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III. Calcul de Q* à partir de données satellites

2. Méthode itérative d’inversion des propriétés des matériaux de surface

2.3. Adaptation au domaine thermique

La simulation d'images dites thermiques nécessite deux propriétés par type matériau : température et émissivité (i.e. 1 – réflectance) spectrale. Idéalement, ces deux propriétés sont dérivées de l'image satellite. DART les utilise pour simuler les images thermiques avec la loi de Planck ou la loi de Stephan-Boltzmann. Ici, la loi de Planck est

utilisée pour simuler des images par bande spectrale thermique. Ainsi, à la longueur d'onde 𝜆 et pour la direction

Ω, la luminance totale d'un pixel (x,y) caractérisé par la température 𝑇(𝑥, 𝑦) et l'émissivité 𝜖Δ𝜆(𝑥, 𝑦, Ω) est :

𝐿𝐷𝐴𝑅𝑇,Δ𝜆(𝑥, 𝑦, Ω, T(x, y)) = 𝜖Δ𝜆(𝑥, 𝑦, Ω). 𝐿𝐵,Δ𝜆(𝑇(𝑥, 𝑦)) (3.26)

où 𝐿𝐵,𝜆 est la luminance de Planck, définie par :

LB(𝜆, 𝑇) = (2ℎ𝑐2)

𝜆5(𝑒

ℎ𝑐 𝜆𝑘𝑇−1)

(3.27)

avec ℎ la constante de Planck (ℎ = 6.62606896.10−34 𝐽. 𝑠), 𝑐 la vitesse de la lumière dans le vide (𝑐 =

299792458 𝑚. 𝑠−1), et 𝑘 la constante de Boltzmann (𝑘 = 1.3806504.10−23 𝐽. 𝐾−1).

100 𝐿𝐷𝐴𝑅𝑇,Δ𝜆,𝑛(𝑥, 𝑦, Ω, Tn(𝑥, 𝑦)) = 𝜎𝑛(𝑥,𝑦,Ω)

𝜎𝑝𝑖𝑥𝑒𝑙(𝑥,𝑦,Ω). 𝜖Δ𝜆,𝑛(𝑥, 𝑦, Ω). 𝐿𝐵,Δ𝜆(𝑇𝑛(𝑥, 𝑦)) (3.28)

où 𝜎𝑛(𝑥, 𝑦, Ω) est la surface efficace du matériau 𝑛 selon la direction Ω, et 𝜎𝑝𝑖𝑥𝑒𝑙(𝑥, 𝑦, Ω) est la surface efficace

du pixel selon la direction Ω. Le terme 𝜎𝑛 est compris entre 0 et 1. Il vaut 1 si le pixel est pur. Il dépend de la

distribution 3D de cet élément, mais aussi de l'architecture 3D urbaine l'environnant. Ainsi, un bâtiment peut

totalement ou partiellement masquer un élément urbain selon la direction Ω. Comme pour les courtes longueurs

d'onde, la réflectance, et donc l'émissivité, des éléments est supposée être lambertienne. Leur émissivité 𝜖Δ𝜆,𝑛

ne dépend donc pas des directions d’éclairement et d’observation, contrairement à l'émissivité 𝜖Δ𝜆(𝑥, 𝑦, Ω) du

pixel. Ainsi, on a :

𝐿𝐷𝐴𝑅𝑇,Δ𝜆,𝑛(𝑥, 𝑦, Ω, Tn(𝑥, 𝑦)) = 𝜎𝑛(𝑥,𝑦,Ω)

𝜎𝑝𝑖𝑥𝑒𝑙(𝑥,𝑦,Ω). 𝜖Δ𝜆,𝑛(𝑥, 𝑦). 𝐿𝐵,Δ𝜆(𝑇𝑛(𝑥, 𝑦)) (3.29)

Avant de procéder à l’inversion des propriétés d’émissivité et de température des matériaux par comparaison avec une images de luminance satellite thermique, une étape préliminaire est nécessaire pour déterminer les

cartes 𝜎𝑛(𝑥𝑠𝑎𝑡, 𝑦𝑠𝑎𝑡, Ω) pour chaque matériau, dans les conditions d’observation de l’image satellite utilisée pour

l’inversion, et à la résolution de l’image satellite. Pour ce faire, une simulation DART est réalisée dans une bande

spectrale quelconque, avec pour le matériau 𝑛 une température de 300K et une émissivité de 1, et pour les autres

matériaux une température de 0K et une émissivité de 1. Les images de luminance par matériau sont alors rééchantillonnées et géoréférencées pour correspondre au système de coordonnées de l’image satellite, si bien

que pour chaque pixel (𝑥𝑠𝑎𝑡, 𝑦𝑠𝑎𝑡), l'on a :

