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Altération de la réparation des dommages à l’ADN

  Enfin, le suppresseur de tumeur p53 est également impliqué dans l’inhibition de l’entrée en  phase S du cycle cellulaire. En effet, il induit la transcription de p21, un inhibiteur de CDK bloquant la  levée  de  l’inhibition  exercée  par  Rb.  Ce  mécanisme  est  activé  en  cas  de  stress  cellulaire  et  donc  d’augmentation de la quantité de p53 (Giono and Manfredi, 2006). Il empêche l’entrée de la cellule en  phase S si les conditions ne sont pas propices au bon déroulement de cette dernière. Les mutations  inactivant p53 favorisent donc également la progression vers la phase S du cycle cellulaire, dans des  conditions susceptibles d’augmenter l’instabilité génétique des cellules cancéreuses.   

3/ Altération de la réparation des dommages à l’ADN 

    Si l’instabilité génétique des cellules cancéreuses est en partie due à leur progression forcée  vers la phase S du cycle cellulaire, et donc à l’accumulation d’erreurs au cours de la réplication de leurs  génomes, elle serait moindre si ces cellules possédaient des mécanismes de réparation efficace des  dommages à l’ADN. Outre les oncogènes et les suppresseurs de tumeurs, le dysfonctionnement des  gènes de maintenance du génome joue un rôle clé dans le développement du cancer.   

  Il  existe  un  certain  nombre  de  mécanismes  de  réparation  des  dommages  à  l’ADN  dans  les  cellules humaines, qui sont adaptés à la réparation des différents types de lésions susceptibles de se  produire.  Dans  la  plupart  des  cas  les  mécanismes  de  réparation  des  dommages  à  l’ADN  sont  redondants et une même lésion pourrait être prise en charge par plusieurs voies de réparation. Cette  Figure 16 : contrôle du cycle cellulaire par la protéine Rb. Gauche : Rb inhibe le facteur de transcription E2F en  empêche l’expression des gènes d’entrée en phase S. Centre : le complexe cycline D/CDK4 exprimé en phase G1 

inhibe Rb par phosphorylation et permet l’expression des gènes d’entrée en phase S. Droite : en cas de stress  cellulaire, la protéine p16 inhibe le complexe cycline D/CDK4 et empêche la progression du cycle cellulaire. 

redondance fonctionnelle représente un niveau de sécurité supplémentaire pour la cellule et diminue  la probabilité de stabilisation d’une mutation.  

  Les  mutations  ponctuelles  induisant  des  mésappariements  peuvent  ainsi  être  réparées  par  excision  de  base,  c’est‐à‐dire  clivage  de  la  base  azotée  anormale  puis  clivage  du  désoxyribose  mono‐phosphate restant (Kim and Wilson III, 2011), ou par excision de nucléotides, c’est‐à‐dire clivage  d’une  série  de  nucléotides  comprenant  le  nucléotide  muté  (Schärer,  2013)  (Figure  17).  Ces  deux  mécanismes  génèrent  des  coupures  simple  brin  de  l’ADN.  Le  remplacement  du  ou  des  nucléotides  manquant est alors réalisé par une ADN polymérase à partir du brin complémentaire. Les fragments  néosynthétisés sont ensuite incorporés au sein du brin endommagé par l’action d’une ADN ligase (Kim  and Wilson III, 2011; Schärer, 2013).  

  Ces  deux  mécanismes  sont  relativement  rapides  mais  ne  permettent  de  réparer  que  les  mutations  ponctuelles  concernant  un  nombre  restreint  de  nucléotides.  Le  dommage  à  l’ADN  susceptible de poser le plus de problèmes à la cellule est la rupture double brin de l’ADN. Celle‐ci peut  être causée par des radiations ionisantes, par des erreurs de réplication et par différents métabolites  cellulaires dont les agents oxydants. Sa réparation est plus complexe car aucun modèle permettant  une synthèse par complémentarité n’est disponible. 

