles à leur environnement (van Keulen et Schiere, 2004). En fonction de la gamme de ressources disponibles, des conditions pédoclimatiques, du contexte socioéconomique, de l’accès aux facteurs de production, les systèmes agricoles présentent des structures et des logiques de fonctionnement différentes (Zahm et al., 2007).

Nous proposons ainsi de mener une analyse comparative dans des contextes socio-économiques très différents pour s’assurer d’analyser une large gamme de pratiques d’IAE.

2.1.2. Choix des terrains d’étude

La diversité de pratiques d’IAE est notamment fonction de la combinaison des facteurs de production à disposition des agriculteur(trices), étroitement liée à l’environnement socio-économique dans lequel ils évoluent. (van Keulen et Schiere, 2004). Une disponibilité relativement importante en terre plaiderait pour la conduite de systèmes plutôt extensifs, consommant peu d’intrants par unité de surface. Dans ce cas, les pratiques d’IAE ne présenteraient pas beaucoup d’intérêt. A contrario un accès limité à la terre plaide pour une intensification des activités par unité de surface et notamment une intensification des pratiques d’IAE.

Chapitre 2 : Dispositif de recherche

Une disponibilité relativement importante en capital permettrait un recours important aux intrants. Là aussi, d’un point de vue biotechnique, les pratiques d’IAE ne présenteraient que peu d’intérêt, le recours au marché étant la forme privilégiée de mobilisation des ressources. A l’opposé, un accès limité en capital conduirait à mieux valoriser les ressources disponibles sur l’exploitation, notamment par des pratiques d’IAE. Enfin, une plus grande disponibilité en main d’oeuvre favoriserait la valorisation des différentes ressources de l’exploitation au détriment de l’achat d’intrants, et donc au bénéfice des pratiques d’IAE. A contrario, un accès limité à la main d’œuvre limiterait les opérations de gestion des ressources sur l’exploitation telles que les pratiques d’IAE.

Il nous apparaissait ainsi pertinent de pouvoir travailler dans des contextes qui combinent ces conditions d’accès aux facteurs de production. Trois terrains d’étude ont finalement été retenus, présentant des situations socioéconomiques contrastées vis-à-vis de l’accès aux facteurs de production et de l’IAE (tableau 2.1): La Guadeloupe (Grande Terre et Basse Terre), l’Amazonie Brésilienne (Commune de Paragominas, Etat du Pará), et Cuba (Province de Matanzas) (tableau 2.1). L’agriculture de Guadeloupe, petite région insulaire, est marquée par (i) un accès limité à la terre de par la taille de l’île et sa densité de population, (ii) un accès limité à la main d’œuvre du fait du coût de la main d’œuvre, et par (iii) un accès important au capital, comme secteur économique fortement subventionné au sein d’un département français. L’agriculture familiale de l’Amazonie brésilienne, grande région continentale, est marquée par (i) un accès à la terre important, de par l’importance des surfaces encore disponibles et de la faible densité de population, (ii) un accès à la main d’œuvre modéré, du fait du faible coût de la main d’œuvre qui reste toutefois limitée, et par (iii) un accès modéré aux capitaux. L’agriculture de Cuba, région insulaire moyenne, est marquée par (i) un accès modéré à la terre, du fait de la taille de l’île et de son histoire agraire, (ii) un accès important à la main d’œuvre du fait de son faible coût et de sa disponibilité importante, et par (iii) un accès faible aux capitaux, du fait de l’accès limité aux intrants et aux équipements.

Guadeloupe (Continentale) Amazonie brésilienne (Municipe de Paragominas) Cuba (Province de Matanzas)

Contexte socioéconomique Petite région insulaire développée Région continentale en transition Région insulaire « atypique » Accès aux facteurs de production Main d’œuvre - = + Terre - + = Capital + = -

Hypothèses sur l’IAE - = +

Tableau 2.1 : Caractéristiques générales des terrains d’études et hypothèses de développement de l’intégration agriculture-élevage en fonction de l’accès aux facteurs de production pour chaque territoire.

Le choix spécifique de ces trois terrains est aussi lié à des collaborations scientifiques et universitaires existantes, qu’il nous semble important de préciser.

Le premier terrain support de ce doctorat est la Guadeloupe. Mon parcours m’a en effet amené à travailler pendant quatre ans sur ce territoire, dans le cadre d’un projet de partenariat Recherche-Formation-Développement portant sur la conception et l’optimisation de systèmes intégrés de type polyculture-élevage (Stark et al., 2010a). Dans ce cadre, j’ai été amené à collaborer étroitement avec l’Unité de Recherches Zootechniques (URZ) du Centre INRA Antilles-Guyane. De cette collaboration est né ce projet de thèse. Les travaux réalisés dans le cadre de cette thèse s’appuient ainsi sur les travaux menés précédemment en Guadeloupe (Stark et al., 2010b; 2012), dans la continuité des questionnements scientifiques qui ont pu en émerger.

Le second terrain, l’Amazonie brésilienne, a été retenu pour deux raisons principales: d’une part l’importance grandissante de la question de l’intégration agriculture-élevage au sein des formes d’agricultures familiales comme solution pour en améliorer les performances dans cette région du monde (Bendahan, 2015); et d’autre part dans le cadre d’un dispositif de recherche et d’enseignement en partenariat portant sur les forêts, les agricultures et les territoires en Amazonie (DP Amazonie) du CIRAD, au sein duquel l’UMR SELMET est partenaire. Dans ce cadre, l’UMR SELMET collabore depuis longtemps avec les partenaires brésiliens que sont l’EMBRAPA et l’UFPa (projets de recherche, échanges d’étudiants de Master, encadrement de thèse, etc.). Depuis plusieurs années, plusieurs travaux de recherche se développent sur la commune de Paragominas (Pará), présentant dès lors une zone d’étude appropriée pour y mener à bien ces travaux de recherche.

Le troisième terrain, Cuba, est le dernier terrain à avoir été intégré à ce dispositif de recherche. Tout en restant dans la même région du monde (région latino-caribéenne), Cuba développe depuis plusieurs années une agriculture dite « agroécologique » qui s’appuie notamment sur l’intégration entre agricultures et élevages (Funes-Monzote, 2008). Il nous apparaissait pertinent de pouvoir intégrer à notre échantillon des cas d’étude où agriculture et élevage sont a priori fortement intégrés, tel que ceux présents à Cuba. Nous nous sommes dès lors rapprochés de la station expérimentale « Pastos y forrajes Indio Hatuey » (EEPFIH), située dans la province de Matanzas, avec qui, l’URZ en Guadeloupe, et mon laboratoire d’accueil, l’UMR SELMET, collaborent.

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