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II. CADRE METHODOLOGIQUE

II.1. Evaluation des risques sanitaires : Indentification et Caractérisation des dangers

II.1.1. Les aflatoxines

Les aflatoxines sont des toxines produites naturellement par certains champignons du genre Aspergillus, principalement par trois espèces connues: Aspergillus flavus, Aspergillus parasiticus et Aspergillus nomius. Elles constituent un groupe de 18 composés structurellement proches, dont les plus abondantes dans la nature sont les aflatoxines B1, B2, G1 et G2 (Huffman et al., 2010). Il existe aussi deux autres formes supplémentaires à savoir les aflatoxines (M1 et M2) qui sont respectivement des métabolites hydrolysés de B1 et B2 dans le foie d’animaux contaminés. On les retrouve exclusivement dans le lait de vache ou autres ruminants (moutons, chèvres, chameaux…), suite à l’absorption d’aliments infectés.

Les noms de ces aflatoxines (B1, B2, G1 et G2) sont basés sur leur fluorescence sous la lumière ultra-violette : bleu pour les AFB « blue » ou vert pour les AFG « green » et la mobilité chromatographique relative pendant la chromatographie (Bennett et al., 2003). Par contre pour les aflatoxines (M1 et M2), leurs noms dérivent du fait de leurs détections dans le lait, M comme

« Milk ». Autrement dit pour la nomination des AFM1 sous lumière ultra-violette, on les retrouve en fluorescence bleu-mauve.

Les aflatoxines comparées aux autres mycotoxines constituent un groupe de faible poids moléculaire 312 à 330 g/mol (tableau 2).

Tableau 2 : Principaux représentants de la famille des aflatoxines

Les types d’Aflatoxines Formule brute Masse molaire (g/mol)

AFB1 C17H12O6 312

AFB2 C17H14O6 314

AFG1 C17H12O7 328

AFG2 C17H14O7 330

AFM1 C17H12O7 328

AFM2 C17H14O7 330

Les aflatoxines sont susceptibles d’être présentes naturellement dans de nombreux aliments destinés à la consommation humaine ou animale (tableau 3). Néanmoins, leurs incidences et

Page | 13 leurs concentrations dans les aliments dépendent fortement des conditions environnementales (l’humidité relative, la température et la pluviométrie) et aussi des conditions de stockages.

Selon le rapport final de AFSSA, (2009), la production des aflatoxines par A. flavus, principal producteur est favorable dans des conditions d’activité en eau (aw) relativement faible (0,84-0,86) et à une température élevée, comprise entre 25 et 40 ℃. Pour les plus connus (A. flavus et A. parasiticus) dans la production d’aflatoxines dans les céréales, les conditions optimales sont de 33 ºC et 0,99 aw; tandis que pour la croissance ces conditions sont de 35 ºC et 0.95 aw (Pitt et Miscamble, 1995).

Tableau 3 : Espèces productrices et conditions écologiques des types d’aflatoxines produits en fonction des denrées contaminées

Aspergillus flavus Pays à climats chauds et humides

Le développement des moisissures (A. flavus, A. parasiticus) et la production de l’aflatoxine dans le riz sont souvent liés à différents facteurs, tels que les mauvaises conditions de productions et de conservations. Dans les champs, au cours du stockage ou bien lors du transport, il peut y avoir des proliférations fongiques et par conséquent une production d'aflatoxine dans le riz.

o Dans les champs : D’après le PACA (Partnership for Aflatoxin Control in Africa ; 2015)

Page | 14 Des pratiques de production peuvent influencer le niveau de contamination aux aflatoxines, par exemple :

 L’exposition du paddy aux pluies précoces avant le battage entraine un risque de contamination aux aflatoxines ;

 Le mauvais séchage des graines récoltées avant d’être mis en sac procure une condition favorable à la production de l’aflatoxine ;

 Le non-respect des calendriers culturaux en zones irriguées expose à la récolte qui peut coïncider à la saison des pluies. Ceci accentue les difficultés du séchage favorisant ainsi la production d’aflatoxines dans le riz ;

 La récolte manuelle du riz et le séchage dans des parcelles encore gorgés d’eau, constituent également des pratiques à risque ;

 L’emballage en nylon généralement utilisé dans le conditionnement du riz favorise l’accumulation de l’humidité stimulant ainsi le développement des champignons et donc la production d’aflatoxine.

o Au cours du stockage

Le riz est généralement stocké dans des magasins avant son écoulement dans le marché selon la demande de la clientèle. Ainsi, le riz peut rester pendant des mois dans les magasins de stockages avant son écoulement. Cela accentue l’exposition du riz par rapport aux conditions favorable de croissance fongique et de prolifération des aflatoxines.

