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Ancrage de sels d’ammonium sur supports (Revue bibliographique)

III.1 Adsorption de sels d’ammonium quaternaires

La littérature dans le domaine est dominée par les études d’adsorption de sels d’ammonium quaternaires tensioactifs. Les objectifs de ces travaux visent en général à modifier les propriétés superficielles des adsorbants avec des répercussions sur :

 la stabilité de leurs dispersions en milieu liquide,

 leur comportement au mouillage,

 leur capacité d’adsolubilisation envers les composés organiques lesquels, habituellement, ne s'adsorberaient pas en l’absence de surfactant.

Dans ce qui suit, après un bref rappel de l’origine des propriétés tensioactives de certaines molécules, nous nous attarderons sur les études d’adsorption des tensioactifs cationiques, les modèles proposés et les applications.

III.1.1 Sels d’ammonium aux propriétés tensioactives

Les propriétés d’interface des molécules aux propriétés tensioactives qui se révèlent au contact de deux liquides non miscibles de polarités opposées, d’un solide en présence d’un liquide, ou d’un gaz au contact d’une phase liquide sont liées à leur caractère amphiphile. Ces molécules sont généralement constituées de deux parties de polarités très différentes :

La partie lipophile : une ou plusieurs chaînes hydrocarbonée(s) aliphatique(s) (linéaire(s) ou ramifiée(s)), ou aromatique(s) ou encore alkylaromatique(s). Le caractère hydrophobe de cette dernière dépend du nombre d’atomes de carbone, de la présence d’insaturations et éventuellement de ramifications.

La partie hydrophile, ou tête polaire : un ou plusieurs groupements polaires(s), ionique(s) ou non ionique(s).

Quatre grandes familles de molécules tensioactives sont généralement distinguées selon la nature de leur tête polaire :

(a) Composés anioniques (type sulfonates, sulfates, etc.) : par exemple, [R─OSO2O-]Na+ (b) Composés cationiques, halogénures de n-alkyltriméthylammonium, [R─N+(CH3)3]X -(c) Composés cationiques géminés, (X-)[R─N+

(CH3)2─(CH2)n─ (CH3)2N+─R](X

-) (d) Composés zwitterioniques ou amphotères, R─N+(CH3)2─(CH2)n─ COO

-où R représente la longue chaîne carbonée et X- un ion halogénure (Br-, Cl-,…).

En solution aqueuse, les composés ioniques peuvent se dissocier pour donner les ions aux propriétés tensioactives (par exemple, les cations d’alkyltriméthylammonium ou les anions de

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sulfate d’alkyle) et leurs contre-ions. Avec l’augmentation de la concentration, la plupart des composés tensioactifs classiques tendent à générer des édifices d’abord sphériques (micelles à cœur hydrophobe) puis des phases continues hexagonales, lamellaires… La formation de ces structures permet de minimiser les interactions défavorables entre les parties hydrophobes et l’eau. La valeur de la concentration à partir de laquelle il y a micellisation (CMC, pour concentration micellaire critique) est une caractéristique intrinsèque de la molécule. Dans la suite de cette partie, nous allons nous intéresser uniquement aux sels d’ammonium quaternaires dont quelques exemples sont présentés dans la figure III-2.

Halogénure d’alkyltriméthylammonium N CH3 CH3 CH3 X Halogénure de dialkyldiméthylammonium N CH3 CH3 X

Halogénure de dialkyl ester diméthylammonium N

CH3 CH3 X O O C C O O

Figure III-2 : Exemples de tensioactifs cationiques avec X = Br, Cl [3].

Outre l’adsorption sur surface déjà constituée, il est important de noter que les sels d’ammonium tensioactifs cationiques ont été les premières molécules de ce genre à être exploitées pour générer des silices ou silice alumines mésoporeuses. L’auto-assemblage de CTABr (Bromure de cétyltriméthylammonium) utilisé à de fortes concentrations a été utilisé pour servir de gabarit dans la synthèse des matériaux de type MCM-4128,29.

D’autres interactions, cette fois-ci avec des surfaces métalliques, ont été également exploitées pour la stabilisation de nanoparticules (colloïdes). Cependant, la relativement faible solubilité de CTABr dans l’eau à température ambiante limite son utilisation et d’autres sels d’ammonium quaternaires à tête plus polaire et à longue chaîne ont été synthétisés [4]. Les sels d'ammonium quaternaires peuvent être obtenus par différentes méthodes et les contre-ions sont généralement limités aux contre-ions halogénure. Une voie d’accès assez générale consiste à faire réagir une amine tertiaire avec un halogénure d’alkyle (réaction de Menshutkin) [4]. La préparation des sels de N-alkyl-N-(2-hydroxyéthyl)-ammonium HEAnX30, analogues de CTABr, utilisés pour stabiliser durablement des nanoparticules métalliques dans l’eau [5,6]

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La tête polaire cationique guide la structuration du solide en formation par le biais d’interactions électrostatiques S+---I- (S+ = agent Structurant, I- = espèce Inorganique produite en milieu basique).

