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2. GENRE, PAUVRETÉ ET ENVIRONNEMENT

2.3 Agrobiodiversité, agroécologie et genre

Depuis le début de l’agriculture et de la sédentarisation, 7 000 espèces végétales ont été cultivées (CDB, 2008). Afin de répondre à la demande mondiale en productivité et l’expansion rapide de l’agriculture industrielle, les agriculteurs et agricultrices concentrent aujourd’hui leurs plantations sur environ 12 espèces végétales. Ainsi 60 % du régime alimentaire de l’humanité est assumé par le riz, le blé et le maïs. La perte de terres vierges et la dégradation de l’environnement accroissent cette problématique que l’on qualifie d’« érosion génétique » (FAO, 2005).

L’agrobiodiversité constitue une part essentielle de l’agriculture, puisqu’elle représente les êtres vivants avec qui l’agriculteur doit composer dans l’atteinte d’une efficacité agricole. Selon la FAO, l’agrobiodiversité ou la biodiversité agricole se définit comme suit :

« La biodiversité agricole représente la variété et la variabilité des animaux, des plantes et des micro-organismes qui sont utilisés directement ou indirectement pour la nourriture et l'agriculture, y compris les cultures, les animaux d'élevage, la forêt et la pêche. Elle comprend la diversité des ressources génétiques (variétés, races animales) et des espèces utilisées pour la nourriture, le fourrage, les fibres, le combustible et les produits pharmaceutiques. Elle inclut également la diversité des espèces non récoltées qui aident à la production (les microorganismes du sol, les prédateurs et les pollinisateurs) et celles que l'on trouve dans un environnement plus vaste qui soutiennent les écosystèmes (agricoles, pastorales, forestiers et aquatiques) et participent à leur diversité » (FAO, 2005).

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Au-delà de sa vocation purement biologique, l’agrobiodiversité va de pair avec l’agroécologie qui se veut un mouvement vers la formulation d’un nouveau mode de production agricole en opposition au modèle conventionnel capitaliste. Il s’agit d’une « science, d’un mouvement et d’une pratique » (traduction libre de Wezel et al., 2009). Les techniques d’agroécologie ont pour but de contrer « l’artificialisation » des milieux par l’intégration des cycles biogéochimiques dans les processus et les écosystèmes en général. En effet, « L’agroécologie propose de réévaluer l’ensemble du processus de production et de transformation des aliments en fonction des cycles observables pour un territoire, et d’en tirer le meilleur parti pour intensifier les rendements sans mettre à mal les équilibres naturels » (Ricard Lanata, 2013, 63). En ce sens, l’agroécologie apparaît comme la construction d’un nouveau paradigme qui met en scène l’agriculture familiale, le féminisme et la dépendance de la sphère sociale à la biodiversité. Ainsi, le paysan ou la paysanne se trouvent au centre de cette vision qui promeut à la fois des techniques agricoles durables et un changement dans l’organisation sociale dans lequel s’insèrent ces pratiques (Prévost, Galgani Silveira Leite Esmeraldo et Guétat-Bernard, 2014).

En fait, le modèle conventionnel prôné par le système agricole capitaliste implique des problématiques écologiques et sociales. L’application de fertilisants synthétiques induit des dommages graves sur les écosystèmes. De plus, l’utilisation des variétés restreintes de semences proposées pour la monoculture et l’exportation remplace les variétés indigènes, réduit la biodiversité agricole et contribue à l’augmentation de la vulnérabilité des agriculteurs et agricultrices face aux changements climatiques. À l’opposé, une terre avec une diversité de semences est plus résiliente en cas de sécheresses ou d’inondations. Parallèlement, l’utilisation de semences standardisées provoque une homogénéisation de l’offre sur le marché et indubitablement, une baisse des prix sur les marchés locaux en plus d’un accroissement des inégalités parmi les producteurs. Les bénéfices dans ces types de marchés sont difficiles à retirer pour la majorité des paysans et encore plus pour les paysannes (FoEA et ACB, 2017).

La diversification des semences et leur conservation est un problème relayé aux pays en développement en raison de leur statut de garde-manger du monde. Cependant, cette problématique concerne toute l’humanité dont la sécurité alimentaire mondiale en dépend (Pinks, 2016). Ainsi, l’implication de tous et de chaque individu est nécessaire pour que le projet agroécologique prenne vie. En effet : « [c]ette conversion à une autre relation à la nature concerne les consommateurs et les citoyens en général. Car l’agroécologie n’a véritablement de sens (et de chance de succès) que si sa démarche tout entière est comprise et portée par l’ensemble du corps social » (Ricard Lanata, 2013, 67).

Le renforcement de la gestion de l’agrobiodiversité peut fortement contribuer à s’adapter aux changements climatiques. Une saine gestion de la biodiversité agricole permet, entre autres, d’augmenter la productivité des terres, de lutter contre les maladies des ravageurs, d’améliorer la fertilité des sols, etc. Ainsi, il en résulte des systèmes agricoles plus stables et durables qui contribuent à la sécurité alimentaire des populations vulnérables (FAO, 2005). Il a également été démontré que l’agrobiodiversité contribue à :

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« Diversifier les produits et les possibilités de revenus, réduire, voire partager les risques entre particuliers ou entre nations, aider à maximiser une utilisation efficace des ressources et de l'environnement, réduire la dépendance à l'égard des apports extérieurs, [et] améliorer la nutrition humaine et fournir des approvisionnements en médicaments et en vitamines » (FAO, 2005).

En 2003 au Brésil, un recensement agraire a prouvé que l’agriculture familiale était plus productive pour une même parcelle de terre que l’agriculture conventionnelle, en plus de représenter 70 % de l’emploi agricole. Les techniques d’agroécologie permettraient « d’accroître la productivité des exploitations, tout en fixant les paysans sur leurs terres » (Ricard Lanata, 2013, 65). Pour ce faire, il faut réapprendre à consommer de façon responsable et s’adapter au climat et à notre environnement, plutôt que de le confronter sans cesse. (Ricard Lanata, 2013).