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allusions et intertextualité :

TROISIEME PARTIE

TROISIEME PARTIE : DISTORSION ET INTERCULTURALITÉ

II. RÉFERENCE, ALLUSION ET INTEXTUALITÉ :

2) allusions et intertextualité :

Tout comme la référence, l’allusion est présente dans le Passeport d’ailleurs les allusions sont aussi abondantes dans l’œuvre que les références. Allusion que Nathalie Piégay-Gros définit ainsi:

« L’allusion est souvent comparée, elle aussi, à la citation, mais pour des raisons toute différentes : parce qu’elle n’est ni littéraire ni explicite, elle peut sembler plus discrète et plus subtile. Ainsi pour Charles Nodier ? « une citation proprement dite n’est jamais que la preuve d’une érudition facile et commune ; mais une belle allusion est quelquefois le seau du génie » (questions de littérature légale, Crapelet, 1828). »101

La lecture du roman nous a permis de détecter des allusions renvoyant à des domaines très variés et hétérogènes que nous avons choisi de répertorier selon le champ auxquelles elles appartiennent :

- Texte coranique :

Le texte coranique dans le Passeport n’est pas cité de manière explicite, c’est la voix du terroriste puis celle du type qui se rendait à l’hôpital dans le taxi de

Gorigori, qui le prend en charge :

« - Tu vois, Dieu nous apporte la lumière. Tandis que vous, vous vivez dans le noir… […]Rejoignez-nous

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dans le juste combat contre les seigneurs de la corruption… » (p.33)

Ce passage utilisé par le terroriste dans son message est tiré du Coran : Sourate II

Verset 257 où il est dit :

« Allah est le défenseur de ceux qui ont la foi : Il les fait sortir des ténèbres à la lumière. Quant à ceux qui ne croient pas, ils ont pour défenseurs les Taguts, qui les font sortir de la lumière aux ténèbres. Voilà les gens du Feu, où ils demeurent éternellement. »102

Les Taguts étant ici les seigneurs de la corruption, ceux qui ruinent le pays et exploitent ses ressources pour leur bien être.

Dans le passage suivant, il s’agit des paroles prononcées par cet homme qui accompagnait sa femme sur le point d’accoucher, en somme des gens simples qui ont une foi enracinée et pour qui la religion est le seul moyen qui leur permet de prendre leur mal en patience :

« L’homme avait l’air ennuyé.

-Dieu te le rendra au centuple, inch’Allah. […] le type s’est cabré.

- C’est Allah qui fait les enfants… » (pp.134-135)

L’homme cite presque explicitement les versets suivant du Coran, Sourate II Verset

261 et Sourate VI Verset 151 :

« Ceux qui dépensent leur biens dans le sentier d'Allah ressemblent à un grain d'où naissent sept épis, à cent grains l'épi. Car Allah multiplie la

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récompense à qui Il veut et la grâce d'Allah est immense, et Il est Omniscient. »103

« Dis : ‹Venez, je vais réciter ce que votre Seigneur vous a interdit : ne Lui associez rien; et soyez bienfaisants envers vos père et mère. Ne tuez pas vos enfants pour cause de pauvreté. Nous vous nourrissons tout comme eux. N'approchez pas des turpitudes ouvertement, ou en cachette. Ne tuez qu'en toute justice la vie qu'Allah a faite sacrée. Voilà ce qu’ [Allah] vous a recommandé de faire; peut-être comprendrez-vous. »104

Dans le premier verset il est dit que toute personne faisant don de son argent dans

le sentier de Dieu sera récompensé au centuple voire plus.

Dans le deuxième verset il est question d’enfants : Dieu ne fait pas les enfants, il les crée, cela dit c’est Dieu qui leur garantie la nourriture, donc en bon musulman, il ne faut pas se priver d’enfant encore moins les abandonner, quant on est pauvre.

- Texte littéraire et philosophique : littérature, chanson.

Dans l’élément précèdent, nous avons constaté un renvoi explicite au texte de Camus. Dans cette partie l’auteur choisit l’allusion pour nous renvoyer à Jean-Paul Sartre, Victor Hugo, Franz Kafka ou encore, à son propre œuvre.

