L’expression du facteur de mérite, détaillée au cours du chapitre I.3.1, dévoile distinctement deux types de stratégies permettant d’améliorer le ZT. La première consiste à accroître le facteur de puissance du composé, tandis que la seconde se concentre sur la réduction de la conductivité thermique de réseau. Il peut également être démontré que les performances thermoélectriques sont reliées aux propriétés fondamentales d’un matériau par le facteur de qualité β, défini tel que :25
Equation I.15
Dans le but d’augmenter le facteur de qualité, le produit et le rapport doivent donc être maximisés. Certaines approches permettant d’atteindre ces objectifs seront brièvement décrites au cours des paragraphes suivants.
Il est important de rappeler que certaines grandeurs impliquées dans le calcul du ZT sont interdépendantes. Les techniques d’optimisation sont par conséquent susceptibles d’avoir une influence concomitante, positive ou négative, sur plusieurs paramètres physiques. Elles ne peuvent donc pas toutes être mises en œuvre conjointement et l’obtention d’un ZT optimal nécessite de trouver le meilleur compromis. De plus, l’efficacité de chaque stratégie est fortement corrélée au composé considéré ainsi qu’au contrôle de la synthèse et du processus de densification.
Dans un objectif de clarté, les quelques stratégies présentées sont regroupées suivant l’objectif principal recherché (amélioration du facteur de puissance ou diminution de la conductivité thermique de réseau). De plus amples explications sont disponibles dans les articles proposés en référence.26–30
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6.1) Amélioration du facteur de puissance
Le facteur de puissance est principalement gouverné par la structure électronique du matériau proche du niveau de Fermi (EF). Celleci peut notamment être modifiée gr}ce aux approches suivantes :
Le contrôle précis de la concentration en porteurs de charge (entre 1019 et 1021 cm3 selon le matériau considéré) au travers de dopages, de nonstœchiométries ou de substitutions aliovalentes permet de trouver le compromis idéal entre , et (cf. chapitre I.4).
Le dopage avec certains atomes peut être responsable d’une modification de la structure de bande en augmentant localement la densité d’états électroniques. Si celleci intervient proche du niveau de Fermi ; l’accroissement de l’asymétrie de la densité d’états électroniques génèrera une masse effective plus élevée et un coefficient Seebeck plus important.31
La diminution de la différence d’énergie entre les bandes lourdes et légères proches du niveau de Fermi permet d’augmenter la masse effective des porteurs de charge et le coefficient Seebeck du matériau.32 Cette stratégie porte le nom de « convergence de bandes ».
La formation d’un matériau constitué d’une matrice non dopée et d’inclusions avec une forte concentration en porteurs de charge peut diminuer la résistivité électrique du composé. En effet, les porteurs de charge vont être transférés des inclusions vers la matrice et bénéficieront d’une mobilité élevée gr}ce à la faible proportion d’impuretés ionisées en son sein. Toutefois, cette approche de « dopage modulé » n’est viable que pour des températures de travail modérées afin d’empêcher l’interdiffusion entre la matrice et les inclusions.33
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6.2) Réduction de la conductivité thermique de réseau
Selon l’équation I.12, la conductivité thermique de réseau est proportionnelle à la vitesse du son ( ) dans le matériau, à la chaleur spécifique ( ) du réseau et au libre parcours moyen des phonons ( ). Le paramètre est lié à la composition et à la structure de la phase, tandis que est principalement influencé par la force des liaisons chimiques au sein du réseau.14 Ces deux grandeurs sont donc propres au composé et il est difficile d’influencer significativement leur valeur. De ce fait, la réduction de la conductivité thermique de réseau doit être réalisée par le biais d’une diminution du libre parcours moyen des phonons.
Les phonons qui se propagent dans un matériau s’étendent sur une large gamme de fréquence et possèdent des libres parcours moyens qui varient de plusieurs centaines de nanomètres à moins de quelques nanomètres.18, 34 Par ailleurs, le libre parcours moyen des porteurs de charge est généralement inférieur à quelques nanomètres. Dans certains matériaux, il est ainsi possible d’accroître sélectivement la diffusion des phonons tout en minimisant l’influence négative sur la mobilité des porteurs de charge. Plusieurs stratégies peuvent être entreprises individuellement ou simultanément pour augmenter le ratio : La création de défauts ponctuels (atomes interstitiels, lacunes, solution solide…)
augmente le désordre et permet de diffuser efficacement les phonons de faible libre parcours moyen au sein même de la maille élémentaire gr}ce au phénomène de fluctuation de masse et/ou de volume. Il est intéressant de noter que la formation d’une solution solide avec des éléments isovalents va avoir principalement un effet de réduction de . Tandis que l’utilisation d’éléments aliovalents permettra de modifier conjointement le facteur de puissance du matériau et la conductivité thermique de réseau. Certaines phases disposent également de cavités au centre des polyèdres de coordination, appelées « cages », qui peuvent s’accommoder de l’insertion d’atomes lourds faiblement liés. Ces derniers vont induire des vibrations anharmoniques du réseau et produire un effet de « rattling » qui sera responsable de la diffusion des phonons.
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La formation d’un précipité de phase secondaire de taille nanométrique ségrégé au sein d’une matrice participe à la diffusion des phonons de libre parcours moyen intermédiaire. L’optimisation de la taille des grains permet d’augmenter la densité de joints de grains. La multiplication de ces interfaces restreint la propagation des phonons de grand libre parcours moyen.
La structuration d’un matériau à ces trois échelles (atomique, nanométrique et mésoscopique) diminue drastiquement la conductivité thermique de réseau en diffusant simultanément les phonons de petit, moyen et grand libre parcours moyen.35, 36