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2.2. LES MOL ´ ECULES IMPLIQU ´ EES DANS LA TRADUCTION 45

2.2.5 Les acides amin´ es

48 CHAPITRE 2. LE SYST `EME DE TRADUCTION BACT ´ERIEN

Fig.2.7 – Att´enuation de la transcription utilisant un m´ecanisme contrˆol´e par un ARNt.

Voir le texte pour plus de d´etails.

Quand l’acide amin´e est pr´esent en grande quantit´e, ainsi que la synth´etase, la majorit´e des ARNt pouvant le charger sont sous forme aminacyl-ARNt. Dans ce cas (haut de la figure), l’aa-ARNt ne peut pas interagir avec la boucle de l’ADN formant la s´equence terminatrice de r´egulation, et la transcription ne peut pas d´epasser cette boucle : le g`ene de l’aa-ARNt synth´etase, situ´e en aval, n’est pas transcrit. Au contraire, quand l’acide amin´e ou la synth´etase sont pr´esents en faible quantit´e (bas de la figure), les ARNt correspondants ne sont pas charg´es, et l’ARNt peut interagir avec la boucle d’ADN, formant une s´equence antiterminatrice, et autorisant la polym´erase `a atteindre le g`ene de la synth´etase et `a le transcrire. Ce m´ecanisme de r´egulation, entre autres, permet d’ajuster la concentration de synth´etases dans la cellule en fonction des besoins exacts, et de la disponibilit´e en acide amin´es. Les estimations sur le nombre de synth´etases chez E.

coli varient en fonction de l’acide amin´e consid´er´e et des conditions environnementales, mais sont de l’ordre de 500 par synth´etase (Neidhardt et al., 1977). Cette estimation doit cependant ˆetre manipul´ee avec pr´ecautions, car elle pr´ec`ede la d´ecouverte de plusieurs des m´ecanismes de r´egulation des synth´etases (S¨oll and RajBhandary, 1995).

2.2. LES MOL ´ECULES IMPLIQU ´EES DANS LA TRADUCTION 49 chez certaines bact´eries des acides amin´es suppl´ementaires, comme la s´el´enocyst´eine et la pyrrolysine, et la possibilit´e d’en d´ecouvrir d’autres est ´etudi´ee (Ambrogelly et al., 2007;

Lobanov et al., 2006; Masashi et al., 2007). Des acides amin´es non pr´esents in vivo ont

´egalement ´et´e ins´er´es dans certaines prot´eines par modification g´en´etique, tout en gar-dant la fonctionnalit´e prot´eique (Link et al., 2003). Ceci permet d’affirmer que le choix des 20 acides amin´es pr´esents dans les prot´eines n’est pas n´ecessairement fonctionnel, et de nombreuses th´eories ´evolutives sur l’origine et l’emploi de ces acides amin´es ont ´et´e propos´ees. Notamment, l’absence dans les prot´eines du vivant d’acides amin´es existants en tant qu’´etapes interm´ediaires dans certaines voies m´etaboliques, comme l’ornithine ou la norleucine, peut s’expliquer par le fait que ces acides amin´es se cycliseraient une fois charg´es sur l’ARNt, et ne pourraient ˆetre incorpor´es dans les prot´ınes. Cependant, cette explication n’est pas suffisante pour expliquer l’absence dans les prot´eines de certains acides amin´es, comme le 2-aminobutyrate. On pourra consulter par exemple Danchin (1990, 2007), Doring et al. (2001) ou encore Sekowska (1999) et leurs r´ef´erences pour une discussion plus approfondie `a ce sujet.

Les acides amin´es ont des propri´et´es chimiques diff´erentes, d´ependant de leur compo-sition et de leur structure. Ces propri´et´es sont celles qui,in fine, donneront aux prot´eines leurs fonctions et leur structure. Nous allons ici passer bri`evement en revue les diff´erentes propri´et´es des 20 acides amin´es classiques (Fig. 2.8). Les acides amin´es les plus simples sont l’alanine et la glycine, qui ne portent respectivement qu’un groupe m´ethyle ou un hydrog`ene sur le carboneα. Ces deux acides amin´es auraient pu ˆetre synth´etis´es dans des conditions pr´ebiotiques (Miller and Urey, 1959), voire ˆetre les blocs de base des premi`eres prot´eines (Trifonov, 2004). Ces deux acides amin´es, tr`es simples, sont massivement em-ploy´es dans les prot´eomes bact´eriens ; par exemple chezE. coli l’alanine repr´esente 9.4%

des acides amin´es employ´es, et la glycine 7.3%.