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Les matériaux finaux sont obtenus par élimination ultérieure de l’agent structurant par extraction au soxhlet ou calcination.

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Un des substituants méthyle de la tête polaire de CTA+ est remplacé par le groupement -CH2CH2OH. L’indice « n » représente le nombre d’atomes de carbone de la partie hydrophobe.

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(cf. chapitre I) est en effet basée sur la quaternarisation de la N,N-diméthyléthanolamine avec par halogénoalcane approprié (Éq. 1).

(Éq. 1)

III.1.2 Adsorption sur des interfaces solides III.1.2.1 Principe

La surface d’un solide au contact d’électrolytes en solution aqueuse peut acquérir une charge dite « charge nette » suite à l’adsorption d’ions ou à des réactions de protonation/déprotonation. Il en résulte la formation d’une couche de contre-ions, plus ou moins diffuse. La valeur du pH est un paramètre qui peut affecter fortement la charge de surface en conduisant à la déprotonation ou à la protonation de liaisons M-OH. Pour une valeur appelée de pH précise, point de charge nulle PCN (ou PZC en anglais), la charge moyenne de surface est nulle [7].

Ainsi, pour une surface de silice dotée de groupements silanols Si-OH :

si pH < PZC : Si-OH + H+  Si-OH2+

si pH > PZC : Si-OH  Si-O- + H+

Dans le cas des zéolithes et autres aluminosilicates, la substitution isomorphe d’ions Si4+ par des ions Al3+ en position tétraédrique conduit à une structure qui est globalement chargée négativement et dont l’importance de la charge est fonction du ratio Si/Al. Le déficit de charges positives est équilibré par l'adsorption de cations échangeables (par exemple, des ions Na+). En solution aqueuse, ces ions compensateurs se dissocient et contribuent à la couche ionique entourant la surface. Contrairement à la charge qui résulte de la déprotonation des groupements « aluminol » (Al-OH) et silanol (Si-OH), cette dernière est indépendante de l'environnement de la solution (pH).

Différents modèles et études théoriques ont contribué à l'avancement de la compréhension actuelle du phénomène d'adsorption de molécules d’agents tensioactifs ioniques. Selon Somasundaran et Fuerstenau (1966) [8], les isothermes d'adsorption du dodécyl sulfonate de sodium sur l’alumine peuvent être décomposées en trois régions. Les auteurs ont évoqué la formation d’agrégats bidimensionnels appelés hémi-micelles à des concentrations élevées de tensioactifs. CnH2n+1X EtOH reflux Rendement = 75-95% HO N(Me)2 HO N (Me)2 n-3 X

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- 112 - Par contre, Gu et al. (1987) [9] ont décomposé les isothermes d’adsorption d’ions halogénure d’alkylpyridinium sur gel de silice non pas en trois régions mais en quatre (Fig. III-3). Dans la région I, les unités individuelles de tensioactifs s’adsorbent par le biais d’interactions électrostatiques impliquant la tête polaire ionisée et la surface minérale de charge opposée ; l’interaction entre adsorbats étant quasi négligeable.

Figure III-3 : Isotherme d’adsorption d’ions halogénure d’alkylpyridinium sur gel de silice [9].

Dans la région II (plateau), d’autres ions alkylpyridinium seraient adsorbés par un mécanisme d’adsorption spécifique. Une forte attraction latérale entre les parties hydrophobes des tensioactifs se produit au niveau de la région III où des agrégats primaires sont formés. Il s’agirait d’hémi-micelles apparaissant pour une concentration dite concentration hémi-micellaire critique (hmc) à partir de laquelle l’adsorption augmente très fortement. Dans la région IV, une transition progressive des hémi-micelles se produit vers la formation d’une bicouche en passant par des micelles adsorbées au-delà de la cmc (concentration micellaire critique).

Figure III-4 : Adsorption de tensioactif cationique avec mention de l’orientation des cations à la surface du gel de silice; I-IV sont les étapes successives d'adsorption correspondant à celles de la figure III-3 [9].

Le support ainsi modifié par l’ajout de tensioactif voit son hydrophobicité et sa charge de surface modifiées ouvrant par la même occasion un champ de nouvelles applications.

