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L’histoire de l’époque hellénistique, et plus particulièrement celle des Diadoques, fut étudiée par les chercheurs plus en profondeur que celle d’Agathocle. Puisque la Sicile ne fit pas partie du monde conquis par Alexandre le Grand, l’histoire du Syracusain fut omise ou bien traitée seulement en surface par les historiens étudiant cette période. Dans de grands ouvrages d’importance comme celui d’E. Will88, peu nombreuses en sont les mentions. La

même lacune se remarque dans le travail de M. Rostovtzeff89. Même dans son ouvrage

traitant de l’avancée romaine dans le monde hellénistique, E S. Gruen n’évoque guère les interventions romaines dans le sud de l’Italie et la Sicile90. Cela laisse une impression de vide

historique dans lequel les colons s’étant installés à l’Ouest ne faisaient plus vraiment partie du monde grec ou d’une histoire qui ne peut être reliée à celle de l’Orient conquis. P. Lévêque reconnaît l’influence hellénistique en dehors des frontières traditionnelles. Cependant, pour l’Occident, il commence sa démonstration avec Pyrrhos seulement alors que des traits hellénistiques pourraient s’envisager au-delà de ses interventions, particulièrement dans le cas d’Agathocle de Sicile91. Les monographies ponctuelles traitant de la Sicile font ressortir

des textes anciens la présence de récits sur l’Ouest méditerranéen à l’époque hellénistique, parfois dans les histoires couvrant l’Orient. Agathocle de Sicile fit partie des personnages qui vécurent en même temps que les Diadoques et dont les sources mentionnent les activités politiques.

88 Édouard Will, op. cit., 2003 (1979-1982).

89 Michael Rostovtzeff, The Social & Economic History of the Hellenistic World, Oxford, Oxford

University Press, 1941, 1779 p.

90 Eric S. Gruen, The Hellenistic World and the Coming of Rome, Berkeley, University of California

Press, 1984, 862 p.

91 Pierre Lévêque, « La guerre à l’époque hellénistique », Problèmes de la guerre en Grèce ancienne,

S. Consolo Langher a fourni en langue italienne l’une des rares tentatives de reconstitution de la vie d’Agathocle de Sicile à partir des sources92. L’auteure reprend les

principales sources anciennes disponibles et reconstruit l’histoire du Syracusain de façon critique par rapport aux auteurs antiques. Même si son travail est d’une qualité appréciable, elle n’effectue pas l’inventaire des textes anciens qui mentionnent Agathocle en dehors des auteurs qui peuvent servir à la reconstitution historique. La connaissance des sources de l’histoire d’Agathocle de Sicile demeure essentielle à la compréhension du vocabulaire du pouvoir qui lui a été attribué. Comme les qualités des dirigeants influençaient grandement la façon dont les auteurs anciens leur attribuaient un titre politique, les titres qui ont été donnés à Agathocle pour nommer l’autorité dont il disposait évoluèrent en fonction de ses gestes militaires et politiques. Les différents contextes sociohistoriques de ces auteurs, le cadre littéraire dans lequel ils évoluent ainsi que leurs motivations personnelles influèrent aussi leur manière de présenter le pouvoir autocratique.

Dans le cadre de ce chapitre, nous nous attacherons donc à présenter les sources antiques non seulement qui mentionnent Agathocle, mais qui sont également utiles à l’étude du vocabulaire du pouvoir du Syracusain. Nous avons mis de côté les sources faisant allusion à Agathocle où ne figure aucun titre politique. La présentation comporte trois auteurs grecs et un auteur latin dont les œuvres disparues traitèrent assurément de l’histoire du Sicilien. Celles-ci eurent une influence certaine sur les historiens postérieurs, dont les deux œuvres les plus complètes disponibles à ce jour. Nous abordons aussi dix sources grecques et latines qui utilisèrent un titre politique pour nommer Agathocle, quoique de façon très brève. Les influences des sources entre elles, leur contexte d’écriture ainsi que les orientations de leur récit sont discutés. La présentation de ces auteurs et de leurs ouvrages se divise en deux catégories, les auteurs grecs et latins, en fonction de leur langue puisque la terminologie, quoique parfois semblable, n’est pas la même. Le chapitre suit un ordre chronologique pour chaque catégorie.

