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I. Peuplement de l’Amérique du Sud 29

2.   L’ADN ancien un outil essentiel pour la compréhension des populations du passé 42

2.2.   ADN ancien et peuplement de l’Amérique du Sud 45

Il existe à ce jour assez peu de données d’ADNa sur les populations amérindiennes sud- américaines, et elles se révèlent très inégales quant à la qualité et aux régions étudiées. Les caractéristiques générales des études réalisées ainsi que la localisation des populations anciennes analysées sont présentées dans le tableau 3 et la figure 3 suivants.

46 Première partie : Contexte général de l’étude.

De manière intéressante, toutes ces études sont le reflet de l’évolution de la paléogénétique, aussi bien du point de vue technique, que du point de vue de l’approche adoptée. Dans un premier temps (jusqu’au début des années 2000), les chercheurs ont utilisé l’ADNa essentiellement dans le but de connaître la diversité génétique des populations anciennes mais aussi, avec l’objectif ambitieux de retracer la dynamique de peuplement de l’Amérique du Sud.

Ainsi, des scénarios de peuplement à plusieurs vagues de migrations ont été proposés à partir des premières études menées (Lalueza et al., 1997; Monsalve et al., 1994). En effet, étant donnée l’absence apparente des lignées maternelles A et B dans les populations de la Terre de Feu, Lalueza a proposé que la première vague de migration entrée en Amérique du Sud ait permis la diffusion des lignées C et D et que donc les deux autres lignées fondatrices auraient été introduites ultérieurement. (Demarchi et al., 2001b; Lalueza et al., 1997). Ces premières études ont également montré qu’un certain nombre d’échantillons anciens (39 % pour les individus amazoniens) n’appartenaient à aucune lignée maternelle amérindienne. Une hypothèse de baisse de la variabilité génétique ancienne causée par l’arrivée des colons européens a donc été proposée sur la base de ces résultats (Monsalve, 1997; Monsalve et al., 1996; Monsalve et al., 1994; Ribeiro-dos-Santos et al., 1996). Cependant, quelques doutes subsistent quant à l’authenticité d’une partie de ces premiers résultats. Il apparaît très probable, à la lecture des protocoles, que ces résultats soient la conséquence de contaminations. Pour exemple, Ribeiro-dos-Santos et son équipe ont amplifié des fragments de 424 et 598 paires de bases, ce qui paraît étonnant pour de l’ADN ancien, et obtenu un certain nombre de séquences HVR-1 présentant le motif 16223T – 16278T qui semble être caractéristique de la lignée africaine L2.

Ces premières études, même si elles ont permis de montrer que les populations amérindiennes anciennes présentaient l’ensemble des lignées maternelles détectées dans les populations contemporaines, soulignent les difficultés inhérentes à l’analyse d’échantillons anciens (contaminations, effectif réduit).

Si en théorie la paléogénétique permet de retracer des évènements anciens tels que des migrations ou des effets fondateurs, il apparaît en réalité que de telles études nécessitent un effectif important d’échantillons, les plus anciens possibles et non apparentés. Toutes ces conditions sont difficiles à réunir, ainsi, à partir des années 2000, les chercheurs se sont intéressés à des phénomènes moins généraux, et ont étudié des problématiques locales plus ciblées, notamment concernant certaines périodes ou régions particulières des Andes

centrales, où les conditions de conservation de l’ADN sont favorables.

Ces études, en plus de s’intéresser à des problématiques particulières telles que l’évolution des populations dans la vallée d’Azapa au Chili (Moraga et al., 2005), l’origine des populations de la période Inca au Machu Picchu (Shinoda et al., 2006), les pratiques funéraires de la culture Sican au Pérou (Shimada et al., 2004), la continuité génétique après le déclin de l’empire Wari au Pérou (Kemp et al., 2009) ou encore la dynamique de peuplement de la région de Palpa sur la côte péruvienne (Fehren-Schmitz et al., 2010a), ont permis de démontrer une continuité entre la diversité génétique des populations amérindiennes anciennes et contemporaines. En effet, même si certains gradients de fréquences, comme pour les populations actuelles, peuvent être perçus, notamment avec l’absence des lignées A et B en Terre de Feu (Garcia-Bour et al., 2004) et une fréquence plus élevée des lignées B dans les populations andines (Fehren-Schmitz et al., 2010b; Lewis Jr et al., 2007; Rothhammer et al., 2003), aucune lignée supplémentaire n’a été détectée. A la vue de ces résultats, l’hypothèse d’une arrivée séparée des différentes lignées apparaît donc peu probable.

Les études d’ADNa sont encore trop peu nombreuses pour pouvoir confronter ces données anciennes aux hypothèses de peuplement émises sur la base des données contemporaines. Notamment, comme cela est illustré sur la figure 3, on remarque qu’il existe encore de nombreuses aires géographiques vierges de toute étude en Amérique du Sud, et en particulier, l’ensemble de l’est du continent, qui est pourtant une zone clé pour comprendre la diffusion des premiers amérindiens. Le climat de cette région amazonienne n’apparaît pas comme étant le plus favorable à la bonne conservation des restes humains anciens, et d’autant plus pour l’ADN, ce qui peut expliquer en partie l’absence de données provenant de ces populations. Un corpus plus important de donnée sera nécessaire, aussi bien au niveau des régions étudiées que des périodes, pour appréhender correctement la diffusion de l’homme moderne en Amérique du Sud.

Nous avons choisi pour ce travail de thèse de nous intéresser à une région encore vierge en ce qui concerne les études paléogénétiques : les Andes méridionales. Cette région qui fait partie du monde andin, tout en étant en relation avec les grandes plaines menant à la région amazonienne pourrait permettre de mieux comprendre les relations entre ces deux environnements.

48 Première partie : Contexte général de l’étude.

Tableau 3 : Récapitulatif et données générales concernant l’ensemble des études d’ADN ancien

réalisées dans le sous-continent sud-américain.

N° Populations Datations N Type de données Référence

1 Momies Colombie 1300-500 B.P. 8 RFLP mt Monsalve et al., 1994, 1996 2 Momies Amazonie 500-4000 B.P. 26 HVR-1 (16047-16380) Ribeiro-dos-Santos et al., 1996

3 Terre de Feu 100-200 B.P. 60 RFLP mt Lalueza et al., 1997

4 Arica 2900-600 B.P. 42 RFLP mt Moraga et al., 2001

5 Tiwanaku n.d. 18 RFLP mt Rothhammer et al., 2003

6 Terre de Feu 100-200 B.P. 60 HVR-1 (16154-16400) / 10 STR Y Garcia-Bour et al., 2004 7 Sican 1000 B.P. 34 HVR-1 (16209-16402), RFLP mt Shimada et al., 2004 8 Arica 3900-500 B.P. 83 HVR-1 (16081-16390) Moraga et al., 2005 9 Ollantaytambo 600-400 B.P. 57 HVR-1,2 (128-267; 16209-16402) Shinoda et al. 2006

10 Chen Chen 1200-1000 B.P. 94 n.d. Lewis et al., 2007a

11 Ayacucho 1400-600 B.P. 69 HVR-1 (16011-16382) Kemp et al., 2009

12 Palpa, Paracas 2200-1200 B.P. 130 HVR-1 (16021-16408), SNP mt Fehren-Schmitz et al., 2010a 13 Laramate 1200-800 B.P. 90 HVR-1 (16021-16408), SNP mt / 6 SNP Y Fehren-Schmitz et al., 2010b

Figure 3 : Localisation des populations anciennes amérindiennes pour lesquelles des données d’ADNa

ont été obtenues.