Ainsi à la page 94 nous retrouvons Jean-Paul Sartre à travers l’expression : « l’être dans le néant » pour l’Être et le Néant 105

Azouz Begag fait allusion à Victor Hugo avec la Légende des siècles dans le passage : 103 Le Coran., op.cit., p.37 104 Le Coran, op.cit., p.92. 105

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« Alors j’ai commencé à marché, marché, marché, […] » (p.119)

« Il marcha trente jours, il marcha trente nuits »106

L’image de l’homme qui se transforme en écureuil fait appel étrangement à la

Métamorphose107 de Kafka avec son personnage Grégoire Samsa qui à son réveil se retrouve transformé en un énorme insecte.

- Mythologie grecque :

« Nous volions à trente-trois mille pieds, là où l’on peut caresser les joues du soleil sans se brûler » (p.146)

Dans cette description de l’état d’extase dans lequel se trouver Zoubir dans les bras de Dahlia, Azouz Begag enchaîne trois éléments « voler », « soleil » et « sans se brûler »qui renvoient à la légende d’Icare fils de Dédale qui afin de s’échapper avec son fils, fabrique des ailes de plumes, fixées avec de la cire, s’approchant trop du soleil qui fait fondre la cire des ailes au cours du vol, Icare chute et se noie dans la mer. Azouz Begag ne cesse depuis le début de son roman de faire allusion à la mythologie grecque qui sans aucun doute le fascine et l’inspire en même temps ainsi à la page 11 il évoque « Damoclès » et au file des pages le fil qui retient le lecteur résiste et le conduit tel un fil d'Ariane vers le dénouement de ce « lacis».

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Hugo V., la Légende des siècles, Paris, Garnier, 1964.

107 Kafka F., la Métamorphose, trad. par Brigitte Vierne-Cain et Gérard Rudent, Paris, Livre de Poche, 1989.

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- Histoire :

Une autre anecdote populaire qui présente Archimède jaillissant nu de son bain et criant « Eurêka ! Eurêka ! » (« J’ai trouvé ! »), Parce qu’il vient, dit-on, de découvrir comment résoudre le problème que lui a posé Hiéron II, roi de Syracuse. Ou encore dans le passage suivant où Zoubir achète une arme non réglementaire afin de se défendre en dehors des heures de service

« J'avais cette fois franchi le Rubicon» (p.140)

Le Rubicon étant un lieu historique qui a valeur de symbole et que Jules César traverse sous peine d’être déclaré ennemi de Rome. En jouant sa carrière et en entrant dans l’illégalité il se sentait habité par une force divine.

Dans un scénario moins historique Zoubir se dresse devant le lecteur comme un Jules César bravant l'ordre établit croyant à ses principes et surtout celui de survivre en brandissant son Parabellum et Begag ne se fait pas prier pour signer le jeu de mot en soulignant la phrase «Si vis pacem, para bellum »traduction : Si tu veux la paix, prépare la guerre donc pour éviter d'être attaqué, le meilleur moyen étant

celui de la défense.108

- Chanson, cinéma, spectacle :

Pour la chanson l’allusion ici est algérienne : il s’agit de la grande chanteuse algéroise Fadhila Dziria qu’il ne cite pas de manière explicite mais dont l’allusion ne trompe personne :

« il a profité de l’intermède pour mettre de la musique populaire, « sa musique préfère » qui venait du cœur du peuple […] en écoutant les plaintes d’une

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Végèce (Traité de l'art militaire, III, Prol.) dit : Qui desiderat pacem, praeparet bellum. (IVe s.). Le Petit Larousse Copyright © Larousse / VUEF 2001.

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femme qui n’avait pas fait l’amour depuis des années, […] » (p.73)

Begag a fait de l’espace de l’invention, un lieu de bricolage, un assemblage de fragments discontinus car telle est bien la démarche de l’écrivain qui convoque dans son texte ceux des autres. De telles pratiques, nous dira Nathalie Piégay-Gros :

« Traduisent une profonde rupture dans le rapport à la tradition. Non seulement l’intertextualité – citations, référence, pastiche, parodie… - n’est plus ce qui la garantit et la perpétue, mais elle fracture et introduit en son sein un principe d’anarchie. En effet, citer sur le même plan des extraits d’œuvres classiques et des coupures de presse ou des slogans publicitaires. C’est araser les écrits, faire fi des principes hiérarchiques qui son censés la structurer. C’est aussi mettre à égalité ce qui est réputé valoir par sa permanence – les « grands œuvres du passé » - et ce qui, marqué par le seau de la précarité et de l’éphémère, est voué à une rapide disparition. […] Tout se passe donc comme si l’intertextualité n’était plus conçue sur un mode vertical- mais sur un mode horizontal – celui du nivellement et de l’égalité de tous les écrits. »109

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