Sources grecques

L’époque hellénistique fut l’occasion de la floraison du type littéraire qu’est l’histoire régionale. Cela a, par exemple, permis le développement des Sikelika, les histoires de la Sicile. Parallèlement, l’histoire des grands hommes était favorisée par les cours royales et se soldait par l’exaltation des personnages puissants93. L’état dans lequel les sources grecques

nous sont parvenues est assez inégal. Certains auteurs comme Callias de Syracuse, Timée de Tauroménion et Douris de Samos ont fait d’Agathocle un objet d’étude et furent utilisés par d’autres historiens. Toutefois, leurs œuvres ont presque disparu. Quelques fragments seuls attestent l’existence de récits sur Agathocle dans leurs ouvrages perdus. Des témoins postérieurs rapportèrent aussi des preuves de leur travail et de leur opinion sur Agathocle. La source qui offre l’histoire la plus complète du Syracusain demeure l’œuvre de Diodore de Sicile. Les auteurs Polybe, Plutarque et Appien d’Alexandrie laissèrent des traces plutôt infimes du personnage, mais ces traces ne sont pas insignifiantes dans le cadre de notre étude. Leurs ouvrages furent influencés par un contexte qui favorisa l’utilisation d’Agathocle de Sicile comme référence.

Callias de Syracuse (ca 350 à 270 a.C.)

Callias de Syracuse est un historien sicilien dont nous avons peu de traces aujourd’hui. Sa vie se reconstitue difficilement à cause du manque d’information sur l’auteur. Il vécut à l’époque de l’activité politique d’Agathocle et aurait fait partie de sa cour. L’Histoire d’Agathocle demeure à ce jour la seule œuvre connue de Callias. Elle aurait traité non seulement de l’histoire du dirigeant syracusain, mais aussi du passé de la Sicile en général. Il s’agissait d’une œuvre considérable qui est évaluée à vingt-deux livres (Diod., 21, 16, 5). Selon une citation de Flavius Josèphe dans son ouvrage polémique

Contre Apion (1, 17), Callias aurait publié son œuvre avant Timée de Tauroménion, soit

93 Sur les genres de la littérature grecque et leur évolution historique, voir Suzanne Saïd,

entre 289 et 272 a.C. Seulement sept fragments nous sont parvenus et ce, dans état très lacunaire94. Aucun des fragments ne mentionne le titre politique d’Agathocle. Toutefois, ils

peuvent être reliés à l’un ou l’autre des épisodes de l’histoire du Syracusain retrouvés chez Diodore de Sicile. Par exemple, l’un de ces fragments semble correspondre au récit de la marche d’Ophellas dans le désert (FGrHist 564 F3) présenté dans la Bibliothèque historique au livre XX lors de la guerre contre Carthage. Comme Callias aurait fait partie de la cour d’Agathocle à Syracuse, il semble avoir été le rédacteur d’une version des événements qui exaltait le personnage. Un commentaire négatif de Diodore à son égard constitue l’un des témoins que nous avons conservés à propos de Callias. Diodore le décrivit en ces termes, dans un fragment du livre XXI : « Ἀναληφθεὶς γὰρ ὑπ᾿ Ἀγαθοκλέους καὶ δώρων μεγάλων ἀποδόμενος τὴν προφῆτιν τῆς ἀληθείας ἱστορίαν, οὐ διαλέλοιπεν ἀδίκως ἐγκωμιάζων τὸν μισθοδότην » (fr. 31, 1, 1)95. Les légendes entourant les oracles dont Agathocle a été l’objet

et se retrouvant dans l’œuvre de Diodore de Sicile constituaient des éléments de propagande attribuables à Callias. Son propos aurait donc été orienté par sa situation privilégiée à la cour syracusaine et serait le filon historique qui influença l’historiographie favorable à Agathocle de Sicile96.

