D. Hormones thyroïdiennes et effets non nucléaires
2) Actions mitochondriales de la T3
Il existe des effets de la T3 sur le génome mitochondrial. Le génome mitochondrial
code pour treize sous-unités enzymatiques de la chaîne respiratoire, deux ARNs ribosomaux
et vingt-deux ARNs de transfert.
La T3 est considérée comme un régulateur majeur de la biogenèse des mitochondries
(Mutvei et al., 1989). Elle a été démontrée comme activatrice de la consommation d’oxygène
(Palacios-Romero and Mowbray, 1979; Sterling et al., 1980), de l’expression du génome
mitochondrial (Mutvei et al., 1989; Wiesner et al., 1992) et de la mitochondriogenèse (Gross,
1971).
Plusieurs études ont montré que des injections de T3 à des rats hypothyroïdiens
augmente la consommation d’oxygène et les phosphorylations oxydatives dans les
mitochondries isolées du foie, moins de trente minutes après l’injection (Palacios-Romero and
Mowbray, 1979; Sterling et al., 1980). Cet effet de la T3 a également été démontré in vitro
(Sterling et al., 1977; Thomas et al., 1987). Ces effets sont à court terme.
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Des effets à long terme ont aussi été mis en évidence. En effet, des études ont été réalisées et
ont montré que la T3 est impliquée dans des effets à long terme sur la consommation
d’oxygène (Harper et al., 1993). Dans des mitochondries isolées des hépatocytes, il a été
observé que les mouvements de protons au niveau de la membrane interne sont une cible
importante de la T3 et que cela influence la consommation d’oxygène. Ces mouvements de
protons contrôlent à hauteur de 20% la respiration mitochondriale. De plus, les UCPs
(Uncoupled Proteins) semblent impliqués dans ce contrôle (Lanni et al., 1999). Il a été montré
que l’expression des gènes des UCP1, UCP2 et UCP3 est augmentée par la T3
(Cassard-Doulcier et al., 1994; Guerra et al., 1996; Rabelo et al., 1996; Lanni et al., 1997; Gong et al.,
1997; Larkin et al., 1997).
La T3 a également un impact sur l’expression du génome mitochondrial.
L’administration de T3 chez des rats hypothyroïdiens conduit à une augmentation de deux à
huit fois des ARNm mitochondriaux dans le foie (Mutvei et al., 1989). Ceci a également été
montré dans les muscles squelettiques (Wiesner et al., 1992). En 1999, Enriquez et ses
collaborateurs ont montré que la T3 diminue la demi-vie des ARNm mitochondriaux.
La mitochondriogenèse est la résultante de plusieurs événements qui conduisent à la
synthèse de membranes phospholipidiques et à leur assemblage, à la réplication de l’ADN
ainsi qu’à l’activation de l’expression du génome mitochondrial et des gènes nucléaires
codant pour des protéines mitochondriales. La régulation par la T3 de ces événements
implique donc à la fois des récepteurs nucléaires et des récepteurs mitochondriaux.
L’expression de nombreux gènes nucléaires codant pour des protéines mitochondriales est
régulée par la T3 (Pillar and Seitz, 1997). C’est le cas des gènes codant pour de nombreuses
sous-unités de la chaîne respiratoire, pour le cytochrome C1, les UCPs… De plus, en
corrélation avec cela, il a été montré que l’importation dans les mitochondries de protéines
d’origine nucléaire est augmentée dans les cellules musculaires cardiaques (Craig et al.,
2000). La mitochondriogenèse nécessite donc une grande coordination entre l’expression des
deux génomes, nucléaire et mitochondrial.
Il a également été démontré que l’action mitochondriale de la T3 joue un rôle dans le
contrôle de la différenciation des myoblastes (Rochard et al., 1996 and 2000).
Un autre mécanisme concernant l’action des hormones thyroïdiennes sur la
mitochondrie a été montré. Il s’agit de l’action de la T2 (3,5-diiodo-L-thyronine), qui est issue
de la dégradation de la T3. L’administration de T2 réduit la masse graisseuse de rats qui
reçoivent une alimentation riche en graisse. La T2 stimule l’oxydation β des acides gras et
l’action des UCPs notamment dans le foie (Lanni et al., 2005). La T2, du fait de sa faible
affinité pour les TRs, a une action non génomique (Ball et al., 1997).
Il existe dans la matrice mitochondriale, une isoforme de TRs codée par le gène
THRA, la p43. Cette forme tronquée fait 43 kDa. Elle est traduite à partir du messager codant
pour le TRα1 via la présence d’un AUG interne. Cette protéine contient un domaine de liaison
à l’ADN.
p43 n’a pas de fonction nucléaire comme les autres TRs. Elle est adressée à la mitochondrie et
régule l’expression de son génome (Wrutniak et al., 1995). L’affinité de p43 pour la T3 est
comparable à celle observée pour les autres TRs. p43 agit en se fixant sur des séquences
mitochondriales analogues à des TREs et augmente le niveau des ARNs mitochondriaux de
façon T3-dépendante (Wrutniak et al., 1998; Casas et al., 1999). Casas et ses collaborateurs
(1999) ont montré dans le foie que la p43 augmente de manière importante la transcription du
génome mitochondrial et la synthèse des protéines mitochondriales impliquées dans les
chaînes respiratoires.
Il a été démontré que p43 en tant que monomère ne peut pas se lier à l’ADN mitochondrial
mais que cela est possible sous forme de dimère, notamment avec une forme tronquée de
PPARγ2 (Peroxisome Proliferator Activated Receptor γ2) appelée mt-PPAR (Casas et al.,
1999 et 2000).
Casas et ses collaborateurs ont également montré en 2001 qu’une protéine de 44 kDa, appelée
mt-RXR, issue du clivage du récepteur RXRα nucléaire, est importée dans la matrice
mitochondriale et se lie soit seule, soit en hétérodimère avec p43, au génome mitochondrial
pour augmenter la synthèse des ARN mitochondriaux.
Il a été montré un rôle de p43 dans la différenciation des myoblastes. En effet lorsque p43 est
surexprimée, la différenciation des myoblastes est augmentée (Rochard et al., 1996 and 2000 ;
Seyer et al., 2006). Seyer et ses collaborateurs ont montré en 2006 que cette régulation
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implique c-myc. En effet, l’inhibition de l’activité mitochondriale par le chloramphénicol
augmente le niveau d’ARNm de c-myc. De plus, la surexpression de p43 induit une
diminution de l’expression de c-myc. La surexpression de c-myc mime l’influence de
l’inhibition de l’activité mitochondriale sur la différenciation des myoblastes. c-myc apparaît
donc comme une cible importante de l’activité mitochondriale.
Il a également été montré que la surexpression de p43 dans des fibroblastes humains stimule
l’activité mitochondriale (Grandemange et al., 2005).
Figure 9: Structure interne de l’appareil génital mâle chez la souris
(d’après http://svt.ac-dijon.fr)