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Vincent MONADÉ, Président du Centre national du Livre

Bonjour à toutes et à tous, bienvenue à cette deuxième journée des rencontres Lecture et Environnement. Certains d’entre vous étaient à la première journée organisée à la Bibliothèque nationale de France le 4 décembre dernier.

Je souhaite dire quelques mots qui vont s’éloigner du discours purement technique du CNL, que j’évoquerai ensuite. Malraux, qui n’était pas avare de prophétie, avait dit que « le XIXe siècle sera religieux ou ne sera pas », et il ne s’est manifestement pas trompé. S’il avait rajouté « il sera écologique ou il ne sera pas », cela aurait été parfait puisqu’au sens propre il ne sera pas s’il ne se transforme pas profondément dans la logique du développement durable. Il ne s’agit pas ici de remplacer des ampoules par des LED. Le développement durable, que j’ai eu le temps d’explorer largement au commerce extérieur, dans d’autres fonctions, comprend trois piliers : l’économie, le social et l’environnement. Ils ne marchent pas l’un sans l’autre, c’est-à-dire qu’évoquer l’environnement sans parler du social, c’est faire du greenwashing. Évoquer l’économie sans parler de l’environnement, c’est être, aujourd’hui, un inconscient. Évoquer le social sans parler de l’environnement, c’est être resté sur de vieilles bases qui sont derrière nous. On ne peut pas penser l’un des piliers sans l’autre ou alors on rate complètement ce qui pourrait être l’avenir au-delà du CNL et de l’humanité, c’est-à-dire un développement soutenable et qui profite à tous.

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Lorsque j’étais au commerce extérieur, j’ai traité ce pilier du développement durable par l’installation d’une usine écologique d’un intervenant français sur une forêt qui était gérée par des « intouchables ». Elle était donc la seule source de revenus d’une population entière qui, au nom du développement économique, au nom de l’environnement, se retrouvait privée de ses moyens d’existence. Cela n’est pas neutre, y compris dans nos organisations et nos établissements.

Nous avons engagé au CNL, grâce à la nouvelle directrice générale, le remplacement des ampoules par des LED et la réduction drastique du papier puisque nous sommes passés, notamment dans le cadre de la dématérialisation des demandes d’aides, de 1 640 kilos de papier à recycler en 2017 à seulement 570 kilos en 2018, soit une division par trois. Nous avons également engagé une procédure de bien-être au travail des agents avec, notamment, l’établissement d’un plan des risques psychosociaux et une opération expérimentée pendant plusieurs mois sur le télétravail.

Le travail qui a été mené, notamment par la commission développement durable du Syndicat National de l’Édition, en matière de recyclage et de qualité des papiers – ce qui nous conduit à recycler plus de 95 % du papier destiné aux livres – est formidable, remarquable et doit être salué. La traçabilité des papiers qui a conduit nos éditeurs, pour un certain nombre de livres, à privilégier des papiers issus de cette filière développement durable c’est-à- dire « coupage, replantage », préservation des forêts, redéveloppement des forêts et des espaces naturels, est également remarquable. Mais, comme d’autres et pour des raisons économiques, nous continuons, parfois, à imprimer dans des pays dont le développement durable n’est pas une priorité absolue. Il faut comprendre et accompagner ces pays puisque nous avons un modèle de développement très simple. Nous avons finalement largement contribué à polluer et à abîmer la planète pour notre développement, puis quand nous nous sommes convertis au développement durable et nous avons dit aux pays émergents, qui voulaient l’accès à la prospérité économique, « faîtes comme nous, faîtes du développement durable ». Pour eux, la priorité était de sortir de la misère. Ce discours est en train d’être dépassé, notamment en Chine, mais perdure. Il faut donc accompagner ces pays vers une prospérité dans une transition qui soit à la fois économique et écologique.

Par ailleurs, notre pays étant profondément et consubstantiellement lié au papier, nous avons organisé, il y a quelques années, de nombreux colloques sur le numérique. Parmi les arguments avancés en sa faveur, il y avait celui d’une moins grande pollution. Or, nous savons aujourd’hui que le recyclage du numérique et des composants, notamment sur les téléphones portables, est un enjeu fondamental du développement durable. C’est donc une filière qui est à la fois extrêmement vertueuse, qui a mis en place des process pour l’être, et qui a encore de très grandes marges de progression, d’où l’intérêt des débats d’aujourd’hui.

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Je souhaite ensuite vous annoncer que le Centre national du Livre a choisi d’adhérer en octobre prochain au Club développement durable des établissements et entreprises publics et qu’il accueillera la première plénière de l’année 2020.

Cet engagement du CNL est certes tardif mais ne s’arrêtera pas. Nous voulons nous tourner vers le Syndicat National de l’Édition et vers les autres syndicats d’éditeurs pour nous engager avec eux, s’ils le souhaitent, sur une charte de bonne pratique en matière d’écologie et de développement durable qui ne sera pas contraignante mais qui sera une charte d’engagement. Nous espérons signer cette charte dans l’année 2020.

Je ne le fais pas pour moi. Il est fort probable que je connaisse un monde, jusqu’à la fin de mes jours, où la mer ne baignera pas la Tour Eiffel mais nous héritons du monde pour le transmettre aux générations futures, nous dit-on, et on ne peut pas être très fiers de nous. Nous sommes là pour y pallier avec nos moyens, dans notre filière, et je vous remercie d’être présents à cette journée.

