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Améliorer la qualité par une meilleure lutte contre les ennemis des fruits

4. Evaluation de l’impact de la filière sur le développement

3.2. Les interactions avec les autres filières agricoles

2.1.1. Améliorer la qualité par une meilleure lutte contre les ennemis des fruits

La forte distance entre la zone de production et les marchés va nécessiter la prise de mesures drastiques sur l’ensemble des exploitations:

- La systématisation du marquage des régimes à la floraison de manière à maîtriser l’âge physiologique des fruits à la récolte;

- L’épistillage des fleurs en champ sur régimes à la floraison et non plus en station à la récolte comme c’est le cas actuellement;

- La palettisation au départ des stations d’emballage.

Toutes ces opérations représentent un surcoût significatif à la charge des exploitants en terme de main d’oeuvre ou d’intrants qu’il faut prendre en considération comme facteur lié à l’éloignement du marché. Il est à noter que si le surcoût concernant la palettisation a été inclus dans les évaluations du surcoût lié à l’éloignement que nous avons réalisé précédemment, en revanche l’épistillage et la systématisation du marquage ne sont pas inclus dans nos évaluations (ce coût supplémentaire serait de 30 €/t environ).

2.1.2. Diminuer l’hétérogénéité par une restructuration de la production

2.1.2.1. Agir sur la structure de l’offre

L’hétérogénéité de la production est en partie liée, à l’éclatement de l’offre des petites et très petites exploitations qui ne contribuent pourtant que très faiblement à la production totale des deux îles. Leur intérêt réel pour améliorer la production et mettre en œuvre des changements techniques nécessitant parfois des investissements financiers, est parfois difficile à percevoir. Tous les analystes prévoient pour les années à venir une disparition progressive de ces petites exploitations. Elle est perceptible au niveau des statistiques des groupements de producteurs.

Ce constat a conduit les pouvoirs publics à proposer des mesures d’incitation au départ de ces petits producteurs qui pèsent sur la « qualité » (Luu, 2003). Un contrat de progrès sur 5 ans a été ainsi signé en juin 2004, avec les organisations professionnelles comportant notamment des mesures d’aide sociale pour les exploitations non viables (mesure d’âges, reconversion professionnelle…). Les collectivités territoriales ont été par ailleurs sollicitées pour des mesures sociales complémentaires (prime au départ, arrachage, reconversion).. Cependant, la mise en œuvre de ces mesures pourrait prendre en considération le fait qu’une partie de ces petits exploitants (taille des exploitations en général inférieure à 4-5 ha) sont des retraités ou des pluriactifs qui parfois cultivent la banane dans l’objectif de préserver un statut social d’agriculteur. L’accès à une couverture sociale peut être jugé plus important que les incitations à la reconversion. Dans cette hypothèse ces petites exploitations ne mobiliseront que peu les dispositifs mis en place.

Par ailleurs émergent des petites exploitations qui produisent de la banane en fonction d’objectifs variés tels que l’accès à une indépendance pour d’anciens ouvriers ou gérants de grandes exploitations qui veulent affirmer leur nouveau statut dans le contrôle des fruits de leur travail (dans ces cas la qualité du produit est souvent correcte).

Pour essayer de tenir compte de cette hétérogénéité des petits producteurs, nous recommandons que la proposition de prime à l’arrachage soit partiellement réservée aux surfaces difficiles à exploiter (fortes pentes, proximité des habitations…) ou à l’introduction de jachères lors de l’agrandissement d’une exploitation par la reprise des terres d’un exploitant en cessation d’activité.

2.1.2.2. Agir également sur la restructuration de la production

La nécessaire prudence sur les effets possibles de ces recommandations conduit à compléter les interventions sur la restructuration des exploitations précédentes par des interventions sur la production. Des innovations techniques et organisationnelles à fortes répercussions sur la qualité des fruits produits pourraient aussi être prises rapidement en appui aux petits producteurs principalement dans l’amélioration du fonctionnement des centres d’empotage. En effet aujourd’hui, l’assemblage des différents lots dans les centres d’empotage est limité par la traçabilité des contributions individuelles ; elle est aussi responsable, pour partie, de l’hétérogénéité actuelle de la production. L’amélioration des mécanismes d’assemblage ou du fonctionnement des centres d’empotage est possible. Elle requiert plusieurs types d’actions complémentaires :

- élaborer des règles pour trier les lots non seulement sur la base des critères actuels de normalisation en catégories mais aussi en fonction de leurs conditions de production (terroir, conduite de la culture).

- ces règles de différenciation, après avoir été établies et harmonisées entre les producteurs, pourraient contribuer à la construction d’une échelle de prix qui tienne compte de la valorisation des différents lots (indiquant par exemple une prime « à priori » par rapport aux cours moyens de transactions que percevront les producteurs).

- renforcer le suivi qualitatif par les centres d’empotage et la constitution de lots plus importants par le regroupement de petites exploitations correspondant à des milieux pédo-climatiques et des itinéraires techniques homogènes,

- retirer les contremarques qui n’ont pas la possibilité d’exporter ou qui ne s’obligent pas à exporter de façon hebdomadaire. Ces lots de bananes devraient être systématiquement considérés comme en dehors du standard qualitatif requis. Cette mesure de retrait doit s’accompagner de contreparties permettant de favoriser le regroupement des petites exploitations ou de leurs stations d’emballage.

