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Adhésion et hydratation

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 159-166)

Chapitre 4 – Adhésion et Mécanismes

2. Influence de la concentration en polymère sur l’adhésion

2.2. Adhésion et hydratation

Pour tenter d’expliquer la perte conséquente d’adhésion au cours de l’immersion, même pour les formulations qui gonflent très peu (donc pour lesquels la dilution est faible), nous nous sommes interrogés sur les conséquences de l’hydratation des chaînes polymères sur l’adhésion macroscopique du système.

149 Lorsqu’un polymère hydrophile est immergé en solution aqueuse, une sphère d’hydratation constituée d’eau liée et d’eau intermédiaire s’établit rapidement autour des fonctions les plus hydrophiles. Les conséquences de ces sphères d’hydratation sur les interactions polymère/protéine sont bien connues : la présence d’eau liée forme une barrière physique répulsive qui limite l’adsorption de protéines en surface des chaînes polymères hydrophiles, conférant au matériau des propriétés d’anti-salissures dites « anti-fouling », recherchées notamment dans le domaine biomédical [2-6]. L’adsorption, énergétiquement favorisée, n’est rendue possible qu’après expulsion d’une partir de l’eau liée, conduisant alors à un abaissement de la barrière énergétique [2].

Les hydrogels présentent des propriétés anti-fouling particulièrement efficaces. En effet, l’organisation structurale de l’eau affecte la mobilité des molécules liées, qui est très différente de celles de l’eau « bulk » [7], entrainant un abaissement des propriétés d’interactions des chaînes polymères avec les protéines. Les interactions seront d’autant plus faibles que le réseau tridimensionnel sera très hydraté, c’est-à-dire que les molécules d’eau liées seront nombreuses dans la sphère d’hydratation [8]. Ainsi, les hydrogels sont couramment utilisés comme revêtements protecteurs de surfaces d’intérêts biologiques, évitant toute contamination par adsorption de macromolécules [9-12].

Dans le cadre de notre travail, l’hydrogel et la brosse de polymère sont dans tous les cas totalement hydratés : le gel parce qu’il contient déjà au moins 70 % d’eau à l’état de préparation, et la brosse, parce ce que compte-tenu de son épaisseur sèche (~6 nm), par diffusion, il faut moins d’une milliseconde pour qu’elle gonfle en solution.

Cependant, si le gel est à l’état initial hors équilibre, la différence de pression osmotique entre la solution et le gel est à l’origine d’un flux de gonflement dans le réseau, caractérisé par un mouvement dynamique de molécules d’eau entrantes dans le gel. Ce flux est susceptible de déstabiliser l’organisation structurale de l’eau liée dans le système gel/brosse. Grâce au flux, à l’état initial hors équilibre, la probabilité d’interpénétration des sphères d’hydratation des chaînes de l’hydrogel avec celles de la brosse (donc la formation de liaisons hydrogène multiples) peut être plus grande (Figure 4.6). Lorsque la vitesse de gonflement Λ̇ est élevée, l’énergie d’adhésion, pour les formulations PDMA_P𝑥-R3 les plus concentrées, se rapproche de la valeur de 𝑊𝑎𝑑ℎ, estimée théoriquement dans le chapitre 2 (~ 1,9 J.m-2 si l’on suppose que la totalité des motifs de

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la brosse est engagée dans des liaisons avec le gel). En utilisant l’équation 3.1, le calcul de l’énergie thermique par chaîne dans le cas du PDMA_P30-R3 donne une valeur de 1038 𝑘𝑇 par chaîne soit approximativement 100 liaisons hydrogène formées par chaîne de PAAc, ce qui représente un tiers des unités monomères de la brosse.

Lorsque le gel atteint l’équilibre de gonflement, Λ̇ diminue, pour finalement s’annuler à l’équilibre.