  Dans  la  majorité  des  cas  et  notamment  dans  les  cellules  somatiques,  ce  type  de  lésion  est  réparé par jonction d’extrémités non homologues (NHEJ) (Figure 18). Les deux sites de clivages sont  reconnus par des hétérodimères des protéines Ku70 et Ku80. Différents autres facteurs sont recrutés  aux  sites  de  clivages  et,  si  nécessaire,  les  extrémités  libres  de  l’ADN  sont  clivées  jusqu’à  obtention  d’une microhomologie entre les deux extrémités libres qui permet leur ligation (Burma et al., 2006;  Rassool,  2003).  Ce  mécanisme  de  réparation  est  rapide  mais  conduit  à  la  délétion  d’un  fragment  d’ADN. L’apparition de ces délétions est plus ou moins dommageable selon l’organisme (proportion  codante  du  génome)  et  le  type  cellulaire  (cellule  somatique  ou  germinale).  Il  est  de  toute  façon  le  principal  mécanisme  exploitable  par  les  cellules  pour  réparer  les  ruptures  double  brin  de  l’ADN  en  dehors des phases S et G2 (Alberts et al., 2008).  Figure 17 : principe de la réparation des mésappariements par excision de base ou de nucléotides. Les rectangles  noirs représentent les nucléotides originels, les rouges les nucléotides mutés, les verts les nucléotides  néosynthétisés. 1 : clivage de la base azotée modifiée. 2 : clivage du désoxyribose mono‐phosphate  correspondant. 3 : synthèse du nucléotide manquant par complémentarité et insertion dans l’ADN. 4 : excision  d’une série de nucléotides contenant le muté. 5 : synthèse par complémentarité et insertion dans l’ADN. 

 

  En  effet,  entre  la  réplication  du  génome  cellulaire  et  la  mitose,  l’information  génétique  est  présente en double dans la cellule sous la forme de deux chromatides sœurs. Dans ce contexte, les  ruptures  double  brin  de  l’ADN  d’une  des  chromatides  sœurs  peuvent  être  reparées  en  utilisant  la  seconde chromatide comme modèle via le mécanisme de recombinaison homologue (Figure 19). Dans  un premier temps, les deux extrémités du site de clivage sont dégradées dans le sens 5’‐3’. Un des  deux brins d’ADN clivé va alors entrer en contact avec la double hélice intacte de la chromatide sœur.  En présence d’homologie de séquence entre l’ADN des deux chromatides, les deux brins de la double  hélice  intacte  se  séparent  localement  et  l’un  d’entre  eux  s’apparie  avec  le  brin  clivé.  La  partie  manquante de ce brin d’ADN est alors synthétisée par complémentarité avec celui de la chromatide  sœur. Les brins d’ADN des deux chromatides se séparent ensuite, la chromatide intacte retrouvant son  appariement originel. La partie néosynthétisée de la chromatide clivée peut alors s’apparier avec la  séquence  complémentaire  du  second  brin  clivé,  qui  pourra  lui‐même  être  complété  par  complémentarité avec le premier brin. Une ADN ligase intervient après la seconde étape de synthèse  pour permettre la ligation de l’ADN néosynthétisé avec le brin correspondant (San Filippo et al., 2008).  Ce mécanisme de réparation est plus complexe et ne peut avoir lieu que pendant certaines phases du  cycle cellulaire, mais il ne conduit généralement pas à l’apparition de mutation. En revanche, si, en  raison de l’organisation spatiale de l’ADN dans le noyau, une chromatide du second chromosome de  la paire est utilisée comme modèle au lieu de la chromatide sœur, la recombinaison homologue peut  conduire à une perte d’hétérozygotie (Carr and Lambert, 2013).   Figure 18 : principe de la réparation des ruptures double brin par NHEJ. Les nucléotides en bleus correspondent à  une micro‐homologie de séquence. 1 : reconnaissance du clivage par Ku70/Ku80. 2 : recrutement de la machinerie  de réparation. 3 : clivage des extrémités non appariées. 4 : en l’absence d’homologie, poursuite du clivage.   5 : recrutement de la machinerie de ligation. 6 : ligation avec déletion par rapport à la séquence d’origine. 