2.1.3. La responsabilité des groupements dans la rémunération de la qualité

La mise en œuvre d’une politique d’amélioration de la qualité va requérir de la part des exploitants de forts investissements en temps de travail, en capital physique et humain. Ils sont difficiles à réaliser dans le contexte actuel de fortes contraintes sur la trésorerie. De plus, le décalage dans le temps entre la prise de décision technique, la livraison des fruits et la réalisation financière de la vente est tel qu’il rend difficile pour les producteurs toute analyse des relations entre les efforts techniques et l’augmentation de sa rémunération. Cette situation ne plaide pas pour une incitation à l’amélioration de la qualité.

Les groupements de producteurs ont une mission centrale par les incitations qu’ils donnent aux producteurs à travers le système qui détermine la rémunération des « qualités » de banane et donc des différents producteurs.

Or l’examen de ces systèmes révèle trois constats :

 les mécanismes de rémunération de la qualité sont variables d’un groupement à l’autre ;  ces dispositifs de rémunération de la qualité sont parfois critiqués par les producteurs

qui mettent en doute la relation entre la qualité de leur banane et le niveau de rémunération obtenu ;

 la mise place de ce système de rémunération implique au préalable une mutualisation des ventes qui existe en Martinique mais n’est pas mise en place en Guadeloupe 18 ;

 les règles qui fixent les mécanismes de rémunération de la qualité devront être plus transparentes.

Pour les Antilles, les innovations dans les systèmes de rémunération de la qualité des fruits, nécessiteraient une harmonisation des comptes de vente entre les groupements de producteurs. Dans leur forme actuelle, ces comptes de vente engendrent une opacité du mode de formation des prix payés aux producteurs. L’adoption par les groupements d’un compte de vente «harmonisé» et transparent peut être posée comme une première étape nécessaire à la mise en place d’un système de rémunération des apports performants.

Conclusion sur la diminution de l’hétérogénéité de lots et la rétribution de la qualité

L’amélioration de la qualité est au cœur de la compétitivité future de la filière antillaise. Elle conditionne la capacité de cette filière à se construire une identité qui lui permette de capturer « le capital sympathie du consommateur sur l’origine Antilles » que le marché est susceptible de lui concéder et rémunérer. Elle requiert des mesures à plusieurs niveaux : la mise en place des cahiers des charges de qualité, la transparence sur le mécanisme de rémunération des livraisons de fruits, et le développement des systèmes de contrôle..

L’adoption des cahiers des charges et de leur mode de contrôle devrait être fait de manière récurrente dans le temps pour s’adapter aux exigences du marché et faire en sorte qu’ils soient respectés. Il n’est pour cela, à priori, pas nécessaire de créer à chaque fois une nouvelle marque ! On évitera ainsi les ‘fausses segmentations’ qui provoquent des facteurs d’hétérogénéité et de dispersion supplémentaires.

Il convient de développer en priorité un système de rémunération différencié des lots de bananes par les groupements. La mise en œuvre de cette stratégie dépendra des rapports de

18 Cette mutualisation signifie qu'une banane de même catégorie (entrant dans le cahier des charges qualité) est rémunérée au même prix à tous les planteurs quelque soit le prix auquel a été vendu le lot (le prix de rémunération est la moyenne des prix obtenus sur la semaine pour les lots de la catégorie correspondante). Cette mutualisation implique un accord entre les producteurs (qui n'a pas eu lieu en Guadeloupe). Elle a pour effet de « gommer » les variations liées à la taille des lots.

force au sein des conseils d’administration des groupements. Le rôle des experts à ce stade ne peut que se limiter à tracer les contours génériques de ce que pourrait être ce système.

A un second niveau, la mise en œuvre de cette démarche « promotion de la qualité » va nécessiter une réflexion sur les mécanismes de rémunération auprès des adhérents. Le passage d’un système de rémunération de la qualité « a posteriori » à un système de rémunération de cette qualité « a priori » pourrait reposer sur des incitations financières aux producteurs. Ce changement nécessiterait une modification des règles de rémunération des adhérents qui ne peut se concevoir sans une forte mobilisation des groupements. La mise en place d’un tel système procède de l’innovation organisationnelle. Elle est tributaire d’une concertation négociée entre les producteurs, les groupements et des importateurs-mûrisseurs dont le rôle est déterminant. Elle dépend aussi d’une meilleure circulation de l’information et d’un mécanisme qui reste à élaborer de préfinancement « a priori » de la qualité.

2.2. La segmentation du marché

La banane antillaise a un potentiel d’image positif auprès du consommateur français lié pour une partie d’entre eux à un voyage touristique exotique. Or le différentiel de prix de vente observé sur le marché français avec les productions africaines et sud-américaines montre que cet atout est peu exploité19. La segmentation future du marché est nécessaire pour créer des situations de rente20, source de compétitivité. Nous proposons de faire un état des lieux des supports de segmentation qui sont utilisés, et d’établir des recommandations sur quelques orientations stratégiques.