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2.2 Les activités anthropiques – conséquences sur la structuration des

En eau douce, la construction de barrages pour améliorer la navigation, l’irrigation des cultures, éviter les crues, permettre la production d’électricité (Bednarek 2001; Marmulla 2001)ont considérablement fragmenté le paysage et restreint les conditions de « franchissabilité » des cours d’eau des truites, que ce soit pour leur dévalaison au stade juvénile et adulte, ou pour la montaison au moment de la reproduction (Hall et al. 2011; Hansen et al. 2014). A la montaison la franchissabilité des barrages peut être impossible. D’ailleurs l’étude de Walker (2006) montre qu’en repeuplant le Alt Mor du fleuve Findhu Glen Burm en Ecosse, réputé infranchissable, par

des alevins issus de la reproduction de truite de mer Salmo trutta en aval du fleuve, le

rétablissement d’une population qui n’existait plus a été rendu possible et met donc en évidence l’effet négatif des barrages sur la franchissabilité des cours d’eau par les individus migrants. D’ailleurs l’étude de Perrier et al. (2014) sur le saumon atlantique indique que la restauration de la libre circulation des migrateurs marins en équipant les barrages avec des dispositifs de franchissement adaptés, permet une recolonisation des sites situés en amont. Ces édifices impactent également, de manière plus indirecte, les populations de truites communes, en faisant

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varier la dynamique des cours d’eau, ce qui va modifier la circulation des sédiments et engendrer le cas échéant, le colmatage de certains sites de fraie par exemple.

De même, les pollutions industrielles, urbaines, et agricoles entrainent des modifications de la structuration des populations de truites communes, car elles impactent des stades de vie

notamment la survie et la croissance des juvéniles et adultes en eau douce (Linde et al. 1996,

1998; Persat & Eppe 1997; Olsvik et al. 2001; Durrant et al. 2011). Les études de Linde et

al.(1996) et Linde et al. (1998) révèlent que la truite commune peut accumuler du cuivre dans le foie avec l’âge. Mais elle peut également accumuler du plomb et du cadmium à de jeunes stades, cette bioaccumulation est cependant plus difficile à mettre en évidence, car elle entraine la mort des individus. Les auteurs expliquent également que l’accumulation de ces polluants peut réduire

le taux de croissance des individus sur les sites fortement contaminés. Durrant et al. (2011)

quant à eux ont montré que lorsque les cours d’eau sont pollués par du cuivre et du zinc avec un gradient de concentration de la pollution allant de peu pollué à extrêmement pollué, le trait de tolérance au métal exprimé par la truite commune peut représenter un important facteur agissant sur la diversité génétique.Ils ont en effet révélé que dans la rivière Hayle du sud-ouest de l’Angleterre, les populations qui n’étaient pas soumises à la pollution étaient génétiquement différentes et n’avaient pas de flux de gènes avec les populations contaminées. Une autre étude réalisée en Norvège a mis en évidence que la pollution des cours d’eau par des métaux, pouvait entrainer l’acidification des cours d’eau et par la suite le déclin et même l’extinction des populations de truite commune (Henriksen et al. 1989).

Les pêches professionnelles et de loisir, en rivière comme en mer en surexploitant les populations de truites communes et en sélectionnant par la taille les individus capturés sont susceptibles de réduire les effectifs de façon dramatique et d’entrainer des modifications dans la composition des populations. Concernant la pêche professionnelle, Evans (1995) révèle que la taille des filets utilisés pour la capture des truites de mer influence la taille des individus capturés et peut donc impacter les populations en place car les individus se trouvent sélectionnés selon leur taille et leur âge. Selon lui, les plus petits filets (maille de 50 mm) utilisés capturent des

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truites de mer d’une taille de 210mm, tandis que les filets les plus grands (maille de 102 mm) sélectionnent des individus au-dessus de 400mm. En regardant l’âge des individus capturés avec ces filets, il a constaté que les truites de mer capturées sont des individus ayant passé plus d’un an en mer comportant plusieurs marques de fraie. Ce résultat est corroboré par Kallio-Nyberg et al. (2007) qui montre que les truites de mer capturées aux filets sont les individus les plus grands et les plus larges. Il indique également que les petites dimensions de mailles de filets diminuent l’âge de recrutement des truites de mers capturées, et provoquent une augmentation de leur mortalité après leur première migration, ainsi elles sont pêchées de plus en plus jeunes. Niksirat & Abdoli (2009) dans leur étude sur la truite de mer dans le sud du bassin de la Mer Caspienne, soulignent que le déclin des populations s’explique par une diminution de la taille et de la fécondité des populations par l’action combinée d’un changement de température et d’une mortalité accrue due à la pêche des individus les plus gros.