𝐿𝐷𝐴𝑅𝑇,Δ𝜆,𝑛(𝑥𝑠𝑎𝑡, 𝑦𝑠𝑎𝑡, Ω, 300𝐾) = 𝜎𝑛(𝑥𝑠𝑎𝑡,𝑦𝑠𝑎𝑡,Ω)

𝜎𝑝𝑖𝑥𝑒𝑙(𝑥𝑠𝑎𝑡,𝑦𝑠𝑎𝑡,Ω). 𝐿𝐵,Δ𝜆(300𝐾) (3.30)

Le rapport 𝐿𝐷𝐴𝑅𝑇,Δ𝜆,𝑛(𝑥𝑠𝑎𝑡,𝑦𝑠𝑎𝑡,Ω,300𝐾)

𝐿𝐵,Δ𝜆(300𝐾) donne des cartes de surface efficace de matériau 𝜎𝑛(𝑥𝑠, 𝑦𝑠, Ωs), qui seront

utilisées pour inverser l'image satellite selon la direction Ω. La Figure 3.21 montre des cartes de 𝜎𝑛 pour trois

types d’éléments (‘sol’, ’toits’, et ‘eau’) de la ville d’Héraklion (en Grèce), pour la direction verticale et la résolution spatiale de 30m de Landsat-8, l’un des capteurs satellites utilisés dans cette étude. Un pixel de valeur

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Figure 3.21 : Cartes de 𝜎𝑛 de 3 éléments (A : ‘sol’ ; B : ‘toits’ ; C : ‘eau’) de la ville d’Héraklion, pour la direction

verticale, à 30m de résolution. Les valeurs des pixels vont de 0 (élément 𝑛 non visible) à 1 (𝑛 est le seul élément

visible)

Une fois les cartes σn déterminées, la méthode d'inversion des propriétés thermiques d’intérêt est similaire à la

méthode qui dérive les cartes de réflectances de matériaux des images satellites dans les courtes longueurs d’ondes via la comparaison par pixel ou par groupe de pixels d’images de luminances DART et satellite corrigée des effets atmosphériques, par bande spectrale. Cependant, une difficulté spécifique aux grandes longueurs d'onde est que l'inversion doit fournir non une carte mais deux cartes de propriétés : une carte d'émissivité et une carte de température. Il y a donc deux fois plus d’inconnues dans les systèmes d’équations à résoudre.

D'autre part, la luminance thermique satellite renseigne uniquement sur le produit 𝜖. 𝐿𝐵(𝑇). Par suite, il est

impossible de séparer les variables de ce produit en augmentant le nombre de pixels pour chaque système d’équations. La stratégie adoptée est alors d’utiliser deux images de luminance thermique satellite du même capteur dans deux bandes spectrales proches, en faisant l’hypothèse que l’émissivité est identique dans ces deux

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bandes spectrales. Cela permet d’obtenir un nombre suffisant d’équations pour déterminer simultanément la température thermodynamique et l'émissivité de chaque matériau. Si le capteur satellite considéré possède des bandes thermiques supplémentaires, il est alors possible de déterminer l’émissivité de chaque type de matériau dans ces bandes spectrales, sans avoir à recourir à des hypothèses sur le comportement spectral de l’émissivité. A l’inverse, si le capteur satellite considéré pour l’inversion ne possède qu’une unique bande spectrale thermique, la solution consiste à prédéfinir l’émissivité par matériau, si bien que seule la température est alors inversée. Les valeurs de température inversées permettront alors d’ajuster les approximations faites sur l’émissivité. La solution la plus simple consiste à assigner la même émissivité à tous les matériaux.

La première étape d’inversion pour une maille d'analyse 𝑢 contenant 𝑀2 pixels satellite 𝑚, 𝑁 types d’éléments

différents, dans les bandes spectrales thermiques Δ𝜆1 et Δ𝜆2 du capteur satellite correspond à l'inversion des

réflectances aux courtes longueurs d’onde, en remplaçant le système d’équations (3.11) par le système couplé :