Timée de Tauroménion (ca 350 à 260 a.C.)

Timée, né en Sicile aux environs de 350 a.C., était contemporain d’Agathocle. Il participa au mouvement aristocratique que le Syracusain confronta, ce qui lui valut l’exil entre 312 et 316 a.C.97. Durant son exil, il apprit la rhétorique auprès de Philiskos de Milet

94 Jacoby 564, F1-7

95 « Suborné par Agathocle, il vendit, pour de copieux pots de vin, l’Histoire, prophétesse de vérité,

et, sans discontinuer, il couvrit d’éloges injustifiés celui qui lui payait ses gages » (traduction de Paul Goukowsky).

96 Voir la notice de Duane W. Roller, op. cit., 2011, Consulter aussi Sebastiana Consolo Langher, op. cit., 2000, p. 6‑10, 17, 52 et 184‑189. Voir le commentaire sur la dualité entre Callias et Timée dans Stefania De Vido, op. cit., 2016a, p. 347‑350. Enfin, se référer à Cécile Durvye, op. cit., 2018, p. XXVIII-XXIX.

97 Pour la datation de l’exil, Klaus Meister soutient la date de 316. Cf. « Das Exil des Timaios von

Tauromenion », Kokalos, 16 (1970), p. 53‑59. Sebastiana Consolo Langher et Gaetano De Sanctis soutiennent plutôt l’année 312/313. Voir Sebastiana Consolo Langher, op. cit., 2000 p. 90 et Gaetano De Sanctis, Ricerche sulla storiografia siceliota, Palerme, Flaccovio, 1958, p. 45. Cette date avait été avancée au XIXe siècle par Rudolf J. W. Schubert, op. cit., 1887, p. 68.

alors qu’il résidait à Athènes. Sous le règne de Hiéron II, il était probablement rentré en Sicile. Pendant son exil, il aurait composé une monographie sur Pyrrhos et une œuvre historique sur la Sicile. Cette dernière était composée de trente-huit livres. Timée y abordait l’histoire de la Sicile, mais aussi des évènements qui se déroulaient en Italie, en Afrique du Nord et en Grèce. Le dernier livre se terminait à la mort de Pyrrhos, en 272 a.C., ou au début de la guerre punique, en 264 a.C. Les fragments conservés ne permettent pas de déterminer avec certitude le cadre temporel de son œuvre. De celle-ci, les cinq derniers livres étaient consacrés à l’histoire occidentale alors qu’Agathocle était au pouvoir. Seulement sept fragments concernant l’histoire d’Agathocle sont conservés98.

Néanmoins, plusieurs historiens postérieurs figurent comme témoins du travail de Timée de Tauroménion. Le livre XII de l’Histoire de Polybe constitue presque en sa totalité une critique de l’œuvre de Timée, la méthode de l’historien et ses biais. Polybe reprochait à Timée d’avoir créé de faux discours dans son récit, de faire trop souvent appel à la rhétorique et de n’utiliser que des sources écrites99. Polybe ne fut pas le seul à critiquer Timée. Plusieurs

auteurs dénoncèrent les failles de l’histoire de Timée, parmi eux figure Diodore de Sicile100.

