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IV.1.a.1.i - Acide thioglycollique

Les premiers travaux sur la réduction des ponts disulfures de la kératine ont été menés par Goddard et Michaelis [19] et utilisent l’acide thioglycollique comme agent réducteur. La réduction est menée à pH 12 pendant 3 heures à 30°C dans un rapport laine/solution de 1/40. La laine ainsi réduite est soluble et la précipitation de la solution à l’acide acétique glacial conduit à une poudre blanche dans un rendement de 60%. Toutefois, l’alkylation de la kératine réduite permet d’aboutir à des rendements plus élevés [20].

Cette voie de réduction a été reprise par de nombreux auteurs [5,6,8-12,23] avec pour objectif d’optimiser la réduction pour obtenir un fractionnement de la kératine et étudier la composition de chaque fraction. L’objectif est de casser les ponts disulfures sans toucher au squelette peptidique. C’est pourquoi le choix des agents réducteurs est limité à des composés dont l’action sur la kératine est spécifique aux ponts disulfures. Parmi ces agents, l’acide thioglycollique figure en tête.

La réduction des ponts disulfures selon la méthode de Goddard et Michaelis [19] a été reprise par Jones et Mecham [24,25] en milieu neutre avec un dénaturant de protéine, qui rompt les liaisons hydrogènes, comme l’urée ou la guanidine (Tableau IV-1). En effet, d’après ces auteurs, la réduction menée à pH trop élevé engendre un clivage de certains ponts peptidiques et devient donc nuisible pour toute analyse ultérieure [18,24]. Par ailleurs, ils suggèrent que l’action des alcalis est de disperser la protéine réduite, comme le font l’urée et la guanidine, et précisent que la réduction des ponts disulfures et le clivage des liaisons secondaires sont deux réactions indépendantes l’une de l’autre mais nécessaires à la bonne dispersion de la kératine [24].

% de kératine soluble Réactif

Plume Cheveu

humain Sabot Corne Laine

0,5M Mercaptoéthanol + 8,1M Guanidine, pH 7 84 50 74 36 61 9,0M NH4CNS, pH 7 82 11 56 27 36 10,0M Urée, pH 7 80 4 30 22 27 0,5M Acide Thioglycollique + 10,0M Urée, pH 7 4 30 22 27 0,3M Bisulfite de sodium + 10,0M Urée, pH 7 80 26 39 36 52

Tableau IV-1 : Solubilisation de différentes kératines par réduction à pH neutre avec des dispersants de protéines [25] – Extraction pendant 18 heures à 40°C

Les études sur l’optimisation de la solubilisation de la laine par réduction au thioglycollate alcalin montrent que les meilleures conditions sont une réduction menée avec 0,2M de thioglycollate à pH 11 couplé à de l’urée à 8M à 50°C pendant 3 heures. Dans ces conditions, jusqu’à 85% de la laine peuvent être solubilisés [23,26].

La solubilisation par réduction des ponts disulfures est applicable à tous les types de matières kératiniques. Gillespie a montré qu’il est possible de solubiliser, par réduction au thioglycollate de potassium toutes sortes de kératines (Tableau IV-2) [27].

Matière Rdt (%) Matière Rdt (%)

Cheveu humain 33-84 Corne de rhinocéros 80 Poils de singe 89-93 Poils de porc-épic 81 Fourrure de kangourou 56-67 Sabot de vache 82-92 Fourrure de souris 66-74 Corne de vache 91-97

Tableau IV-2 : Rendement de solubilisation de différentes matières kératiniques par réduction au thioglycollate de potassium 0,2M, 6-8M d'urée, pH 11 pendant 2h à 40°C [27]

De grandes différences de rendements selon les sources kératiniques utilisées, mais également selon les échantillons d’une même matière sont constatées. Ceci est certainement dû à la différence d’âge de l’échantillon, à son histologie, et à son histoire mécanique. En effet, la chaleur, l’humidité, et la lumière sont autant de facteurs qui influencent l’extractibilité de la kératine.

La S-carboxyméthylkératéine (SCMK) peut être séparée en deux fractions par précipitation [20]. Depuis cette découverte, de nombreuses études se sont intéressées à la purification de ces fractions dans le but d’identifier les différentes protéines constitutives de la kératine. La fraction A (SCMKA) est pauvre en soufre et est précipitée par acidification de la solution de SCMK dans une zone de pH proche de 4,4, qui est son point isoélectrique, alors que la fraction B (SCMKB), qui reste en solution à ces valeurs de pH, est riche en soufre et présente un point isoélectrique de 2,9 [5-7,9,18,20,22].

