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Cette première phase d’adhésion instable puis stable des plaquettes au sous-endothélium déclenche ainsi plusieurs voies de signalisation qui mènent à l’activation des plaquettes : les plaquettes changent de forme, sécrètent les facteurs solubles contenus dans leurs granules et deviennent pro-coagulantes par exposition des phospholipides anioniques (comme la phosphatidylsérine) sur le feuillet externe de la membrane plasmique.

1. Sécrétion des facteurs solubles plaquettaires

Les modalités de régulation du contenu des granules plaquettaires et de leur sécrétion ne sont pas encore bien connues. Un modèle moléculaire basé sur la formation de complexes SNAREs (Soluble N- éthylmaleimide-sensitive-factor (NSF) attachment protein (SNAP) receptors) est néanmoins proposé (Ren, Ye et al. 2008, Heijnen and van der Sluijs 2015).

La formation de complexes entre les v-SNAREs (vesicular-SNAREs) des granules et les t-SNAREs (target-SNAREs) de la membrane plasmique permettrait la fusion des membranes et l’exocytose du contenu granulaire dans le milieu extérieur. Les plaquettes expriment les v-SNAREs : VAMP-2, VAMP-3, VAMP-7, VAMP-8 (Vesicular associated membrane protein) et les t-SNARES : syntaxine- 2, syntaxine-4, syntaxine-7, syntaxine-11, SNAP-23 et SNAP-29.

Ainsi, après activation des plaquettes, les granules s’accoleraient (tethering) à la membrane plasmique au niveau de zone enrichie en PI(4,5)P2 (phosphatidylinositol 4,5-bisphosphate). Ce contact avec la

41 membrane serait permis par l’activation et l’association de la GTPase rab27a avec Munc 13-4 et SLP4 (Synaptogamin-like protein 4). Cette première interaction rapprocherait les granules de la membrane plasmique en permettant aux v-SNAREs et t-SNARES de former des complexes (docking). Ces associations impliquant notamment VAMP-8, SNAP-23, et la syntaxine-11 (stabilisée par Munc 18-2) mèneraient à la fusion des membranes et à la sécrétion du contenu granulaire (Figure 10).

Un modèle murin Unc13d (Jinx) caractérisé par une absence de la protéine Munc 13-4 présente un défaut de sécrétion total des granules denses et un défaut de sécrétion partiel des granules alpha et des lysosomes (Ren, Wimmer et al. 2010).

Figure 10 : Modèle moléculaire de la sécrétion des granules plaquettaires. La sécrétion des granules serait permise par la formation de complexe SNARE (docking) et la fusion des membranes plasmiques et granulaires (fusion) à la suite d’une étape d’adhésion (tethering) (Heijnen and van der Sluijs 2015).

Des études récentes montrent que le contenu des granules alpha est hétérogène et suggèrent que leur sécrétion pourrait être sélective selon l’agoniste et la voie de signalisation mis en jeu (Sehgal and Storrie 2007, Italiano and Battinelli 2009, Chatterjee, Huang et al. 2011).

L’hétérogénéité des granules alpha pourrait être consécutive à la différence d’origine des protéines contenues (Sehgal and Storrie 2007) ; une protéine synthétisée par les mégacaryocytes ne se trouverait pas dans le même granule qu’une protéine d’origine plasmatique. La spécialisation fonctionnelle des granules reste controversée (Italiano, Richardson et al. 2008, Jonnalagadda, Izu et al. 2012).

Alors que la répartition spatiale des granules dans les plaquettes et celle des protéines dans les granules alpha seraient aléatoires et indépendantes de leur fonction (Kamykowski, Carlton et al. 2011), l’exocytose des granules serait un processus régulé (Chatterjee, Huang et al. 2011, Jonnalagadda, Izu et al. 2012). Des auteurs ont émis l’hypothèse que cette sécrétion pourrait être déterminée par les propriétés physico-chimiques des facteurs (leur solubilité par exemple), la forme des granules ou leur mode de

42 sécrétion (Jonnalagadda, Izu et al. 2012). Un processus incomplet d’exocytose pourrait également expliquer la sécrétion de certains facteurs comparée à d’autres alors qu’ils sont contenus dans les mêmes granules (Kamykowski, Carlton et al. 2011).

