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2.2. LES MOL ´ ECULES IMPLIQU ´ EES DANS LA TRADUCTION 45

2.2.4 Aminoacyl-ARNt synth´ etase

46 CHAPITRE 2. LE SYST `EME DE TRADUCTION BACT ´ERIEN

Fig.2.6 – Synth´etase appari´ee `a un ARNt. `A gauche on reconnaˆıt la structure de l’ARNt vue pr´ec´edemment. On voit le site de reconnaissance de l’anticodon `a une extr´emit´e de la synth´etase, ainsi que le site catalytique et le site de relecture `a l’autre.

l’acide amin´e en question est reconnu par l’aa-ARNt synth´etase, puis ad´enyl´e, et reste li´e

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a elle (Fig. 2.6). Ensuite, un ARNt va se lier `a la synth´etase. Le site de reconnaissance de l’anticodon va s’apparier avec l’anticodon port´e par l’ARNt, et, si l’appariement se fait de mani`ere compl´ementaire ou presque1, cela va d´eclencher un changement de conforma-tion au niveau du site catalytique permettant le chargement de l’acide amin´e par l’ARNt.

Ceci permet au final de passer de trois esp`eces chimiques dissoci´ees (acide amin´e, ARNt, et aa-ARNt synth´etase) `a une aa-ARNt synth´etase et un aminacyl-ARNt. `A cause de contraintes st´eriques et r´eactionnelles, chaque synth´etase ne peut se lier qu’avec un acide amin´e particulier. Il y a donc 20 synth´etases diff´erentes dans une cellule, une correspondant

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a chaque acide amin´e. Ensuite, la synth´etase de chaque acide amin´e ne peut r´eagir qu’avec certains ARNt (voir par exemple Rogers and Soll (1988)), particuli`erement en fonction de l’anticodon qu’ils portent, et chaque ARNt n’est reconnu que par une synth´etase, `a quelques tr`es rares exceptions pr`es (Hohn et al., 2006). Cette reconnaissance sp´ecifique `a la fois d’un acide amin´e et de quelques codons d´efinit le code g´en´etique (voir chapitre 3).

Le rˆole du site de relecture est de v´erifier qu’un ARNt est charg´e par le bon acide

1Certaines synth´etases peuvent reconnaˆıtre plusieurs ARNt diff´erents, qui malgr´e leurs anticodons diff´erents sont charg´es par le mˆeme acide amin´e.

2.2. LES MOL ´ECULES IMPLIQU ´EES DANS LA TRADUCTION 47 amin´e. La synth´etase peut en effet se lier `a un aminoacyl-ARNt form´e par l’ARNt qu’elle reconnaˆıt, grˆace `a la fois `a l’anticodon de l’ARNt et `a certaines bases sur ses boucles D et TψC. Une fois ce lien effectu´e, l’acide amin´e charg´e par l’ARNt va se trouver en face du site de relecture, dans lequel il va pouvoir s’ins´erer s’il correspond `a celui que la synth´etase en question peut charger. Dans ce cas l’aminoacyl-ARNt est relargu´e intact.

Si l’acide amin´e ne peut pas s’ins´erer dans le site de relecture, une erreur de chargement est d´etect´ee : l’ARNt test´e n’est pas charg´e avec un acide amin´e correspondant `a son anticodon. Dans ce cas l’aa-ARNt synth´etase va hydrolyser le lien entre l’acide amin´e et l’ARNt. Ce m´ecanisme permet de faire diminuer le taux d’erreur de chargement au niveau de l’ARNt `a moins de 10−4. Ce m´ecanisme de relecture est essentiel, et son dysfonctionne-ment peut avoir des cons´equences graves au niveau de l’organisme (Bacher and Schimmel, 2007).

On peut classer les synth´etases en deux grandes classes d’enzymes relativement simi-laires du point de vue de la s´equence et de la structure, chacune comprenant 10 des 20 aa-ARNt synth´etases. Les deux classes sont structuralement diff´erentes, ne s’associent pas au mˆeme cˆot´e de l’ARNt et n’hydrolysent pas l’ATP avec le mˆeme m´ecanisme. Les aa-ARNt synth´etases de classe II sont dim´eriques ou t´etram´eriques, tandis que les enzymes de classe I sont le plus souvent monom´eriques. De plus, il a ´et´e observ´e que les acides amin´es correspondants aux deux classes de synth´etases (`a savoir Ala, Asn, Asp, Gly, His, Lys, Phe, Pro, Ser, Thr pour la classe I et Arg, Cys, Gln, Glu, Ile, Leu, Met, Trp, Tyr et Val pour la classe II) ne sont pas r´epartis al´eatoirement : les acides amin´es ayant des pro-pri´et´es plutˆot similaires tendent `a se trouver dans la mˆeme classe (Cavalcanti et al., 2004).