III.1.2.2 Applications à l’adsorption

L'adsorption est une des techniques les plus efficaces et les plus simples développée pour éliminer de nombreux polluants (espèces ioniques chargées ou non) présents dans les eaux. Le charbon actif fait partie des adsorbants les plus utilisés. Pour contourner certains

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inconvénients associés à l’utilisation du charbon actif (régénération coûteuse, taux élevé d'usure, adsorption non-sélective et/ou récupération de produits chimiques organiques), d’autres matériaux ont été proposés comme les argiles minérales, les biomatériaux (le chitosan, la cellulose, l’alginate) et les zéolithes [10].

Les argiles (aluminosilicates en feuillets) ont été largement étudiées en raison de leur grande surface spécifique, de leur acidité de surface et de leur capacité d’échange cationique. Parmi ces dernières, la montmorillonite (MMT) a reçu une attention toute particulière, notamment à cause de ses propriétés de gonflement. La montmorillonite est naturellement équilibrée par des cations inorganiques échangeables, comme Na+ et Ca2+. L'hydratation de ces cations et la nature polaire des groupements silanol confèrent à la surface de la montmorillonite un caractère hydrophile. Aussi, lorsque les ions Na+, Ca2+ sont remplacés par des tensioactifs cationiques du type alkylammonium à longues chaînes, la nature de la surface de l'argile est radicalement modifiée. Les argiles deviennent alors hydrophobes ou organophiles. Plusieurs types de cations alkylammonium quaternaires ont été incorporés dans l’espace interfoliaire des argiles [11-13]. Des modifications importantes des propriétés de surface et des interactions ont été mises en évidence par Espuche et coll. [13] (2007). Les dimensions des espaces interfoliaires sont clairement liées aux tensioactifs utilisés. L’échange des cations Na+ par des ions alkylammonium conduit à une diminution de la quantité d’eau adsorbée et à une augmentation significative de la surface spécifique.

Les caractéristiques chimiques et structurales des zéolithes font de ces matériaux des supports très efficaces pour l’élimination des ions métalliques toxiques, des radionucléides aussi bien que de l'azote ammoniacal [14]. En raison de leur charge nette négative, les zéolithes naturelles ont généralement peu ou pas d'affinité pour les anions et présentent une faible capacité d’adsorption vis-à-vis des composés organiques en solution aqueuse. L’utilisation de tensioactifs cationiques permet l’adsorption d’anions et/ou de composés organiques. De nombreuses combinaisons de zéolithes et de tensioactifs cationiques ont été utilisées pour adsorber des colorants azoïques, du phénol et ses dérivés, des pesticides, ou des hydrocarbures aromatiques polycycliques (Tableau III-1).

Par comparaison aux argiles et aux zéolithes, très peu d’exemples, portant sur l’adsorption de sels d'ammonium quaternaires sur des solides aluminosiliciques mésoporeux, ont été décrits dans la littérature.

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Tableau III-1 : Exemples d’associations tensioactif/zéolithes.

Réf. Structure moléculaire Zéolithes Techniques mises en œuvre pour le suivi de l’adsorption

[15,16] N Tétraméthylammonium Clinoptilolite Heulandite Chabazite - HPLC (Br-) - Calorimétrie

- Analyse du surnageant par COT (Carbone Organique Total)

[17-19] N

Cétyltriméthylammonium

Clinoptilolite

- Titrage du surnageant par le bromure de dimidium utilisant le bleu de disulfine comme indicateur coloré

- Analyse de l’eau de lavage par UV-Vis (λ = 194,15 nm) - Sorption de N2 [20-22] N Stéaryldiméthylbenzyl-ammonium Clinoptilolite

- Titrage du surnageant par le bromure de dimidium utilisant le bleu de disulfine comme indicateur coloré - Spectrophotométrie d’absorption atomique de la suspension (cations échangés) - IR, ATG (solide)

[23] N

n-cétylpyridinium

ZSM-5 Clinoptilolite

Analyse du filtrat par UV-Vis (λ = 259 nm)

[24] N N

N,N,N,N’,N’,N’-hexaméthyl-1,9-nona-nédiammonium

Natrolite Analyse du filtrat par UV-Vis (λ = 237 nm)

En 2000, Zajac et coll. ont étudié le mécanisme d’adsorption du bromure de tétradécyltriméthylammonium (TTAB), en solution aqueuse, sur des silices alumines de type MCM-41 [25]. L'adsorption des cations TTA+ a été quantifiée à partir de l’analyse des solutions surnageantes via le dosage du carbone organique total (COT).