Les études de ces différentes fractions de protéines extraites à partir de la laine ont permis de les localiser dans la fibre. En effet, les protéines pauvres en soufre (SCMKA) proviennent des microfibrilles et des α-filaments, qui sont emmêlés dans une matrice amorphe riche en soufre d’où sont issues les protéines de la fraction SCMKB [6,9].

De ces différentes fractions, il est possible d’extraire et d’isoler certaines protéines constitutives de la kératine. Gillespie et al. [5-7,9,12,23,26,27] ont montré qu’il est possible, par extractions successives, d’isoler deux types de protéines à partir de la fraction pauvre en soufre. Cette purification consiste à réduire plusieurs fois le résidu solide à différents pH de façon à éliminer les produits indésirables lors des premières extractions. Ces extractions successives sont nécessaires pour pouvoir extraire les protéines issues du para-cortex. En effet, Gillespie et al. [6] ont montré que les protéines de laine les plus faciles à extraire par le thioglycollate viennent de l’ortho-cortex alors que les plus difficiles à extraire proviennent du para-cortex dont font partie les protéines purifiées par ces auteurs.

Bien que la plupart des matières kératiniques soit fractionnable et donc purifiable, toutes ne présentent pas de fractions à différentes teneurs en soufre. Ainsi, Harrap et Woods [8] ont montré qu’il n’est pas possible de distinguer des teneurs en soufre différentes pour les deux fractions protéiques obtenues par extraction de kératine de plumes au thioglycollate de sodium. Ceci s’explique par le fait que la laine a une structure microfibrille-matrice où les microfibrilles de kératine sont emmêlées dans une matrice non fibreuse riche en soufre. Dans les plumes, il n’y a pas de différence nette entre la teneur en soufre de la matrice et celle des microfibrilles, d’où l’impossibilité de séparer les protéines solubles en deux fractions de teneurs distinctes en soufre.

Bien que l’utilisation de l’acide thioglycollique soit privilégiée en milieu alcalin, il est toutefois possible de solubiliser la laine par cet agent en milieu acide. Par exemple, avec 9M d’acide thioglycollique à 60°C pendant 24 heures, la solubilisation complète de la laine est obtenue [21].

Le thioglycollate alcalin est toutefois largement utilisé pour solubiliser la kératine par réduction. Cependant, d’autres thiols, et notamment le mercaptoéthanol, peuvent réduire la kératine dans des conditions similaires à celles entreprises avec le thioglycollate.

IV.1.a.1.ii - Mercaptoéthanol

La réduction avec le mercaptoéthanol est menée dans les mêmes conditions qu’avec l’acide thioglycollique, c’est-à-dire en milieu alcalin, neutre ou acide, avec l’utilisation d’un dénaturant de protéine, généralement l’urée. Gillespie et al.[5] montrent qu’une fibre de laine réduite à pH 9 avec 4M de mercaptoéthanol à 20°C pendant 24h conduit à des résultats similaires à ceux obtenus avec 0,1M de thioglycollate de potassium à pH 10,5 pendant 3h à 40°C. De même, Jones et Mecham [25] ont solubilisé différentes matières kératiniques à pH neutre par action de 0,5M de mercaptoéthanol couplé à des agents dénaturants de protéines comme la guanidine, l’urée ou le thiocyanate d’ammonium (Tableau IV-1).

Comme avec l’acide thioglycollique, il est possible de solubiliser 70% de la laine par un traitement au mercaptoéthanol à pH 5 [22]. Le mercaptoéthanol est donc utilisable dans des conditions similaires à celles de l’acide thioglycollique, conduisant à des degrés de solubilisation de la laine comparables. Toutefois, pour obtenir des rendements similaires, cet agent doit être utilisé en plus grande quantité et pendant des temps plus longs, ce qui est certainement la cause de son utilisation moins répandue.

IV.1.a.2 - Autres agents réducteurs

D’autres agents que les thiols peuvent être utilisés pour réduire les ponts disulfures de la kératine. Parmi eux nous trouvons les sulfites et les sulfures, mais aussi des composés non soufrés comme les organophosphorés ou le borohydrate alcalin.

IV.1.a.2.i - Les sulfites

Les sulfites ou bisulfites constituent un autre type d’agents réducteurs important. La réaction est une attaque nucléophile de l’ion sulfite sur le pont disulfure qui produit une mole de mercaptant et une mole de sel de Bunte [17] (Réaction IV-3). Il a été montré que lors de la sulfytolyse de la kératine, le taux de rupture de la cystine est optimal à pH acide [28]. La

diminution de rupture des ponts disulfures à mesure que le pH est augmenté résulte de l’hydrolyse alcaline du sel de Bunte.

K1S S K2 NaHSO3 K1SH K1S SO3Na HS K2 NaO3S S K2 + + + Sel de Bunte Sel de Bunte