Ceci laisse `a penser que les deux classes ont peut ˆetre ´evolu´e `a partir de deux mol´ecules originelles, en mˆeme temps que les acides amin´es ins´er´es dans le code g´en´etique et les ARNt correspondants. Finalement, malgr´e ce classement en deux cat´egories, il faut noter que les m´ecanismes de reconnaissance de l’anticodon et de l’acide amin´e varient beaucoup dans chaque classe, et que des codons tr`es similaires ne sont pas forc´ement reconnus par les mˆemes interactions, ni par des synth´etases appartenant `a la mˆeme classe. Par exemple les codons GAC, codant pour Asp, et GAG, codant pour Glu, ne sont pas reconnus par des synth´etases appartenant `a la mˆeme classe.

Les g`enes codant pour les synth´etases sont essentiels (voir par exemple Rocha and Danchin (2003b)). Ils sont soumis `a plusieurs processus de r´egulation tr`es int´eressants, parmi lesquels celui dit d’att´enuation de la transcription (Gollnick and Babitzke, 2002). Le mˆeme processus a lieu lors de la r´egulation des op´erons des voies biosynth´etiques des acides amin´es. L’id´ee est que, si la cellule est en manque de l’acide amin´e qui doit ˆetre charg´e sur la synth´etase, la surexpression des g`enes codant pour les synth´etases en question permet d’augmenter la concentration de synth´etases totale dans la cellule, et donc la concentration de synth´etases charg´ees. Indirectement la concentration d’ARNt charg´es est augment´ee,

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a cause du d´es´equilibre engendr´e entre les r´eservoirs de synth´etases charg´ees ou non. Ce processus permet donc d’´eviter qu’une carence d’un acide amin´e ne bloque la traduction, en autorisant la cellule `a consommer au maximum les r´eserves d’acide amin´e qui lui restent. Une r´egulation semblable agit sur les voies de biosynth`ese de l’acide amin´e en question, d´eclenchant sa synth`ese `a partir d’autres mol´ecules. Dans ce cas le processus est relativement simple, et est r´esum´e sur la Fig. 2.7.

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Fig.2.7 – Att´enuation de la transcription utilisant un m´ecanisme contrˆol´e par un ARNt.

Voir le texte pour plus de d´etails.

Quand l’acide amin´e est pr´esent en grande quantit´e, ainsi que la synth´etase, la majorit´e des ARNt pouvant le charger sont sous forme aminacyl-ARNt. Dans ce cas (haut de la figure), l’aa-ARNt ne peut pas interagir avec la boucle de l’ADN formant la s´equence terminatrice de r´egulation, et la transcription ne peut pas d´epasser cette boucle : le g`ene de l’aa-ARNt synth´etase, situ´e en aval, n’est pas transcrit. Au contraire, quand l’acide amin´e ou la synth´etase sont pr´esents en faible quantit´e (bas de la figure), les ARNt correspondants ne sont pas charg´es, et l’ARNt peut interagir avec la boucle d’ADN, formant une s´equence antiterminatrice, et autorisant la polym´erase `a atteindre le g`ene de la synth´etase et `a le transcrire. Ce m´ecanisme de r´egulation, entre autres, permet d’ajuster la concentration de synth´etases dans la cellule en fonction des besoins exacts, et de la disponibilit´e en acide amin´es. Les estimations sur le nombre de synth´etases chez E.

coli varient en fonction de l’acide amin´e consid´er´e et des conditions environnementales, mais sont de l’ordre de 500 par synth´etase (Neidhardt et al., 1977). Cette estimation doit cependant ˆetre manipul´ee avec pr´ecautions, car elle pr´ec`ede la d´ecouverte de plusieurs des m´ecanismes de r´egulation des synth´etases (S¨oll and RajBhandary, 1995).