 

  Un  certain  nombre  de  facteurs  sont  impliqués  dans  l’ensemble  de  ces  mécanismes  de  réparation et la liste exhaustive n’en sera pas dressée ici. En revanche il est intéressant de noter que  la mutation de certains de ces facteurs peut favoriser le développement de cancers. Ainsi, BRCA‐1 et  BRCA‐2 sont impliqués dans les premières étapes de la recombinaison homologue et leur inactivation  est à l’origine de certains cancers du sein (Prakash et al., 2015).  

  De  plus  la  surexpression  de  certains  oncogènes  peut  altérer  le  fonctionnement  de  ces  mécanismes  de  réparation.  C’est  notamment  le  cas  de  myc.  Ce  facteur  de  transcription  est  un  régulateur bien caractérisé de la prolifération cellulaire et de l’apoptose. Il a récemment été montré  que sa surexpression, entre autres dans les cellules cancéreuses, ralentit la réparation des ruptures  double brins de l’ADN par NHEJ et par recombinaison homologue (Ambrosio et al., 2015; Li et al., 2012).  La  surexpression  de  myc  augmente  par  conséquent  le  nombre  de  ces  ruptures  double  brin  et  l’instabilité génétique des cellules cancéreuses. 

 

  Les  connaissances  disponibles  concernant  le  développement  des  cancers  progressent  régulièrement  et  de  nombreuses  études  sont  actuellement  menées  pour  mieux  comprendre  les  mécanismes  de  l’oncogenèse.  Si  certains  processus,  comme  la  formation  des  métastases,  restent  encore mal compris, l’ensemble des données disponibles tend à montrer que la réussite thérapeutique  Figure 19 : principe de la réparation des ruptures double brin par recombinaison homologue. Les deux brins de  chaque chromatide sœur sont représentés de la même couleur (bleu pour la double hélice rompue, rouge pour  l’autre). L’ADN néosynthétisé est représenté en vert. 1 : digestion 5’‐3’ à partir de la rupture double brin.   2 : appariement d’un des brins rompus avec un brin de la chromatide intacte (invasion de brin). 3 : synthèse par  complémentarité. 4 : séparation des deux chromatides et appariement du deuxième brin rompu avec l’ADN  néosynthétisé. 5 : synthèse par complémentarité. 6 : ligation de l’ADN néosynthétisé. 

dépend non pas de la compréhension du cancer en général, mais d’un cancer en particulier, celui dont  souffre le patient (Heuckmann and Thomas, 2015).  

En effet, de nombreux profils mutationnels sont susceptibles de conduire au développement  d’un cancer et cette convergence phénotypique masque une grande diversité dans les mécanismes  mis  en  place.  Le  traitement  des  cancers  est  encore  essentiellement  basé  sur  le  ciblage  de  caractéristiques  générales  des  cellules  cancéreuses,  notamment  leur  rapidité  de  prolifération.  Ce  modèle thérapeutique évolue progressivement vers des traitements personnalisés, adaptés au profil  mutationnel de chaque cancer. Ainsi, seules les patientes souffrant de tumeurs mammaires exprimant  les  récepteurs  aux  œstrogènes  et  à  la  progestérone  sont  orientées  vers  un  traitement  par  hormonothérapie. Sur ce principe, des approches de plus en plus complexes permettant d’affiner les  traitements sont en cours de conception (Le Du et al., 2015). Si ce type démarche est évidemment  prometteur en terme de pronostic pour les patients, il nécessite cependant une compréhension des  mécanismes moléculaires à l’origine de l’oncogenèse plus détaillée et exhaustive que l’actuelle. 

III/ SAMHD1, histoire et contexte d’une découverte majeure 

A/ Le VIH : structure virale et adaptation à l’environnement cellulaire