Ce dernier rapporta que l’œuvre de Timée était partiale et que l’auteur donnait à Agathocle des défauts qu’ils n’avaient pas tout en omettant ses qualités guerrières (Diod., XXI, fr. 30, 1-2). À l’évidence des témoins qui nous sont parvenus, les sentiments de Timée à l’égard du Syracusain ont influencé défavorablement le portrait du dirigeant. Timée tentait aussi d’ignorer les transformations que vivait le monde méditerranéen après les conquêtes d’Alexandre le Grand et « viveva ancora refugiato nel culto della polis »101. Il ne

tenait pas compte dans son récit de la part importante du conflit avec les Carthaginois, la volonté des Sicéliotes, le consensus de l’armée pour faire d’Agathocle leur général ainsi que la politique extérieure et les alliances du Syracusain. Il écrivit son histoire du « struggle of

98 Jacoby FGrHist 566, sur Agathocle : F3 ; F34 ; F35 ; F120-124. 99 Voir Polybe, Histoires, XII, surtout le chapitre 5 et 27.

100 Polémon d’Ilion écrivit six livres sur la critique contre Timée (FGrHist 857). Istros le

Callimachéen, Denys d’Halicarnasse, Plutarque et Clément d’Alexandrie, entre autres, ont aussi critiqué Timée.

the Sicilian Greeks for freedom — against both the Carthaginians as a formidable external threat and against the rule of tyrants in the Sicilian Greek cities »102. Il laissa ainsi

transparaître une haine caricaturale envers Agathocle qui contraste fortement avec le traitement favorable qu’il fit de l’histoire de Timoléon de Corinthe. Malheureusement, les fragments survivants ne mentionnent pas directement Agathocle de Sicile ou bien le titre que Timée lui attribuait. Néanmoins, la connaissance qu’ont les anciens de Timée suggère qu’il a été grandement utilisé par les historiens postérieurs, comme Trogue Pompée103.

Douris de Samos (ca 340 à 270 a.C.)

Douris de Samos était un auteur de l’époque hellénistique. Il vécut probablement entre 340 et 270 a.C. et fut τυραννός de Samos une partie de sa vie. Il a composé quantité d’œuvres historiques, dont une histoire du royaume de Macédoine, les Makedonika, et une

Histoire d’Agathocle. Son histoire de la Macédoine était composée de vingt-trois livres qui

traitaient vraisemblablement des années 370 à 281 a.C. Son Histoire d’Agathocle est dans un état incomplet104. La plupart des fragments se reconnaissent grâce à des passages similaires

qui se retrouvèrent dans d’autres œuvres. Certains auteurs anciens ont aussi témoigné du travail de Douris dans leurs ouvrages. Par Les Deipnosophistes d’Athénée et la Souda, nous savons que son Histoire d’Agathocle comportait au moins quatre livres. Dans les

Deipnosophistes, il est question des instruments de musique libyens (XIV, 618 b-c), des

agressions de Cléonyme de Sparte dans le Sud de l’Italie (XIII, 605 d-e) et de la localisation de la cité d’Hipponion (XII, 542 a). Ces passages ne mentionnent pas le Syracusain ni sa fonction politique, mais exposent des évènements qui se produisaient alors qu’il était en activité. Le même fait est observable dans la Souda où le mythe libyen de Lamia rapporté par

102 Craige B. Champion, op. cit., 2010, paragraphe 5 de la section « Biographical Essay ».

103 Sur Timée en général, consulter la notice de Craige B. Champion, op. cit., 2010. Voir en particulier

la section « Biographical Essay ». Sur la vie de Timée et son œuvre, voir aussi Suzanne Saïd, Alain Le Boulluec, et Monique Trédé-Boulmer, op. cit., 1997, p. 387, 391. Concernant les fragments sur Agathocle dans Polybe, voir cf. Sebastiana Consolo Langher, op. cit., 2000, p. 18‑20. À ce sujet, voir aussi Suzanne Saïd, Alain Le Boulluec, et Monique Trédé-Boulmer, op. cit., 1997, p. 290‑291, 397 et 399. À propos de la tradition négative de Timée, voir Sebastiana Consolo Langher, op. cit., 1998, p. 47‑55 et Cécile Durvye, op. cit., 2018, p. XXVI‑XXVIII.

