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Le référentiel de formation infirmier est construit sur la base de l’alternance entre des temps de formation théorique à l’IFSI et des temps de formation clinique sur des lieux de stage où les étudiants réalisent des actes et des activités de soins qui leur permettent de construire des compétences. Les stages sont donc des lieux propices au questionnement et à la confrontation entre savoir théorique et savoir pratique.

Cependant A. Geay (1998, p. 37) parle de fausse opposition entre savoir théorique et savoir pratique. Pour lui, « l’alternance est fondée sur la non séparation du savoir théorique

et du savoir pratique dans la compétence professionnelle ».

L’alternance semble être un système complexe où nous allons essayer d’apporter du sens.

1. L’alternance : un terme polysémique

Appuyons nous sur deux auteurs pour définir l’alternance. Selon P. Perrenoud (cité par C. Durand 2003) « l’alternance désigne le va et vient d’un futur professionnel entre deux

lieux de formation, d’une part un institut de formation initiale et d’autre part un ou plusieurs lieux de stage ».

Pour rejoindre A. Geay, les différents lieux doivent interagir et s’alimenter mutuellement dans le but de permettre la construction de compétences.

J. Clénet et J.N. Demol (2002, p. 101-102) vont plus loin et appréhendent l’alternance comme « un enchevêtrement d’action de natures diverses dans des

environnements complexes, avec des acteurs multiples, des systèmes d’actions finalisés (missions, fonctions, valeurs) produisant des effets à différents niveaux (acteurs, institutions, organisations) et se transformant au fil du temps, tout en transformant leur environnement ».

Cette définition de l’alternance comme système complexe en évolution correspond à l’alternance développée dans la formation en soins infirmiers. En effet, on retrouve les différents partenaires (institution et lieux de stage) avec des organisations, des logiques différents qui évoluent et dont les acteurs évoluent aussi.

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D’ailleurs J. Clénet et J.N. Demol (2002, p. 102) distinguent trois pôles dans l’alternance :

Schéma n°1 : « Représentation macroscopique de l’alternance » (J. Clénet, J.N. Demol, 2002, p. 102)

Pôle actoriel (étudiant en formation)

Pôle organisationnel Pôle institutionnel

(lieu de stage) (Institut de formation)

- Le pôle institutionnel (macro-environnement) : Les deux institutions que sont l’institut de formation et les lieux de stage sont des lieux de formation avec des cultures, des finalités et des logiques différentes. Pourtant l’alternance suppose qu’ils travaillent ensemble malgré d’inévitables mises sous tension. Des référents de stage sont ainsi identifiés dans les IFSI afin d’améliorer la coopération.

- Le pôle organisationnel (méso environnement) : Les deux lieux de formation ne peuvent s’ignorer. Grâce à leur partenariat, les deux lieux de formation doivent définir ensemble les modalités de formation. « Aussi, l’organisation de l’alternance

en situation articule ce qui est de l’ordre des institutions, des acteurs, de la pédagogie et de la didactique. Cette organisation ne va pas de soi » (Ibid., p. 103).

- Le pôle actoriel (micro environnement) : l’étudiant va donc être partagé entre les deux systèmes que sont l’IFSI et les lieux de stage. Il va donc être nécessaire que l’étudiant s’adapte à ces deux lieux. En tant qu’acteur de sa formation, l’étudiant va faire un travail sur soi, construire son projet personnel, faire évoluer ses représentations et construire ses savoirs.

Ces trois pôles évoluent chacun selon leurs propres logiques mais ils travaillent ensemble pour favoriser les conditions d’apprentissage de l’étudiant. Ils sont donc dépendants les uns des autres. Les pôles vont se prendre en compte mutuellement pour évoluer ensemble.

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Cela signifie que pour la formation infirmière les trois pôles vont co-agir et co-construire avec comme objectif central l’apprentissage des étudiants. Afin que l’alternance vive, elle

« se doit de relier ce que l’histoire a séparé, à savoir les institutions, les hommes, les savoirs et les apprentissages, selon une logique du tiers inclus, où les frères ennemis se parlent » (A.

Geay, J.C. Sallaberry, 1999). Prendre en considération l’autre, comprendre son fonctionnement et travailler de concert sont donc les maîtres mots d’une alternance réussie même si des ajustements sont toujours possible.

2. Les différents types d’alternance

Pour définir ces différents types d’alternance, nous allons nous appuyer sur les travaux de G. Malglaive qui en distingue trois (1993, p. 26-28) :

- L’alternance juxtapositive ou inductive

L’étudiant partage son temps entre deux lieux de formation sans qu’il n’y ait de lien entre les différents acteurs. La difficulté pour l’étudiant est le fait qu’il soit fréquemment soumis à des ruptures lors des passages entre l’un et l’autre lieu d’apprentissage et qu’il est l’impression de vivre dans deux mondes décalés.

Ce type d’alternance est retrouvé dans le programme de 1972 où il n’y avait pas de liens entre théorie et pratique et où l’étudiant agissait par mimétisme.

