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Chapitre I l'embryon préimplantatoire

I- 3-1) Activation « mineure » et « majeure »

Plusieurs auteurs se sont intéressés à la détection des premiers transcrits embryonnaires. Selon les travaux de Moore et al. (1975) les transcrits n’étaient pas détectables avant le stade 2- cellules. Ces données ont été ensuite contredites par Clegg et Piko (Clegg and Pikó 1982; Clegg and Pikó 1983) qui par incorporation d’adénosine tritiée ([3H]-adénosine) montraient une synthèse d’ARN messagers et d'ARNde transfert dès le stade 1-cellule. Vasseur et al. (1985) ont ensuite mis en évidence, par hybridation in situ, la synthèse de transcrits issus de séquences répétées de type B2 dès le stade 1-cellule. D’autres techniques telles que l’incorporation de BrUTP (5-bromouridine 5'-triphosphate; figure I-9) (Bouniol et al. 1995) et l’utilisation de gènes rapporteurs (Ram and Schultz 1993; Matsumoto et al. 1994; Christians et al. 1995; Aoki et al. 1997; Kigami et al. 2003) ont également permis de confirmer le démarrage de l’activité transcriptionnelle dans l’embryon dès la fin du stade 1-cellule. L’incorporation de BrUTP permettant de détecter la transcription de novo des gènes démontre par ailleurs que l’initiation de la transcription démarre d'abord dans le pronoyau paternel (Bouniol et al. 1995; Aoki et al. 1997).

33 Cette activation du génome embryonnaire se divise en deux phases à savoir la phase d’activation « mineure » et la phase d’activation « majeure » (figure I-10). Le caractère séquentiel de l’EGA est en relation avec l’activation asynchrone des ARN polymérases I, II et III. En effet, plusieurs études ont montré un décalage temporel de la mise en route des ARN polymérases au cours de l’activation du génome embryonnaire (Nothias et al. 1995; Minami et al. 2007; Jeanblanc et al. 2008). La phase d’activation mineure initiée en fin du stade 1- cellule est caractérisée par l’absence d’intervention de facteurs de transcription spécifiques et est initiée dans le pronoyau paternel sous l’action de l’ARN pol II, à la transition S/G2, environ 15h post-fécondation (Bouniol et al. 1995). Cependant, même si l’activité transcriptionnelle démarre, le caractère « mineur» de cette phase est lié à la faible quantité de

Figure I-9: Localisation des ARN marqués au BrUTP dans l’embryon de souris au stade 1-cellule. Les zygotes sont microinjectés avec le BrUTP à différents stades de développement, incubés pendant 1 h (A à D) ou 15 min (E et F), puis traités (détection par immunofluorescence). Les marquages correspondant au Hoechst (A, C, et E) et la détection immunofluorescente des transcrits (B, D, et F) sont présentés. (A et B) 22 hphCG, aucune activité transcriptionnelle n’est observée malgré le réglage de l’intensité d’excitation et du gain de la caméra au niveau maximum. (C et D) 28 hphCG, les deux pronoyaux sont marqués positivement au BrUTP. (E et F) 27 hphCG, cas d’un embryon où seul le pronoyau mâle (mpn) est marqué positivement au BrUTP. Le pronoyau femelle (fpn), est plus petit que le pronoyau mâle et est proche du second globule polaire (pb2). Notez l’augmentation en taille des deux pronoyaux entre 22 hphCG (A) et 28 hphCG (E). Dans cette étude l’heure d’injection d’hCG (hphCG) est prise comme temps de référence; l’ovulation et la fécondation ayant lieu environ 12 heures après. Barre d’échelle: 10 µm. Source: Bouniol et al. 1995

34 gènes alors exprimés. De nombreux transcrits ont été identifiés parmi lesquels Hsp70.1, MuERV-L, U2afbp-rs, EIF-1A et Xist (Bensaude et al. 1983; Christians et al. 1995; Kigami et al. 2003; Hamatani et al. 2004; Zeng and Schultz 2005). L’activation de la transcription au cours de la phase mineure de l’EGA concerne également les gènes dépendants de l'ARN pol III nécessaire notamment pour la synthèse de l'ARN 5S (Lee et al. 2014).

La phase d’activation « majeure » qui a lieu au stade 2-cellules est caractérisée par l'intensification exponentielle de l’activité de l’ARN pol II (Schultz 2002). Contrairement à la phase mineure, cette seconde phase nécessite la présence de facteurs spécifiques d’origine maternelle présents dans l’embryon; ces facteurs jouant un rôle crucial dans l’activation du génome embryonnaire. Les travaux de Latham et al. (1991) et Rothstein et al. (1992) suggèrent notamment qu’au cours de cette période, une portion des transcrits maternels est

Transcription

Aphidicoline

Embryon bloqué en phase S du stade 1-cellule

Maturation

méiotique Fécondation 1ère mitose 2ème mitose

Ovocyte Prophase I (4N) Ovocyte Métaphase II (2N)

Embryon 1-cellule Embryon 2-cellules Embryon 4-cellules Cellules différenciées

Réplication

Synthèse de protéines maternelles Horloge zygotique

Activation mineure

Activation majeure

Répression exercée par la structure de la chromatine

Rôle activateur des « enhancers »

Figure I-10: Les diverses étapes du développement embryonnaire chez la souris selon l’équipe de M. DePamphilis (Nothias et al. 1995). Les ovocytes ovulés, bloqués en métaphase II, sont fécondés 12 heures après l’injection d’hCG. L’addition d’aphidicoline dans le milieu de culture des embryons au stade 1-cellule, avant la première réplication zygotique, bloque les embryons au stade 1-cellule mais n’empêche pas l’« horloge zygotique » d’activer la mise en route du génome (phase mineure) et l’expression des premières protéines zygotiques. La seconde phase (phase majeure) est caractérisée par un contrôle sélectif des gènes exprimés, dépendant du remodelage de la chromatine et de la présence de séquences « enhancers ».

35 sélectivement traduite. Cependant, les transcrits maternels sont rapidement dégradés après la fécondation, conduisant à une réduction de 90% de ces transcrits au stade 2-cellules (Pikó and Clegg 1982; Paynton et al. 1988; Schultz 1993). Ces transcrits sont ensuite remplacés par les transcrits zygotiques néo-synthétisés; l'embryon s'affranchissant de sa dépendance exclusive des facteurs maternels et mettant en place son propre profil d'expression. L’utilisation de l’α- amanitine a permis de situer temporellement cette phase majeure entre 26 et 29 heures post- fécondation; la traduction ayant lieu par la suite entre 29 et 32 heures post-insémination (Flach et al. 1982; Bolton et al. 1984; Howlett and Bolton 1985; Howlett 1986). De manière similaire, Tang et al. (2007) ont mis en évidence que les miRNA d’origine maternelle, essentiels pour la poursuite du développement, sont dégradés à hauteur de 60% entre les stades 1- et 2-cellules avec synthèse de novo des miRNA propres au zygote à partir du stade 2-cellules. Ces résultats démontrent que la transition entre le contrôle maternel et le contrôle zygotique du développement (MZT) a lieu lors de l’activation majeure.

Enfin, le stade 2-cellules est également caractérisé par la transcription des gènes ribosomiques via l’activité de l’ARN pol I vers 33h post-fécondation (Pikó and Clegg 1982; Bouniol et al. 1995; Zatsepina et al. 2003), dont je parlerai plus en détails dans le chapitre III.