Douris fut souligné (Photios, Lexikon-Λάμια Ν.), mais pas la campagne africaine d’Agathocle. Une autre mention de l’Histoire d’Agathocle concerne seulement la toponymie (Lexikon-Εὐρύβατος). Les témoins et les fragments sont donc inutilisables pour cette étude du vocabulaire du pouvoir associé à Agathocle. Néanmoins, cet auteur avait laissé une place de choix au Sicilien dans ses écrits et il servit à d’autres auteurs comme Diodore de Sicile qui, par deux fois, le cita (XV, 60, 6 et XXI, 6, 1). Douris de Samos fut l’auteur qui a tenté de faire un balancement des sources et d’écrire une histoire fondée davantage sur les faits que sur l’appréciation personnelle du personnage. Ses récits étaient toutefois empreints d’une dramatisation et d’écarts par rapport à la vérité que Plutarque critiqua notamment dans sa

Vie de Périclès (28, 2-3). Certains passages de Diodore de Sicile semblent dévoiler cette

inspiration théâtrale particulière à Douris105.

Polybe (ca 203 à 120 a.C.)

Agathocle est mentionné dans les ouvrages en langue grecque de Polybe. Celui-ci, né à Mégalopolis, fut l’un des otages de Rome conséquemment à la victoire romaine de Pydna en 168 a.C. Il passa dix-sept années à Rome durant lesquelles il se rapprocha de la famille Scipion : il était auprès de Scipion Émilien lors de la destruction de Carthage et ne rentra en Grèce qu’après la destruction de Corinthe, en 146 a.C. Son œuvre principale, les Histoires, était composée de quarante livres dont les cinq premiers sont conservés intégralement. Les autres livres nous sont parvenus dans un état assez inégal. Polybe, dans son ouvrage, voulait démontrer, à travers une histoire universelle, comment Rome avait pu conquérir l’ensemble du monde connu (III, 1). Il commença son récit avec la Première Guerre punique, en 264 a.C., afin de mettre en lumière les relations entre Rome et Carthage à cette époque. Ses

Histoires se terminaient avec la destruction de Carthage et de Corinthe ainsi qu’un

105 Pour en savoir plus sur Douris, voir Paul Pédech, Trois historiens méconnus : Théopompe –Duris – Phylarque, Paris, Les Belles Lettres, 1989, p. 295 et suivantes ainsi que Robert B. Kebric, In the Shadow of Macedon : Duris of Samos, Wiesbaden, Steiner, 1977, 99 p. En ce qui concerne les témoins de l’Histoire d’Agathocle de Douris, voir la notice de Frances Pownall, op. cit., 2009. Sur l’histoire d’Agathocle plus spécifiquement, cf. Cécile Durvye, op. cit., 2018, p. XXIX‑XXII ; Sebastiana Consolo Langher, op. cit., 2000, p. 6‑10 ; Suzanne Saïd, Alain Le Boulluec, et Monique Trédé-Boulmer, op. cit., 1997, p. 384‑385, 391 et Eugenio Manni, « Timeo e Duride e la storia di Agathocle », Kokalos, 6 (1960), p. 167‑173.

