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Chapitre 4 : Applications microfluidiques en protéomique

5.1 Alternatives à la précipitation acide des protéines

Pour éviter cette étape de précipitation, notre approche consiste à utiliser un support solide pour fixer de manière spécifique les protéines contenues dans un échantillon tout en laissant les sels et autres molécules à éliminer passer à travers le support sans être retenues. Les réactions d'alkylation, de réduction et de marquage seraient directement sur les protéines fixées. Une élution serait réalisée après la digestion des protéines.

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5.1.1 Utilisation des phases classiques d'extraction sur phase solide (SPE)

L'extraction sur phase solide est très utilisée en dans les étapes de préparation d'échantillon en protéomique. Cependant, elle est souvent associée à une analyse ciblée. Les protéines sont des biomolécules qui peuvent être retenues par des interactions hydrophobes (SPE à polarité de phase inversée), ionique SPE d’échange d'ions), ou par rétention par affinité... Cependant, l'utilisation de ces propriétés est plus évidente au niveau peptidique qu'au niveau de la protéine entière79.

La première piste que nous avons envisagée est l’utilisation de phases classiques pour la l'extraction sur phase solide (SPE) comme alternative à la précipitation des protéines. Nous avons ainsi testé certaines phases à polarité inversée, la phase SCX avec des propriétés d'échange de cation et l'oasis MCX (Waters) qui possède à la fois des propriétés de phase à polarité inversée et d'échange de cation. Un test de rétention de la BSA a été effectué en utilisant ces 3 phases. Les performances de la phase MCX pour la rétention de la BSA se sont montrées supérieures à celles des autres phases.

Deux protocoles ont été testés pour la rétention des protéines sur la phase MCX. La différence entre ces protocoles concerne le conditionnement de la phase77 avant le chargement des protéines. En effet, la phase est conditionnée dans le premier protocole avec du méthanol et dans le deuxième avec de l'acide citrique tamponné à pH=3. Dans le cas du conditionnement avec du méthanol, la cartouche est rééquilibrée avec de l'eau Milli-Q. Après le conditionnement, le protocole est identique. Après avoir passé l'échantillon à travers la cartouche, des solutions d'ammonium bicarbonate de 200 et 500 mM ont été utilisées pour tester la rétention des protéines en condition basique. Pour finir, on procède à l'élution des protéines avec une solution de méthanol 70%. Un dosage protéique BCA est réalisé sur l'ensemble des phases recueillies durant le protocole.

On observe une meilleure rétention suite à un conditionnement avec de l'acide citrique. En effet, plus de 90% de la quantité d'échantillon chargée au départ (200 µg) reste retenue sur la phase lors du chargement, malgré le changement de pH pour être élué à la fin avec 70% de méthanol.

Figure18 : Test de rétention échantillon standard BSA, répartition de la quantité de BSA initialement chargée dans les différentes solutions utilisées après rétention de la BSA sur la phase Oasis MCX (P1 acide citrique, P2 méthanol)

P1 : Acide Citrique Chargement ABC 50 ABC 200 MeOH P2 : Méthanol Chargement ABC 50 ABC 200 MeOH

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Au vu de ces résultats, la phase MCX a été testée pour la rétention des protéines d'un échantillon complexe et leur digestion. Le test consiste à charger l'échantillon de protéines contenues dans un tampon d'acide citrique sur une cartouche d'oasis MCX conditionnée avec le même tampon. Ensuite les réactifs dissouts dans un tampon d'ammonium bicarbonate pour la réduction, l'alkylation et le blocage des cystéines sont ajoutés successivement. Ensuite, de la trypsine dans une solution de tris-HCl à pH=8 est ajoutée pour la digestion. Pour finir les peptides sont récupérés durant l'élution avec une solution de méthanol 70%. Les résultats de ce protocole exempt de précipitation acide des protéines ont été comparés à ceux issus du même échantillon traité par le protocole OcSILAC classique. Pour cela, 200 µg de protéine marquée (lourd, H) sont traités par OcSILAC classique et la même quantité de protéine non marquée (léger, L) est traitée et digérée sur la cartouche MCX. Les peptides générés des 2 protocoles sont à la fois analysés séparément et mélangés à volume égal avant d'être analysés par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse. La comparaison du nombre de protéines identifiées que le protocole OcSILAC permet d'identifier un plus grand nombre de protéines malgré les précipitations acides. En réalisant la distribution des rapports lourd/léger (peptide identifié OcSILAC/peptides identifiés par MCX), il apparait que le protocole OcSILAC permet d'identifier plus de peptides et avec des intensités plus élevées. Ces observations pourraient être expliquées par une capacité de rétention de la phase MCX moins performante quand il s'agit d'échantillons complexes.