𝜎𝑛,𝑚(Ω) 𝜎𝑝𝑖𝑥𝑒𝑙(Ω). 𝜖Δ𝜆1,2,𝑛,𝑚. 𝐿𝐵(𝜆1, 𝑇𝑛,𝑚) 𝑁 𝑛=1 = 𝐿𝑠𝑎𝑡,Δ𝜆1,𝑚 ∀𝑚 ∈ [1 𝑀2] (3.31) ∑ 𝜎𝑛,𝑚(Ω) 𝜎𝑝𝑖𝑥𝑒𝑙(Ω). 𝜖Δ𝜆1,2,𝑛,𝑚. 𝐿𝐵(𝜆2, 𝑇𝑛,𝑚) 𝑁 𝑛=1 = 𝐿𝑠𝑎𝑡,Δ𝜆2,𝑚 ∀𝑚 ∈ [1 𝑀2]

On résout ces systèmes pour inverser en tout pixel de l’image satellite les valeurs d’émissivité 𝜖Δ𝜆1,2,𝑛,𝑚

(supposée constante entre les deux bandes spectrales considérées) et de température 𝑇𝑛,𝑚 par type de matériau

𝑛. Les valeurs 𝜎𝑛,𝑚 sont connues via l’étape préliminaire décrite précédemment. Si l'image satellite comporte 𝐵

bandes thermiques supplémentaires, ce système couplé est augmenté de 𝐵 équations non couplées, ce qui

permet d'estimer le comportement spectral de l’émissivité pour chaque élément de chaque pixel, en utilisant les valeurs de température de matériau déjà inversées, ces dernières ne dépendant pas de la longueur d’onde considérée.

𝑁 𝜎𝑛,𝑚(Ω). 𝜖Δ𝜆,𝑛,𝑚. 𝐿𝐵(𝜆, 𝑇𝑛,𝑚)

𝑛=1 = 𝐿𝑠𝑎𝑡,Δ𝜆,𝑚 ∀𝑚 ∈ [1 𝑀2] (3.32)

Si l'image satellite a une seule bande thermique disponible, le système (3.32) est résolu en attribuant à tout matériau une émissivité arbitraire et fixe ; seule la température thermodynamique par matériau est inversée. Si aucune solution n’est trouvée par l’algorithme dans un pixel selon les bornes réalistes prédéfinies, on applique aux matériaux de ce pixel des propriétés issues des données satellites (température de surface, émissivité de surface). On perd alors l’avantage de distinguer les différents matériaux, mais cela permet d’avoir un point de départ réaliste pour les itérations suivantes.

Cette étape fournit des cartes d’émissivité et de température par type de matériau et par bande spectrale de l'image satellite. Comme pour l’inversion des réflectances dans les courtes longueurs d’onde, cette première estimation est ensuite affinée via la comparaison itérative des images DART et satellite. Pour le domaine thermique, l'inversion effectue une dichotomie sur les propriétés recherchées. Cette inversion est moins élaborée que pour les courtes longueurs d’ondes pour deux raisons principales :

- Disponibilité des images satellites thermiques : durant la majeure partie de cette étude, les images

Landsat-8 ont été les seules images thermiques corrigées des effets atmosphériques disponibles. Malheureusement,

ces images n'avaient qu'une bande thermique exploitable (B10 : 10.89𝜇𝑚). Des images ASTER avec plusieurs

bandes thermiques ont été disponibles, mais tardivement, si bien qu'elles n'ont servi qu'à tester la portabilité de la méthode d'inversion à tout type d'image satellite thermique (cf. chapitre IV).

- Précision du bilan radiatif 𝑸𝒍𝒘 aux grandes longueurs d'onde : la précision obtenue avec les images

Landsat-8 à une bande thermique s'est avérée suffisante pour le calcul du bilan d'énergie urbain, si bien que l'amélioration de la méthode d'inversion a plutôt porté sur les courtes longueurs d’ondes (cf. chapitre IV). Comme pour les courtes longueurs d'onde, les cartes de température et d’émissivité par bande spectrale sont obtenues une fois que la différence entre les images de luminances DART et satellite devient plus faible qu'un

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présente des cartes de température de matériaux (sol et rivière) de la ville de Bâle, le 30 Août 2015, dérivées

d’une image de luminance Landsat-8 à 10.89𝜇m, en fixant l’émissivité à 0.98 pour tous les matériaux. Les zones

noires indiquent les pixels où l’élément n’est pas présent ou masqué par des nuages. Les valeurs de température trouvées sont cohérentes avec des cartes de température de surface générées par d’autres méthodes par DLR (qui ne comportent pas la distinction par matériau). Plus de résultats et leurs interprétations seront donnés dans le chapitre IV.

Figure 3.22 : Carte de températures de matériaux dérivées d’une image de luminance Landsat-8 (bande 10), pour la ville de Bâle le 30 Août 2015, au nadir. Gauche : carte de température du sol. Droite : carte de température de

la rivière.