récapitulatif de son œuvre. Il écrivait de façon pragmatique, écartant les éléments qu’il jugeait irrationnels, mais laissant une importance au plaisir de la lecture (IX, 1, 2). Il vouait une aversion particulière à Timée de Tauroménion. Dans son livre XII, Polybe profita de son discours sur la critique historique pour décrier le parti pris de Timée, spécialement sa falsification de l’histoire d’Agathocle. Il aurait utilisé en partie Douris de Samos pour composer, mais mit de côté le caractère dramatique de son œuvre. Polybe mentionna ponctuellement Agathocle au fils de son travail, l’évoquant surtout en rapport avec le récit des campagnes en Afrique et dans les propos rapportés de Scipion l’Africain (I, 7, 1-3 ; I, 82, 8-9 ; VIII, 10, 11-12 ; IX, 23, 1-2 ; XII, 15, 1-8 et XV, 35, 1-7). Son opinion sur le Syracusain était favorable du fait de son expédition contre les Carthaginois, mais aussi de ses prouesses militaires. Il souligna son destin particulier en narrant ses origines humbles et son ascension remarquable jusqu’à l’apogée de son activité politique et militaire. Il mit en parallèle Agathocle et Denys l’Ancien, les rapprochant sur la base de leur conquête du pouvoir qui dépassait le cadre territorial de la cité grecque (XV, 35, 1-3). Polybe sépara aussi la vie d’Agathocle en deux parties : l’une où il était violent et l’autre où il était clément. Il chercha de cette façon à balancer l’image du Syracusain et justifier ses actions par des circonstances particulières. Ces circonstances, dans les récits de Polybe, furent présentées comme des éléments contraignant les dirigeants à faire preuve de violence106.

Diodore de Sicile (ca 90 à 20 a.C.)

Diodore de Sicile demeure la principale source sur la vie d’Agathocle. Il naquit au début du premier siècle à Agyrion, en Sicile. Une grande partie de sa vie fut consacrée à des expéditions à travers la Méditerranée afin de trouver les sources documentaires et orales de son histoire universelle connue sous le nom de Bibliothèque historique. Celle-ci se présente comme la compilation des sources antérieures. L’œuvre de Diodore de Sicile est utilisée par les chercheurs aujourd’hui à la fois pour son récit des évènements de l’Antiquité et comme

106 Sur Polybe en général, voir Marie Pierre Arnaud-Lindet, op. cit., 2001, p. 71‑80 et Suzanne Saïd,

Alain Le Boulluec, et Monique Trédé-Boulmer, op. cit., 1997, p. 391‑398. Sur le traitement de l’histoire d’Agathocle chez Polybe, cf. Sebastiana Consolo Langher, op. cit., 2005, p. 168, 171‑172, 177‑179 et Stefania De Vido, op. cit., 2016a, p. 340‑342, 346‑347.

source de divers auteurs comme Callias, Timée et Douris, ainsi que Clitarque d’Alexandrie, Hiéronymos de Cardia, Hécatée d’Abdère et Agatarchide de Cnide. Son œuvre survécut grâce à sa publication à Rome à une époque où la ville devenait un centre politique et intellectuel considérable107.

Diodore, selon le prologue du livre I, souhaitait écrire une histoire du monde connu, incluant les nations grecque, romaine et barbare (I, 1-4). Il parviens à mettre en parallèle différents évènements se déroulant à la même période, mais dans des sphères géopolitiques différentes. Son récit débutait avec des descriptions des premières nations antiques et se terminait avec l’histoire du premier siècle a.C. qui lui était contemporaine. Seulement quinze des quarante livres qui devaient composer la Bibliothèque historique nous sont parvenus complets, soit les livres I à V et XI à XX. Il ne reste en revanche que des fragments des livres VI à X et XXI à XL. Les cinq premiers livres racontent les origines mythiques des premières civilisations méditerranéennes. Les livres VI à X rapportent de façon partielle l’histoire de la Méditerranée à partir de la guerre de Troie et se terminent en 480 a.C. avec la fin des guerres médiques. Les livres XI à XV couvrent les années 480 à 360 a.C. et le livre XVI présente les prémisses de la période hellénistique avec le règne de Philippe II. Ce livre rapporte aussi de façon prépondérante l’histoire de la Sicile de la chute de Denys l’Ancien jusqu’à l’intervention de Timoléon. Le dix-septième livre se concentre spécifiquement sur les conquêtes d’Alexandre le Grand alors qu’au dix-huitième livre débute l’histoire des Diadoques de 323 à 318 a.C. À partir du livre XIX, l’histoire des Diadoques se

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