Monique BARBAROUX, Haute fonctionnaire au Développement durable du ministère de la

Culture

Merci Monsieur le président pour vos propos. C’est en effet la deuxième journée aujourd’hui des Rencontres après celle organisée en décembre 2018 à la Bibliothèque Nationale de France, accueillie par les équipes de la BnF dont Michel Netzer. Aujourd’hui, nous sommes accueillis par les équipes du CNL et nous vous en remercions.

L’idée de ces journées est intervenue lors de Livre Paris 2018, il y a 9 mois. Le Syndicat National des Éditeurs avait alors organisé un débat sur l’écoresponsabilité de l’édition. La mission Développement durable du ministère de la Culture a trouvé qu’il s’agissait d’un sujet tout à fait intéressant. Le but est de voir comment la chaîne de l’édition du livre, de l’amont à l’aval, jusqu’à la librairie et à la bibliothèque, pouvait s’engager encore plus dans les questions de développement durable avec les trois piliers, même si nos journées sont plus axées sur la question environnementale.

La première journée, en décembre, était ainsi axée sur la chaîne économique du livre. Nous avons évoqué les questions d’impression, de production, de distribution, de diffusion, d’édition et de recyclage. Elle s’est conclue sur l’examen des bonnes pratiques des professionnels du métier. Nous avons souhaité rebondir sur les leviers que la puissance publique pouvait déployer pour faire en sorte que les bonnes pratiques des professionnels se poursuivent et s’accentuent.

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Cette deuxième journée est quant à elle composée en deux parties. Nous parlerons ce matin des leviers publics pour encourager les bonnes pratiques de la filière. La séquence du matin sera modérée par Jean-Guy Boin. Nous commencerons par discuter des leviers au niveau des territoires. Le sujet du développement durable, notamment environnemental, est souvent lié à l’échelle d’un territoire. Il s’agit des questions de transport, de circuit court, de recyclage, de traitement des déchets, etc. Nous avons souhaité avoir le témoignage d’une région vertueuse en matière d’écoresponsabilité, la Région Nouvelle-Aquitaine. Nous savons par ailleurs qu’elle l’est déjà sur le plan du cinéma et des musiques actuelles. Nous aurons ainsi le témoignage de Patrick Volpilhac et d’Élisabeth Meller-Liron sur la façon dont une collectivité régionale peut s’impliquer au niveau de son territoire sur le développement durable. Par ailleurs, ces journées sont co-construites avec les professionnels et le sujet des départements ultramarins était un sujet qui impliquait beaucoup de questions en matière de développement durable. Nous aurons donc le témoignage de François Hurard, Inspecteur général des Affaires culturelles, auteur de rapports sur le sujet. Il viendra expliquer et témoigner de la façon dont il peut y avoir des spécificités pour les territoires ultramarins et le développement durable.

Ensuite, il s’agira de voir comment le ministère de la Culture et ses opérateurs peuvent soutenir, aider, favoriser des bonnes pratiques et nous avons pour cela choisi de faire témoigner un fonds de soutien. Il y en effet trois fonds de soutien au ministère de la Culture : le CNL, le Centre national du Cinéma et de l’Image Animée et le Centre national des Variétés (CNV). Le CNV a mis au point, pour ses commissions, des critères ou des faisceaux d’indice développement durable dans le versement de ses aides. Béatrice Macé, codirectrice des Trans-Musicales de Rennes et présidente de la Commission de soutien aux festivals du CNV, viendra expliquer comment le CNV a pu introduire, dans le cadre d’une réforme de ses aides, cet aspect de prise en compte du développement durable. C’est une façon, pour un fonds de soutien, de favoriser et de dynamiser des pratiques écoresponsables.

Lors de la première journée à la BnF, nous avons vu que le sujet était éminemment économique et relevait du secteur marchand avec des initiatives privées confrontées à un marché mondial. Il nous est donc apparu intéressant d’avoir aujourd’hui le témoignage du ministère de l’Économie et des Finances et notamment de la Direction générale des Entreprises, le livre étant traité dans le Bureau des biens de consommation et de l’écoconception. Ensuite, puisque la mission Développement durable travaille avec le ministère de la Transition écologique et solidaire, Olivier Lerude viendra parler de l’économie circulaire et indiquer comment, dans le cadre des « 50 Mesures en faveur de l’économie circulaire » annoncées par le Premier ministre en 2018, le secteur du livre peut être concerné. Il y a enfin l’idée d’une charte dont vous avez parlé Monsieur le président.

L’après-midi est par ailleurs extrêmement dense puisque Michel Netzer et Pascal Sanz couvriront le sujet des bibliothèques car elles sont au cœur de la filière publique du livre et de

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l’édition. Vous aurez donc des témoignages sur l’écoresponsabilité d’une bibliothèque et les pratiques écoresponsables mises en œuvre dans ces lieux.

Comme lors de la première journée, nous terminerons enfin par l’intervention de grands témoins. Aujourd’hui, ils viennent de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour évoquer la construction d’une bibliothèque totalement écoresponsable à Venelles. Nous avons souhaité avoir le maître d’œuvre, le maître d’ouvrage et l’utilisateur. Ils vont nous expliquer comment une bibliothèque peut se positionner sur le développement durable. Enfin, le dernier grand témoin sera un professeur de l’Université Paris VIII qui viendra parler de l’importance du livre papier, sujet d’étude des sciences cognitives.

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Les Leviers publics pour encourager et soutenir les bonnes