Le flux de gonflement tend progressivement vers zéro. Seul le mouvement Brownien est alors susceptible de modifier l’organisation des sphères d’hydratation autour des chaînes polymères. La création de liaisons multiples entre le gel et la brosse dépend de la cinétique de réarrangement de chaînes et de complexation entre le PDMA et le PAAc. Comme nous l’avons montré dans le chapitre 2, un temps de contact plus long entre les deux surfaces augmentera la probabilité de créer des liaisons hydrogène multiples dans l’interphase. Cependant dans les mêmes conditions de temps de contact, la probabilité d’interpénétration des sphères d’hydratation diminuant à l’équilibre (Figure 4.6) ; l’adhésion est alors nettement plus faible par rapport à l’état initial hors équilibre.

Figure 4.6 Interpénétration des sphères d’hydratation établies autour des groupements hydrophiles de l’hydrogel de PDMA et la brosse de PAAc et formation de liaisons hydrogène sous l’influence d’un flux de gonflement important (gauche). Diminution de l’interpénétration des sphères d’hydratation en raison d’un flux de gonflement plus faible (droite).

151 Pour estimer la différence de flux de gonflement entre un gel à l’état de préparation et un gel déjà gonflé à l’équilibre, tous les deux immergés en solution, nous avons réalisé des mesures comparées de fluorescence entre deux hydrogels PDMA_P15-R3_prep et PDMA_P20-R3_eq. Si la concentration en polymère est identique dans les deux réseaux (~14,5 wt%), les vitesses de gonflement en revanche sont différentes. Des disques d’hydrogels d’épaisseurs initiales e0 sont immergés pendant 2 minutes dans une solution aqueuse acidifiée contenant un marqueur fluorescent hydrosoluble, synthétisé par l’équipe du Professeur Joanne Xie au laboratoire Photophysique et Photochimie Supramoléculaire et Macromoléculaire de l’ENS Cachan (Figure 4.7). Ce marqueur présente deux fonctions acide carboxylique, susceptibles de former des liaisons hydrogène avec les fonctions N,N-diméthylacrylamide des gels.

Figure 4.7 Marqueur fluorescent utilisé pour mettre en évidence la différence de gonflement des gels en fonction de leur état de gonflement.

La concentration en marqueur fluorescent dans la solution est 0,03 µg/L. Le choix de la longueur d’onde d’excitation s’est porté sur celle correspondant au maximum d’absorbance de la molécule, λex = 385 nm. La longueur d’onde d’émission est λem = 538 nm. Visuellement on peut déjà noter des différences entre les deux gels, avant et après immersion (Figure 4.8).

PDMA_P15-R3_prep PDMA_P20-R3_eq Après 2 min d’immersion

en solution acide

en présence du marqueur fluorescent

Avant immersion en solution aqueuse

Figure 4.8 Hydrogels de PDMA_P15-R3_prep et PDMA_P20-R3_eq avant et après immersion dans une solution acide contenant un marqueur fluorescent

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Une mesure de l’intensité de fluorescence émise est effectuée pour les deux formulations P15_prep et P20_eq avant (mesure de référence) et après immersion dans la solution aqueuse.

Compte-tenu du gonflement de l’hydrogel P15 au cours de l’immersion, l’épaisseur des deux gels est susceptible d’être différente après 2 minutes dans la solution. Aussi pour comparer les résultats, nous avons représenté l’intensité émisse corrigée par l’épaisseur de l’échantillon après immersion. Les résultats obtenus sont présentés en Figure 4.9.

Figure 4.9 Intensité de fluorescence corrigée par l’épaisseur de l’échantillon pour les gels PDMA_P15-R3_prep et PDMA_P20-R3_eq après immersion en solution aqueuse avec le marqueur fluorescent (▬). Des mesures de référence ont été effectuées avant immersion (…).