La pêche professionnelle, et particulièrement celle au filet, semble ainsi causer une diminution de la taille des populations et mener à leur extinction. Les effets de cette pratique ont été observés par Syrjänen & Valkeajärvi (2010) qui font le constat que la mortalité des truites sauvages dans le Lake Inarija¨rvi et ses affluents en Finlande est importante à cause d’une pêche annuelle au filet pouvant s’élever à 20 tonnes de poissons capturés durant la migration. Ils supposent un lien de causalité entre cette pratique de pêche et la mortalité importante des populations observées, sans doute en raison d’une faible production d’œufs, d’un faible nombre d’individus migrants reproducteurs ou parce que les individus migrants sont de faible taille et n’ont pas atteint la maturité sexuelle.

Cooke & Cowx (2006) mettent en évidence les conséquences de la pêche professionnelle en mer, qui, par la capture accidentelle d’individus concoure au déclin des populations de poissons. Ce phénomène de capture accidentelle d’individus migrants est bien connu chez les salmonidés et augmente chaque année, selon les comptages dans la mer de Bering près des îles Aléoutiennes,

5 000 saumons quinnats (Oncorhynchus tshawytscha) furent ainsi capturés accidentellement en 2000

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Concernant la pêche de loisir, Cooke & Cowx (2004, 2006) indiquent que celle-ci est une des causes majeures du déclin des stocks de poissons au même titre que la pêche commerciale. Dans le cas de la truite commune, ce sont les truites de rivières qui sont la cible principale de la pêche récréative, pour autant cela peut impacter la structuration des populations et la production de truites de mer en cas de surexploitation. Les effets délétères de la pêche récréative se trouvent majorés par l’augmentation du nombre de participants dont l’engouement pour ce loisir s’étend sur toute la surface du globe. L’impact de la pêche de loisir et plus particulièrement de la pêche à la ligne a notamment été montré chez la truite commune dans le centre de l’Espagne. Cette activité a eu pour effets une diminution de la densité d’individus et de la production d’œufs (Almodóvar & Nicola 2004). Selon Cooke & Cowx (2006) le relâcher de poisson après capture, en anglais « no-kill », couramment pratiqué dans la pêche de loisir peut avoir un effet néfaste sur les populations sauvages, en raison des dommages créés à l’individu au moment de la capture, dommages pouvant aller jusqu’à la mort. Cet impact négatif reste difficile à évaluer, puisque le taux de mortalité des poissons liés à ce type de pratique est malheureusement inconnu.

Enfin les changements climatiques peuvent avoir des conséquences importantes sur la croissance, la distribution et la survie de la truite commune en rivière comme en mer du fait

d’une variation des températures de l’eau (Hari et al. 2006; Jonsson & Jonsson 2009). Le

changement climatique et en particulier le changement de température, peut avoir un impact sur la croissance des salmonidés, sur l’âge et la taille des individus à la smoltification. Cela influe sur la période de reproduction, le temps d’incubation des œufs, l’émergence des alevins (Jonsson & Jonsson 2009). Il est supposé également que l’âge à la première maturité, la longévité et la fécondité diminuent si la température augmente, tandis que la taille des œufs va, quant à elle, augmenter (Jonsson & Jonsson 2009). Le débit lui, peut influencer la migration et particulièrement le taux de retour des individus migrateurs pour la reproduction. Les crues et décrues extrêmes, ainsi que les variations de température peuvent jouer sur la survie des individus. Ceci laisse supposer un mouvement vers le nord et à de plus hautes altitudes des salmonidés et une extinction des populations au sud (Jonsson & Jonsson 2009). Hari et al.(2006)

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stipule de la même manière que l’augmentation des températures de l’eau des rivières ou des bassins due au réchauffement climatique, provoque chez les populations de truites communes une migration vers l’amont dans un habitat où la température est plus adéquate. Cette étude indique également que dans le cas où les habitats en haute altitude sont infranchissables et empêchent la migration des populations, une réduction de l’habitat en basse altitude s’opère en fonction des changements thermiques impliquant un déclin des populations.

D’autres actions anthropiques plus en rapport avec des actions de gestion et de conservation sont abordées dans la section suivante.