- L’alternance approchée ou déductive

Dans ce type d’alternance, les partenaires font en sorte que l’entreprise soit le lieu d’application des connaissances acquises à l’institut de formation. Toutefois la façon dont l’étudiant s’y prend pour apprendre et les liens qu’il peut faire entre les deux lieux de formation ne sont pas abordés entre les partenaires. On peut donc se poser la question de la réelle place laissée à l’étudiant.

- L’alternance réelle ou intégrative

Elle est le contraire de l’alternance juxtapositive. Des liens sont établis entre les deux lieux de formation par notamment l’utilisation d’expériences mutuelles. Comme le souligne J. Clénet (1998, p. 34), « Un des principes de l’alternance est de permettre l’action en vraie

grandeur, où le sujet pourra construire ses propres expériences». L’étudiant s’approprie

donc des savoirs théoriques et pratiques qu’il va transformer en compétences professionnelles. C’est ce type d’alternance qui est sous tendu dans le référentiel de 2009.

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Les deux lieux de formations, qui sont régis par des logiques différentes (logique de production pour les lieux de stage et logique de formation pour les instituts), ont un intérêt commun : celui de favoriser l’apprentissage de l’étudiant par le développement de compétences.

La difficulté pour l’étudiant infirmier est de trouver sa place dans ce système complexe. L’enjeu pour lui est de devenir un professionnel compétent et autonome. Il va essayer de trouver du sens en s’interrogeant sur le pourquoi et le comment des actions menées. Pour cela des situations de soins sont exploitées en formation et inversement.

Les personnes interviewées lors des entretiens s’accordent sur cette nécessité, cependant un écart existe avec la réalité. En effet, les moments de rencontre entre les formateurs- étudiants-tuteurs sont disparates d’un IFSI à un autre. Les équipes pédagogiques de certains IFSI ont fait le choix de se déplacer à chaque stage alors que d’autres IFSI ont décidé de s’y rendre moins souvent. Comment l’étudiant peut-il faire le lien entre les 2 lieux de formation et ainsi développer des compétences sans ces rencontres ?

Pour Malglaive (1993, p. 26-28), « la formation négociée, co-gérée par le centre de formation, les responsables des lieux d’exercice professionnel et les stagiaires, implique effectivement responsabilisation et conduite avec aménagement, d’un processus de formation articulant réellement savoirs scientifiques et techniques, savoirs pratiques et découverte progressive de la complexité des actions à mener par les membres du groupe et de la formation. ». D’où la nécessité de renforcer la co-construction d’une pédagogie de

l’alternance entre les deux lieux de formation dans une relation de réciprocité.

3. Vers une pédagogie de l’alternance

Dans le référentiel en soins infirmiers, l’alternance est un système d’interface entre l’institut de formation et le terrain de stage s’articulant autour de quatre dimensions d’après A. Geay (1998, p. 56) s’inspirant de G. Lerbet.

- Une dimension institutionnelle

Dans ce cadre, la formation doit être organisée et inscrite dans une dynamique de partenariat. Les partenaires sont engagés dans un projet commun et doivent avoir des responsabilités conjointes.

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- Une dimension didactique

Elle repose sur une logique d’apprentissage inversée. Les situations rencontrées sont exploitées afin de construire des savoirs interdisciplinaires au regard de la situation. Il y a volonté d’un rapprochement des deux lieux de formation.

- Une dimension pédagogique

Elle renvoie à la transformation de l’expérience en connaissances. Elle suppose une collaboration étroite entre formateur et tuteur afin de favoriser une co-construction des savoirs. Dans chacun des lieux l’étudiant va partager le savoir qu’il a acquis dans l’autre système. « Le tutorat s’inscrit dans cette dimension en proposant une triangulation entre

l’apprenant, le formateur et le tuteur ». (H. Menaut, 2013, p. 59). Il y a donc nécessité d’une

cohérence pédagogique.

- Une dimension personnelle

L’étudiant va construire son apprentissage. L’alternance va favoriser le développement de son autonomie dans sa professionnalisation et ainsi le rendre acteur et responsable de sa formation.

Conclusion partielle

L’alternance est donc un élément incontournable des dispositifs de formation. Il permet de conduire l’étudiant à sa professionnalisation. L’alternance met en œuvre une succession de périodes de formations théoriques et pratiques où vont naître plusieurs types d’alternance. Juxtapositive dans le programme de 1972 par deux temps bien distincts de formation, elle tend à devenir intégrative avec le référentiel de 2009. En effet l’enchevêtrement des deux périodes de formation permet à l’étudiant de donner du sens à sa pratique et ainsi de faire des liens entre les différentes logiques d’apprentissage.

Dans les formations en alternance, cette dernière ne doit pas être seulement considérée comme un rapprochement théorie-pratique, mais elle doit aussi permettre la construction de partenariats entre les différents lieux de formation. D’ailleurs d’après M. L. Bougès (2011, p. 65) « Le caractère intégratif de l’alternance est attribué à l’organisation partenariale ». Le lien théorie-pratique doit ainsi se construire dans un rapport de collaboration et de réciprocité entre les deux lieux de formation. Comment construire un partenariat autour d’un projet commun avec des logiques contradictoires ?

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