Avant immersion, le spectre d’émission de fluorescence présente un pic autour de λ = 440 nm, dont l’intensité diminue lorsque le gel est à l’équilibre de gonflement (Figure 4.9-pointillé). Lors de la synthèse des hydrogels, la solution de monomères est utilisée sans purification préalable. Il peut donc rester des traces d’inhibiteurs de radicaux, fluorescents à la longueur d’onde d’excitation (monométhyl éther hydroquinone). Cette hypothèse semble confirmée par la diminution de l’intensité du pic d’émission lorsque le gel a été dialysé (à l’équilibre). Les mesures de fluorescence après immersion confirment dans les deux cas l’absorption de marqueurs fluorescents par le gel. Toutefois, l’intensité émise est deux fois plus importante dans le cas de P15_prep. Le pic d’émission observé pour P20_eq est principalement dû à la diffusion du marqueur dans le gel. La différence d’intensité entre les deux formulations est attribuée au flux de gonflement dans P15_prep qui participe à l’augmentation de la quantité de marqueurs absorbés.

153 S’il y a plus de marqueurs dans le gel hors équilibre, la probabilité qu’il forme des liaisons hydrogène avec les groupements polaires dans le réseau est plus grande par rapport à la situation à l’équilibre.

Dans le cadre de notre étude, on peut supposer qu’à même concentration en polymère, la perte d’énergie d’adhésion d’un hydrogel à l’équilibre est un effet de la rigidification du système ternaire polymère/polymère/eau ; Rigidification de la structure du réseau tridimensionnel, étiré en raison du gonflement d’une part, et de la structure de l’eau, stabilisée en sphères d’hydratation autour des groupements polaires d’autre part. La diminution de la cinétique de formation des ponts hydrogène du PDMA avec la brosse de PAAc entraine une probabilité d’interaction et par conséquent une réponse adhésive du système gel/brosse plus faibles.

2.3. Adhésion et dégonflement

Si le gonflement est responsable d’une perte d’adhésion, il est légitime de s’interroger sur l’augmentation éventuelle de l’énergie d’adhésion d’un hydrogel lorsque qu’il dégonfle. Lorsqu’il est immergé en solution acide (𝑝𝐻 = 2), un gel de PAAc_P10-R2 dégonfle au cours du temps, passant de 7,9 à l’état de préparation à 7,2 à l’équilibre de gonflement. L’expulsion d’eau, liée au phénomène de désorption, entraîne une légère augmentation de la concentration en polymère dans le réseau. Les résultats d’adhésion pour la formulation PAAc_P10-R2 sont présentés en Figure 4.10.

Figure 4.10 Energie d’adhésion lors du dégonflement de PAAc_P10-R2 au cours de son immersion en solution aqueuse de 𝒑𝑯 = 2 au contact d’une brosse de PAAc dans les paramètres de mesure de référence.

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Même si le niveau d’adhésion est relativement faible comparé au cas du PDMA, le gain en 𝑊𝑎𝑑ℎ au cours du temps immersion pour le gel PAAc_P10-R2 est visible. Il correspond à une faible diminution de l’épaisseur du gel lors de son immersion due à l’écart des gonflements entre l’état de préparation et l’état d’équilibre. La concentration en polymère à l’interface augmente par conséquent la probabilité de former des interactions multiples au sein du système gel/brosse qui est supérieure dans l’état d’équilibre de gonflement par rapport à l’état de préparation.

2.4. Conclusion

En conclusion de ce paragraphe, nous avons montré que l’adhésion d’un gel de PDMA décroît lors de son gonflement quelle que soit la concentration initiale en polymère et la densité surfacique de chaînes élastiques. L’écart entre l’adhésion à l’état initial hors équilibre et à l’état d’équilibre de gonflement peut s’expliquer par une rigidification de la structure des chaînes et de l’eau liée qui les hydrate. L’existence d’un flux d’eau dû au gonflement, susceptible de défavoriser les interactions polymère/eau au profit des interactions polymère/polymère, pourrait expliquer le profil discontinu de 𝑊𝑎𝑑ℎ. Quand le flux est grand, la déstabilisation des cages d’eau liée est possible et la probabilité de former des interactions PDMA/PAAc augmente. A l’inverse, quand le flux devient faible, la déstabilisation est moins efficace et la probabilité de former des liaisons hydrogène à l’interface est plus faible. Dans le cadre de cette hypothèse, le paramètre cinétique discriminant pour qualifier l’efficacité du flux d’eau est la vitesse de gonflement du gel notée Λ̇.

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