En progressant sur l’´echelle de la complexit´e, les acides amin´es suivants ont un radical form´e uniquement d’une chaˆıne carbon´ee. Il s’agit de la leucine, l’isoleucine et la va-line, que leur chaˆıne carbon´ee rend tr`es hydrophobes. De plus grandes chaˆınes carbon´ees conduisent `a des circularisations, avec la chaˆıne carbon´ee reli´e `a l’atome d’azote dans le cas de la proline, ou la pr´esence de structures aromatiques dans le cas de la ph´enylalanine, la tyrosine et le tryptophane. La ph´enylalanine, comme les pr´ec´edents acides amin´es, est tr`es hydrophobe, tandis que les autres sont plus hydrophiles, `a cause des groupes r´eactifs port´es sur leurs anneaux aromatiques : un groupe hydroxyle dans le cas de la tyrosine, et un groupe indole dans le cas du tryptophane. `A cause, respectivement, de leur structure en anneau, et de leurs longues chaˆınes carbon´ees, la ph´enylalanine, la tyrosine, le trypto-phane ainsi que l’isoleucine et la valine sont moins pr´esents `a l’int´erieur des h´elicesα, des structures h´elico¨ıdales classiques dans les prot´eines. `A la place, ces acides amin´es ont une forte propension `a former des structures planaires dans les prot´eines, nomm´ees feuillets β, dans lesquelles on trouve ´egalement beaucoup de proline.

Les autres acides amin´es sont caract´eris´es par un niveau de r´eactivit´e beaucoup plus

´elev´e. On trouve tout d’abord la m´ethionine et la cyst´eine, caract´eris´es par la pr´esence d’un atome de soufre rempla¸cant un carbone de la chaˆıne, et ´egalement tr`es hydrophobes.

Les atomes de soufre de deux cyst´eines peuvent se coupler pour former un pont disulfure, extrˆemement stable, dans une prot´eine. Ensuite viennent la thr´eonine et la s´erine, avec un groupe hydroxyle tr`es r´eactif, et qui `a l’instar de la tyrosine et du tryptophane sont plus hydrophiles `a cause de ce groupe r´eactif. D’autres acides amin´es sont tr`es hydrophiles,

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a cause d’une amide port´ee en bout de chaˆıne. L’amide est charg´ee positivement `a pH

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Fig. 2.8 – Tableau r´ecapitulatif des propri´et´es des 20 acides amin´es trouv´es dans les organismes vivants.

2.2. LES MOL ´ECULES IMPLIQU ´EES DANS LA TRADUCTION 51 neutre, expliquant l’hydrophilie de ces acides amin´es, `a savoir l’arginine, l’histidine et la lysine. Les quatre derniers acides amin´es se r´epartissent en deux paires d’acides amin´es semblables, dans lesquelles le premier porte un groupe acide carboxylique en bout de chaˆıne carbon´ee, tandis que le deuxi`eme le remplace par un groupe carboxamide. Ces deux paires sont (acide aspartique/asparagine) et (acide glutamique/glutamine). Les deux acides sont tr`es r´eactifs en solution.

Les acides amin´es ont donc des propri´et´es r´eactionnelles tr`es diff´erentes, en fonc-tion de leur structure. Cette structure implique ´egalement un coˆut : les acides amin´es les plus simples, comme l’alanine et la glycine, n´ecessitent moins de ressources pour ˆetre synth´etis´es – ils ont un coˆut m´etabolique plus faible (Akashi and Gojobori, 2002;

Baudouin-Cornu et al., 2001) – et donc peuvent ˆetre employ´es plus souvent. Ceci est un des nombreux param`etres `a prendre en compte lors de l’´etude de la composition prot´eique d’un organisme (Pascal et al., 2005, 2006) et de son ´evolution (Rocha, 2006), avec par exemple son adaptation `a son environnement (Tekaia et al., 2002).

Les 20 acides amin´es peuvent ˆetre synth´etis´es par E. coli et de nombreux autres microorganismes, mais ceci n’est pas le cas chez les eucaryotes sup´erieurs : par exemple, pour l’homme, 9 acides amin´es sont essentiels et ne peuvent pas ˆetre synth´etis´es `a partir d’autres mol´ecules. La biosynth`ese des acides amin´es est r´egul´ee, comme celle des des synth´etases, par une att´enuation transcriptionnelle (Gollnick and Babitzke, 2002). Celle-ci n’implique pas les ARNt comme ´el´ements de r´egulation, mais les ribosomes. Le principe est le mˆeme : les g`enes codant pour des enzymes de la voie de biosynth`ese d’un acide amin´e sont regroup´es en un op´eron, pr´ec´ed´e par une structure complexe comprenant un terminateur de transcription. La transcription est d´emarr´ee un peu avant ce site, cr´eant un d´ebut d’ARNm que les ribosomes vont commencer `a traduire. Cette s´equence d’ARNm contient plusieurs codons correspondant `a l’acide amin´e r´egul´e. En cas d’exc`es de l’acide amin´e en question, les ribosomes peuvent traduire sans difficult´es ces s´equences et vont aller percuter l’ARN polym´erase bloqu´ee sur le terminateur : le processus s’arrˆete sans que les g`enes de la voie de biosynth`ese ne soient transcrits. Mais en cas de d´eficit de l’acide amin´e en question, les ribosomes sont bloqu´es au d´ebut de l’ARNm, laissant assez de temps pour que se forme une structure antiterminatrice et que la polym´erase puisse transcrire les g`enes de la voie de biosynth`ese.