5.1.2 Utilisation d'une membrane de filtration moléculaire

La préparation d'échantillon par ultrafiltration (Filter-Aided Sample Preparation FASP) est une méthode de préparation d'échantillon mise au point dans le but de faciliter l'élimination des détergents après l'extraction et la solubilisation des protéines. Elle consiste à utiliser une membrane de filtration moléculaire en cellulose régénérée permettant de retenir certaines molécules selon leur taille et d'en éliminer d'autres par ultrafiltration. Ces membranes sont aujourd'hui commercialisées avec différents seuils de filtration : 3, 10 et 30 kDa. La membrane avec un seuil de filtration de 10 kDa permet de retenir toutes molécules dont la taille dépasse 10 kDa tandis que celles dont la taille est en dessous ne sont pas retenues. Utilisée en protéomique, elle permet de retenir les protéines dont la grande majorité est à plus de 10 kDa tandis que les détergents (comme le SDS), les réactifs (IAM, DTT, biotin-HPDP 600 Da) et les contaminants (sels) pourront être éliminés de l'échantillon par ultrafiltration. L'utilisation de cette membrane de filtration peut être résumer comme suit : i) rétention des molécules dont la taille est supérieure au seuil de filtration de la membrane de filtration moléculaire (>10 kDa, les protéines), ii) éliminations des molécules de petite qui passeront à travers la membrane sans être retenues (sels), iii) ajout de la trypsine sur la membrane pour la digestion des protéines retenues et en fin iv) récupération des peptides générés par la digestion par l'enzyme trypsine. Les peptides générés par une digestion tryptique sont généralement inférieur à 4000 Da79 et pourront donc passer à travers la membrane de filtration

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Suite à la digestion qui sera effectuée directement sur la membrane, les peptides générés seront de taille assez petite pour passer à travers la membrane et être récupérés par ultracentrifugation. L'utilisation de cette méthode à travers les Microcon® (Merck) constitue une alternative à la précipitation acide des protéines. Dans un premier temps, il était impossible d'effectuer le protocole OcSILAC par FASP car le dimethylformamide (DMF) utilisé pour la dissolution de la biotine-HPDP EZ-link (Thermofisher) était incompatible avec la membrane de filtration en cellulose régénérée.

Des tests ont été effectués dans le but de comparer cette méthode de rinçage à la précipitation acide. Dans un premier temps, la variation de la méthode FASP est étudiée en analysant 5 fois le même échantillon pour comparer les intensités moyennes des peptides identifiés pour chaque analyse. La variation est comparée à celle obtenue avec la même démarche mais pour un échantillon traité en ayant recours à la précipitation acide des protéines pour le rinçage. On observe alors une meilleure reproductibilité avec les échantillons traités par FASP.

Figure 19 : Distribution des intensités moyennes des peptides identifiés par FASP et précipitation TCA pour 5 analyses

L'utilisation de la biotine-HPDP-WS qui est soluble dans l'eau ne nécessitant pas l'utilisation du DMF permet d'adapter le protocole OcSILAC complètement par FASP. Des versions lourde et légère (marquée et non marquée) d'extrait protéique de levure ont été respectivement traitées par FASP et par précipitation acide. Cette approche a permis de comparer le nombre de peptides identifiés en tenant compte de la distribution de la taille de ces peptides. Ce qui a permis d'observer que la méthode FASP permettait d'identifier plus de peptides que l'approche par précipitation acide des protéines et ce dans toutes les gammes de masse. Ce qui montre que la filtration moléculaire offre un taux effectif de récupération des peptides par ultracentrifugation après la digestion.

9.5 10 10.5 11 11.5 12 12.5 1 2 replicat1 replicat2 replicat3 replicat4 replicat5

FASP Précipitation acide

In te n si té m o y enn e (1 0 6)

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Figure 20 : Comparaison du nombre de peptides identifiés (organisés par gamme de masse) par FASP et par précipitation TCA dans la fraction non retenues (NotBound)

Dans la fraction retenue (Bound) contenant essentiellement les peptides portant une cystéine initialement oxydée, le nombre de peptide identifié est plus grand avec la méthode FASP. Ceci pourrait signifier que la méthode FASP induit plus d'oxydation durant la préparation d'échantillon. Cette tendance étant aussi observée dans la fraction non retenue, cela pourrait s’expliquer par le fait que la méthode FASP offre une meilleure couverture du protéome. Cette observation est d'ailleurs déjà mentionnée dans la littérature98. Pour évaluer la collecte des peptides tryptiques avec la méthode FASP, les Microcon® utilisés sont rincés avec une solution de méthanol 70%. Ce rinçage a pour but d'évaluer le nombre de peptides qui reste adsorbés sur la membrane ou les parois des tubes Microcon®. Le méthanol est ensuite évaporé avant d'analyser la solution de rinçage en LC-MS/MS. La figure 18 montre la comparaison entre les peptides identifiés dans l'élution et dans la solution de rinçage. On peut constater qu'un nombre important de peptides restent adsorbés dans le Microcon et ne sont pas collectés. Cependant, malgré cela la méthode FASP offre quand même une meilleure couverture du protéome que la précipitation acide (TCA).

0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 Moins de 1000 1000 et 2000 2000 et 3000 3000 et 4000 plus de 4000

Identification des peptides

Lourd-OcSILAC Léger-OcMicrocon N o mb re d e p e p ti d e Masse (Da)

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Figure 21 : Nombre de peptides identifiés suite au rinçage (méthanol 70%) des Microcon® après élution, Comparaison avec le nombre de peptide identifié dans l'élution

La méthode FASP se présente comme une bonne alternative à la précipitation acide car elle offre une meilleure reproductibilité et une meilleure couverture du protéome. Cependant, elle ne réduit pas la quantité d'échantillon et de réactif par rapport à la précipitation acide. Elle entraine une légère augmentation du coût des manips avec l'achat des Microcon® qui ne sont pas réutilisables d'ailleurs.

5.2 Fabrication d'un dispositif microfluidique intégrant une