Il est à noter qu’une insuffisance des infrastructures dans ces lieux de stockages fait que ces derniers sont mal sécurisés et exposés à bon nombre de facteurs propices pour le développement des Aspergillus dans le riz. Ces facteurs sont à la fois biotiques et abiotiques :

Biotiques :

 Les insectes (rampants et/ou volants) et es rongeurs (rats, souris, écureuils…) peuvent être source d’infestation et de la croissance fongique en attaquant les grains;

Abiotiques :

 Eau : la pluie qui entre en contact avec le riz et favorise le développement des moisissures ;

 Température : le non-respect du contrôle de la température et de l’humidité dans les magasins et dans les sacs de riz durant l’entreposage place ces derniers à un environnement chaud et humide. L’humidité et la température élevées étant des facteurs favorisant la croissance des moisissures, productrices de mycotoxines. Ainsi, le risque

Page | 15 de contamination par les aflatoxines est bien réel. Une hausse de température de 2 à 3

°C peut indiquer un développement microbien et/ou une infestation par les insectes (Codex, 2012);

o Au cours du transport

 L’humidité dans les conteneurs et le non-respect des bonnes pratiques d’hygiènes dans les camions peuvent conduire à la prolifération fongique ;

 La pénétration de rongeurs, d’insectes ou d’oiseaux dans les conteneurs pourrait également augmenter les risques de production des aflatoxines dans le riz.

II.1.1.2.Toxicité de l’aflatoxine

L’épisode de la "maladie X du dindon" (the Turkey X disease) qui a sévi en 1960 en Angleterre, a permis pour la première fois d’établir la relation entre une intoxication dans un élevage de dindons et la présence d'une moisissure. Ainsi sur la base d’analyse des matières premières servant de nourriture à la volaille, il a été révélé la présence d’une toxine produite par Aspergillus flavus dans les tourteaux d’arachide nommée aflatoxine (Dieme et al., 2016). Parmi toutes les formes d’aflatoxines produites par les Aspergillus, les formes B étant les plus fréquentes et sont 10 à 50 fois plus toxiques que les formes G (Martin et al., 1999). En effet, le pouvoir toxique des aflatoxines est principalement associé à l'aflatoxine B1. Il est considéré comme le principal métabolite génotoxique en plus de posséder le plus fort potentiel cancérogène de toutes les aflatoxines. Il est hépatotoxique, tératogène et mutagène (Tabuc, 2007). D’ailleurs, les aflatoxines ont été classées comme des agents cancérogènes pour les humains par le CIRC, en plus d’être un cofacteur des virus de l’hépatite B et C qui aggravent les risques de développer le cancer du foie.

Ces toxines naturelles auxquelles l’homme s’expose par voie alimentaire en ingérant des aliments contaminés peuvent avoir divers effets négatifs sur la santé. En effet, on en distingue deux types d’intoxications : une aflatoxicose aiguë et une aflatoxicose chronique.

L’aflatoxicose aiguë causée par une exposition à court terme à des niveaux élevés de l’aflatoxine est une insuffisance hépatique qui peut entrainer la mort dans l’intervalle d’une à deux semaines d’exposition. Tandis que l’aflatoxicose chronique,survient à la suite d’ingestion répétée de faibles doses d’aflatoxines pendant des périodes plus ou moins longues.

Effets aigus : les symptômes sont cliniques, mais non spécifiques et incluent ictère, dépression, anorexie et diarrhée.

Lors d’une intoxication aigue qui a sévi en 1975 en Inde, la mortalité a atteint 25% et 40% dans l’Est du Kenya en 2004 durant laquelle 341 cas ont été diagnostiqués

Page | 16 conduisant à 123 décès. Deux syndromes humains, d’étiologie indéfinie, ont été reliés à l’ingestion d’aliments contaminés par les aflatoxines : le kwashiorkor qui associe hypo albuminémie et immunodépression et le syndrome de Reye qui associe encéphalopathie et dégénérescence des viscères (ANSES, 2012).

Effets chroniques : les premiers symptômes visibles sont une anorexie et un ralentissement de la croissance, voir une perte de poids. Mais c’est rapidement le foie qui souffre le plus de l’activité toxique (Bathily, 1998). L’exposition chronique est associée à un risque accru de développer le carcinome hépatocellulaire, ou cancer du foie, ainsi que des troubles de la fonction immunitaire, la malnutrition et une croissance ralentie chez les enfants (Dieme et al., 2016).

II.1.1.3.Réglementation sur les aflatoxines

Actuellement au Sénégal, il est noté une absence de textes réglementaires et normatifs de portée spécifique pour le contrôle des aflatoxines dans l’alimentation humaine et animale. Néanmoins, en Afrique dans le cadre de la lutte contre la contamination des céréales par l’aflatoxine, 15 pays ont légiféré sur certaines mycotoxines. Ces pays ont situé les limites maximales d’aflatoxines tolérables dans les aliments de consommation humaine de 5 à 20 pp (Dieme et al., 2016).

Sur le plan international, les seuils maximums fixés par la Commission européenne dans le règlement (CE) n°1525/98 sont de 2 µg/kg pour l’AFB1 et de 4 µg/kg pour la totale des aflatoxines. Ces limites concernent les denrées alimentaires comme les céréales et produits dérivés, les fruits à coque et les fruits séchés ainsi que les produits de transformation destinés directement à la consommation humaine (Khoury, 2007). Les Etats Unis et les pays d’Asie ont adopté une limite maximale commune de 20 µg/kg pour les aflatoxines.

Concernant les données toxicologiques, aucune dose journalière admissible n’a été proposée pour les aflatoxines vu que ces substances sont des cancérogènes génotoxiques (Codex, 2013).

En effet, pour ces substances présentant des effets cancérogènes génotoxiques sans seuil, la seule approche réaliste est de réduire l’exposition à un niveau aussi faible que possible suivant le principe ALARA (As Low As Reasonnably Achievable).