Récemment, une étude a montré que deux modes de sécrétion des granules alpha et denses étaient mis en œuvre par les plaquettes selon le type de blessure, l’intensité et la durée de la stimulation. Ainsi, les granules alpha et denses peuvent être sécrétés de manière simple après fusion de leur membrane avec la membrane plasmique. Cependant, les granules alpha peuvent, en cas de forte stimulation des plaquettes, fusionner entre eux avant d’être exocytés (Eckly, Rinckel et al. 2016).

2. Voies d’activation et d’amplification

Certains facteurs solubles sécrétés ont des récepteurs à la surface des plaquettes et leur libération permet d’amplifier l’activation initiale des plaquettes. Cette amplification se fait principalement par la voie des récepteurs couplés aux protéines Gi, Gq ou G12/13 (RCPG) (Versteeg, Heemskerk et al. 2013). Gi induit indirectement l’activation des plaquettes via l’inhibition de la formation d’AMPc par l’adénylate cyclase (AC) et l’inhibition de l’activité de la PKA. La voie Gi est aussi couplée à l’activation de la PI3K. La protéine Gq conduit à l’activation de la PLCβ, puis de la PKC et à la mobilisation du calcium intracellulaire. G12/13 conduit à la phosphorylation de la myosine via la kinase ROCK (RhoA kinase). C’est ainsi que :

-l’adénosine diphosphate (ADP) contribue à l’activation des plaquettes et à l’amplification de cette activation. Sur les plaquettes, deux récepteurs à l’ADP de type RCPG sont exprimés : P2Y1 et P2Y12. P2Y1, couplé à Gq, permet le déclenchement de l’activation tandis que la voie activée par P2Y12, couplé à Gi, permet de maintenir cette activation initiale (Eckly, Gendrault et al. 2001, Soulet, Hechler et al. 2005, Hechler and Gachet 2011).

-le thromboxane A2 (TxA2) se lie à son récepteur TP qui est couplé à une protéine Gq. -la sérotonine active son récepteur 5HT-2A couplé à une protéine Gq.

Les récepteurs de la thrombine, les proteinase-activated receptors (PAR) 1 et 4 chez l’humain, sont couplés à la fois à Gq et à G12/13. La souris diffère de l’homme par l’absence de PAR1 et la présence de PAR3 dont la fonction est différente (Figure 11). Chez l’Homme, la thrombine qui est une protéase à sérine clive l’extrémité N-terminale du domaine extracellulaire du récepteur PAR1. Ce clivage démasque une nouvelle extrémité N-terminale qui se lie au récepteur et l’active. PAR1 est le principal récepteur à la thrombine chez l’Homme. Sa seule activation est suffisante pour activer les plaquettes. PAR4 n’est activé que par de forte dose de thrombine mais a un rôle de maintien et de renforcement de l’activation plaquettaire.

43 Chez la souris, PAR3 agit comme un co-facteur de PAR4. En se liant à la thrombine PAR3 permet l’activation de PAR4, qui est le seul des deux récepteurs capable de déclencher une signalisation intra- plaquettaire (De Candia 2012).

Figure 11 : Les récepteurs PARs chez l’humain et la souris. A. Le clivage de l’extrémité N-terminale de PAR1 par la thrombine permet son activation. B. Les récepteurs PARs humains et murins sont activés par des mécanismes différents. Chez la souris, la liaison de la thrombine à PAR3 permet l’activation de PAR4 qui est le seul récepteur capable de transduire un signal d’activation (De Candia 2012).